Forte poussée de l’extrême-droite lors d’élections régionales en Allemagne
(Keystone-ATS) L’extrême-droite allemande a enregistré une forte poussée dimanche, 30 ans après la chute du Mur de Berlin, lors de deux élections régionales en ex-RDA. Ce résultat sonne comme une forme d’avertissement pour la fragile coalition d’Angela Merkel.
L’Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui pourfend la politique d’accueil de centaines de milliers de migrants par la chancelière ces dernières années, obtient 22,5% dans le Brandebourg, le Land qui entoure Berlin, contre 12,2% en 2014. Elle obtient 27,5% en Saxe, dans le sud-est, contre 9,7% en 2014), selon de premières estimations diffusées par les chaînes de télévision publique ARD et ZDF.
L’Est de l’Allemagne confirme son statut de bastion électoral de l’AfD, nettement plus faible dans l’Ouest du pays. Une illustration de la césure persistante en Allemagne trois décennies après sa réunification. Sans décrocher de première place ni être en mesure de gouverner ces deux Länder, ce qui constitue pour elle une déception, l’extrême-droite réalise nénamoins une performance.
« L’AfD fait désormais partie du paysage quotidien à l’Est », jugeait le politologue Karl-Rudolf Korte. L’Est subit « un spectaculaire glissement vers la droite », abondait un autre politologue, Wolfgang Schröder.
« Nous sommes très satisfaits. Nous avons plus que doublé notre résultat de 2014 en Saxe et dans le Brandebourg », a salué Jörg Meuthen, co-dirigeant de l’AfD, après l’annonce des premières estimations. « Nous ne sommes pas encore la force la plus puissante, il manque encore quelque chose. Le travail commence », a concédé un autre responsable du mouvement, Alexander Gauland, convaincu cependant que la CDU d’Angela Merkel a été « punie ».
Alliances hétéroclites
Quelque 5,5 millions de personnes étaient appelées aux urnes pour élire leurs nouveaux parlements régionaux. S’il ne s’agit que d’environ 12% du corps électoral allemand, ces scrutins, complétés par un troisième en Thuringe, autre région de l’ex-RDA, le 27 octobre, sont scrutés à la loupe.
Dans le Brandebourg, le parti social-démocrate, partenaire minoritaire de la coalition gouvernementale de Mme Merkel à Berlin, parvient à sauver sa première place avec 27,5%, selon les estimations. En Saxe voisine, les conservateurs de Mme Merkel, dont ce Land était un fief, arrive certes en tête avec plus de 32%, devançant l’AfD de 5 points environ dans cette région berceau du mouvement islamophobe Pegida. Mais avec un net repli depuis le précédent scrutin (39,4% en 2014).
Les partis établis, en particulier la CDU, ont d’ores et déjà prévenu qu’ils ne formeraient pas de coalition avec l’AfD, qui présentaient de surcroît dans ces régions des figures issues de sa frange la plus radicale. Ces Länder pourraient ainsi se trouver gouvernés par de larges alliances hétéroclites associant droite et gauche, et ce au risque de paralyser l’action politique et d’attiser un peu plus les mécontentements.
Dans des régions où nombre de jeunes continuent d’émigrer chaque année vers l’ouest de l’Allemagne et ses salaires plus alléchants, les Allemands de l’ex-RDA souffrent d’un sentiment de déclassement, malgré une forte baisse du chômage depuis 10 ans.
Pas de poussée verte
La politique d’accueil des réfugiés menée depuis 2015 par Angela Merkel a ainsi heurté une partie de la population qui a eu le sentiment que l’Etat s’occupait davantage des migrants que de leur sort. L’AfD a surfé sur ces peurs en faisant campagne contre des formations traditionnelles qu’elle assimile à l’ancien parti communiste de la RDA, tout en défendant un credo climato-sceptique.
Ces scrutins régionaux constituent une nouvelle claque pour la chancelière, à la tête depuis l’an dernier d’une coalition fragile avec les sociaux-démocrates du SPD. Elle avait déjà annoncé qu’elle quitterait le pouvoir à l’automne 2021.
Elle ne devrait toutefois pas encore imploser à la suite des scrutins de dimanche, puisque les deux partenaires ont conservé leur Land, la CDU la Saxe et le SPD le Brandebourg. Toutefois le SPD a prévenu vouloir d’ici la fin de l’année décider de rester ou pas dans la coalition.
Devenu le deuxième parti à l’échelon fédéral, selon les sondages, les Verts ratent eux en partie le coche dans ces deux Länder industriels, traditionnellement rétifs au vote écologiste. Avec un score autour de 9% dans chacun des deux scrutins, ils sont en-deçà des 14% que leur promettaient d’ultimes sondages.