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Au Soudan, les transferts d’armes étrangères alimentent la crise humanitaire 

Des livraisons d’armes, en provenance de six pays, dont la Serbie, la Russie et la Chine, alimentent la guerre civile et la crise humanitaire qui ravagent le Soudan depuis 18 mois. L’embargo de l’ONU au Darfour serait régulièrement contourné, d’après une enquête d’Amnesty International.

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Des milliers d’armes seraient acheminées au Soudan, d’après une récente enquête d’Amnesty International. Certaines d’entre elles atteindraient même la région du Darfour, dans l’ouest du pays, malgré un embargo des Nations unies dans la région. 
 
Depuis avril 2023, le Soudan est en proie à une violente guerre civile qui oppose l’armée soudanaise, dirigée par le général al-Burhan, aux forces paramilitaires du général Daglo. Un conflit qui a plongé plus de la moitié de la population soudanaise dans une situation d’insécurité alimentaire aiguë, d’après l’ONULien externe, qui dénonce des crimes de guerre orchestrés par les deux camps. Avec plus de 10 millions de déplacés et des dizaines de milliers de morts, le bilan humanitaire est sans précédent dans la région. 
 
Cette guerre sanglante serait alimentée par un afflux constant de matériel militaire provenant de l’étranger, d’après un rapport d’Amnesty International.Lien externe En analysant près de 2000 dossiers d’expédition et des milliers d’images du conflit, l’ONG a suivi la trace d’armes aux mains des belligérants des deux parties au conflit.

L’embargo de l’ONU transgressé

«On s’est rendu compte qu’il y a toute une série d’États qui exportent des armes au Soudan, en violation avec le traité sur le commerce des armes auquel nombre d’entre eux sont parties», explique Nadia Boehlen, porte-parole de la section suisse d’Amnesty International, dans les locaux de l’ONG à Genève. Il s’agirait d’une part d’armes légères, comme des armes de poing, des fusils, mais aussi des véhicules blindés, des brouilleurs de drones, des millions de munitions et des armes plus lourdes, comme des mortiers, précise-t-elle. 
 
Entré en vigueur en 2014, le Traité sur le commerce des armes (TCA) Lien externeinterdit l’exportation d’armes dans les pays où elles pourraient servir à commettre des violations des droits humains. Toutefois, le texte ne dispose pas de mécanismes de sanctions en cas d’infraction, comme l’a rappelé sur le plateau de GéopolitisLien externe Nicolas Florquin, responsable des données au Small Arms Survey, un organisme basé à Genève qui recense les flux d’armes illicites dans le monde. 
 
En tout, six pays fournisseurs sont épinglés par le rapport: la Serbie, la Russie, la Turquie, la Chine, les Émirats arabes unis ainsi que le Yémen. Tous, à l’exception du Yémen et de la Russie, sont signataires ou parties au TCA. Certaines armes atteindraient même le Darfour, dans l’ouest du pays, et ce malgré un embargo sur les armes de l’ONU dans la région en vigueur depuis 2004. 
 
En janvier 2024, plusieurs enquêtes,Lien externe notamment du groupe d’experts des Nations unies sur le Soudan, avaient identifié des afflux d’armes en provenance des Émirats arabes unis qui soutenaient les forces paramilitaires. L’aéroport d’Amdjarass, dans l’est du Tchad, avait notamment été identifié comme un point de passage d’armes et de munitions, exportées vers le Soudan et en particulier vers le Darfour. Les Émirats arabes unis ont fermement rejeté ces accusations.

Graph des armes importées au Soudan
Au moins six pays fournissent des armes au Soudan, d’après une enquête d’Amnesty International. Géopolitis / RTS

Des fusils de chasse détournés

Au moins deux voies d’acheminement auraient été détournées pour servir au conflit, d’après l’étude. C’est le cas de la vente d’armes destinées à un usage civil – comme pour la chasse ou le tir sportif – mais aussi de munitions et d’armes à blanc qui pourraient être transformées à des fins létales. Des contournements que recense de plus en plus le Small Arms Survey, et ce même en Europe: «La transformation de pistolets d’alarme en armes létales est l’une des principales sources d’armes illicites dans l’Union européenne», souligne Nicolas Florquin. 
 
En réponse à ces contournements, la mission d’établissement des faits de l’ONULien externe, ainsi que des organisations de défense des droits humains comme Amnesty International et Human Rights WatchLien externe, appellent à étendre l’embargo à l’ensemble du Soudan. «L’embargo limité au territoire du Darfour est absolument insuffisant pour protéger les civils. Quand on exporte des armes au Soudan, on est pratiquement certain qu’elles vont donner lieu à des violations des droits humains», insiste Nadia Boehlen avant d’appeler les États partis ou signataires au traité sur le commerce des armes à contrôler rigoureusement leurs exportations vers le Soudan. 
 
Des appels qui peinent à trouver un écho au sein de la communauté internationale. En septembre dernier, le Conseil de sécurité de l’ONU a renouvelé pour un an l’embargo dans la région du DarfourLien externe, sans l’étendre à l’ensemble du pays. À Genève, des pourparlers de paix en août dernier ne sont pas parvenus à un accord de cessez-le-feu.

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