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Unique: petits actionnaires, grosse colère

Le groupeement VFSN «Non aux atterrissages par le sud» manifeste toute les semaines. Keystone

Des milliers de personnes sont réveillées en sursaut par des avions depuis que les routes d’atterrissage de Kloten ont été modifiées par droit d’urgence.

L’assemblée générale de la société Unique a eu lieu mardi à Zurich.

De 27 à 105 francs: l’action de Unique a fait un bond en une année. La société d’exploitation de l’aéroport de Zurich aurait-elle retrouvé les faveurs du public?

Pas vraiment. Si les actionnaires se sont pressés au portillon, c’était pour avoir droit au chapitre mardi, lors de l’assemblée générale. Les journalistes auraient dû en faire de même: ils n’ont en effet pas été tous invités.

Journalistes triés

«Nous avons fait un choix dans l’envoi des invitations», admet le porte-parole Andreas Siegenthaler. Sur quels critères? «Nous ne faisons aucun commentaire sur nos motivations.»

Jacob Zgraggen, avocat, confirme le mouvement d’achat d’actions. Dimanche, il était à l’aéroport pour soutenir la manifestation hebdomadaire du groupement «Non aux atterrissages par le sud» (VFSN).

«Je représente un groupe d’actionnaires mécontents des décisions prises par le conseil d’administration, qui n’a rien vu venir pendant des années», explique-t-il.

Zone très peuplée

Beaucoup de personnes habitant les nouvelles zones survolées par des avions à basse altitude se sentent en effet flouées. Leur région n’avait jamais été évoquée pour des couloirs d’atterrissage et l’est et le sud de l’aéroport sont fortement peuplés, contrairement au nord.

De plus, le Département de Moritz Leuenberger a supprimé l’effet suspensif des recours déposés l’an dernier contre le nouveau règlement d’exploitation (entretemps déjà remplacé par un autre…), en vertu du droit d’urgence.

«C’est comme si on construisait une route sans autorisation», estime Andreas Bantel, journaliste économique qui édite une lettre d’information sur Internet.

La conseillère d’Etat zurichoise Rita Fuhrer, qui a repris le dossier en janvier dernier, rejette l’interprétation faite par les opposants.

«Droit d’urgence»

«Ce n’est pas illégal, a-t-elle expliqué à swissinfo, c’est une mesure appliquée par la Confédération en vertu du droit d’urgence. Un canton ne peut pas, de lui-même, recourir à une telle solution.»

«Je trouve cette procédure regrettable, ajoute-t-elle, mais je ne peux pas revenir en arrière. Ce que je peux faire en revanche, c’est appliquer le parallélisme pour l’approche coudée par le nord.» (approche qui longerait le Rhin du côté suisse, ndlr).

Lorsqu’elle concerne des avions en phase d’atterrissage, la «route construite sans autorisation», selon Andreas Bantel, est extrêmement bruyante. Pas en continu, mais par vagues, tôt le matin et le soir à partir de 9 heures jusqu’à la fermeture de l’aéroport.

Menaçants «nazgouls»

Dimanche dernier, 6 heures du matin à Ebmatingen, sur la crête séparant le lac de Zurich de celui du Greifensee, la météo ne justifie pas une exception.

Ils vont arriver, les «nazgouls», comme les appelle l’hôte des lieux, Martin Jäggi, du nom de ces grands oiseaux monstrueux inventés par Tolkien.

Ce n’est qu’un banal avion mais sa vision, alors qu’il fait encore nuit, saisit d’effroi. Quand on regarde depuis le contrebas de la crête, la masse sombre accrochée à de puissants phares se distingue d’abord à travers les arbres puis déboule au-dessus des cimes et semble foncer sur nous.

Le bruit des moteurs crève la torpeur matinale, puis disparaît en même temps que la carlingue, qui va se poser une ou deux minutes plus tard sur la piste sud de l’aéroport, débarquant ses passagers en provenance d’une ville lointaine de la planète.

Martin Jäggi, 57 ans, vit ici avec sa femme depuis vingt ans. «Quand nous avons acheté la maison, raconte cet ingénieur en hydraulique et aménagement des cours d’eau, nous nous sommes rendus compte que l’aéroport était très prêt. A l’époque, on pensait que les atterrissages étaient impossibles, à cause de la colline.»

Un demi-million de personnes

Près d’un demi-million de personnes vivent dans la région sous les routes d’approche, y-compris celles du nord. En Allemagne, la population concernée peut être estimée à 30’000 personnes.

«On oublie que, bien qu’ils aient eu au-dessus de leurs têtes 95% des atterrissages, les Allemands n’ont toujours eu à supporter que 5% du bruit, parce que les avions sont à cet endroit-là à quelque 900 mètres d’altitude», rappelle le journaliste Andreas Bantel.

Tranquillité, paysage magnifique, de la place pour les enfants: l’endroit est typique de la classe moyenne aisée mais pas richissime, contrairement à celle qui peuple l’autre versant de la colline en direction du lac de Zurich, avec ses Zumikon, Zollikon ou Herrliberg. Mais à 6 heures du matin, les avions ne font pas la différence.

Deuxième appartement

Certains, lorsqu’ils en ont les moyens, passent des week-ends à l’hôtel pour être sûr de pouvoir dormir le matin. Martin Jäggi, lui, projette de prendre un deuxième appartement en Valais où il travaille régulièrement.

«Je viens d’entendre parler d’une installation faite de fenêtres anti-bruit avec un moteur réglable qui ferme la fenêtre quand on veut, par exemple à 6 heures moins le quart.» Prix de l’installation: 24’000 francs.

Quant au projet de remettre la maison à l’aîné de leurs trois fils quand il aurait une famille, Martin et Alica Jäggi le craignent sérieusement compromis.

Une médiation

A moins que la procédure de médiation initiée l’année dernière ne porte ses fruits. L’équipe chargée de préparer les discussions a présenté lundi ses premiers résultats: une médiation est possible, mais difficile. Une décision politique doit encore être prise.

La conseillère d’Etat Rita Fuhrer l’appelle de ses voeux: «Je souhaite que les gens se rendent compte qu’une opposition trop radicale met en danger l’aéroport, explique-t-elle. La médiation est nécessaire car il faut un endroit où les gens s’écoutent. Pour le moment, personne ne s’écoute.»

swissinfo, Ariane Gigon Bormann à Zurich

– Jusqu’en 2000, 30’000 Allemands environ ont subi 95% des atterrissages de l’aéroport de Zurich mais 5% des nuisances sonores (car les avions sont à quelque 900 mètres d’altitude).

– Après l’entrée en vigueur, par étapes, de diverses interdictions de survol allemandes, près d’un demi-million de personnes vivant dans une région très dense subissent aujourd’hui des survols d’avions juste au-dessus de leur tête.

– Les Allemands et les quelques miliers de Zurichois vivant au nord de l’aéroport avaient bel et bien un sujet de plainte: dans un accord administratif de 1984, Zurich promettait de mieux répartir les routes d’atterrissage. L’aéroport n’en a eu cure.

– L’impatience allemande débouche, le 23 mai 2001, sur la résiliaton du contrat de 1984. Négociations pour un Accord aérien étatique, signature, opposition et rejet du contrat par le Parlement suisse en mars 2003 provoquent l’adoption de mesures «unilatérales» allemandes.

– Les riverains de l’est avaient été touchés, dès octobre 2001, ils le seront encore plus: le 17 avril 2003, le territoire allemand est interdit de survol tôt le matin et le soir.

– Un durcissement est prévu le 10 juillet. Moritz Leuenberger «gagne» un report à fin octobre contre la promesse d’inaugurer les atterrissages par le sud.

– Beaucoup de Zurichois, même ceux qui subissent les nuisances, admettent que les Allemands auraient dû être mieux traités. «Mais cette errreur a été corrigée avec une erreur encore plus grande, qui débouche sur la catastrophe actuelle», dénoncent nombre de riverains.

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