Les coupes budgétaires suisses fragilisent une Genève internationale déjà sous pression
![Le siège d'ONUSIDA à Genève](https://www.swissinfo.ch/content/wp-content/uploads/sites/13/2025/02/380094784_highres.jpg?ver=e57f6a11)
La Suisse a décidé de couper son financement à plusieurs organisations internationales actives à Genève, dont l’Onusida et l’Unesco. Une décision qui tombe alors que les Etats-Unis ont suspendu leur aide étrangère. Un climat d’incertitude règne dans la capitale de la paix.
«C’est un coup dur, et le moment est particulièrement mal choisi, en pleine suspension de l’aide américaine», déplore Christine Stegling, directrice exécutive adjointe de la branche Politiques, sensibilisation et connaissances de l’Onusida.
Fin janvier, le programme des Nations unies sur le VIH, basé à Genève, a appris que la Suisse cesserait de verser ses contributions à l’organisation à partir de 2025, soit 3 millions de francs.
«Compenser cette perte sera difficile, car l’ensemble du secteur de l’aide au développement traverse un choc systémique», souligne-t-elle. Les autorités fédérales supprimeront également leurs contributions à l’Unesco, ainsi qu’au Partenariat mondial pour l’éducation.
D’autres coupes importantes sont prévues, notamment à l’Unicef (-25% des contributions suisses), au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD, -20%) ainsi qu’à l’Entité pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes, -20%). La Suisse mettra également un terme d’ici fin 2028 à ses programmes de développement en Albanie, au Bangladesh et en Zambie.
Ces mesures font suite à la décision du Parlement, en décembre dernier, de couper 110 millions de francs dans le budget 2025 et 321 millions de francs dans le plan financier 2026-2028 consacré à la coopération au développement.
Elles s’inscrivent dans le vaste programme d’économiesLien externe annoncé par le Conseil fédéral à l’automne, visant notamment à renforcer le financement de l’armée. Des enveloppes supplémentaires seront allouées à la reconstruction de l’Ukraine (1,5 milliard de francs) et au financement climatique international (1,6 milliard).
Vulnérabilité face à Donald Trump
A Genève, ces annonces alimentent un climat d’incertitude, déjà exacerbé par la suspension de l’aide étrangère par le président américain Donald Trump pendant trois mois, le temps d’une réévaluation. Une annonce qui survient alors que les Nations unies font déjà face à une crise des liquidités sans précédent.
À l’instar de nombreuses organisations établies à Genève, l’Onusida dépend fortement des contributions américaines, qui représentent 40% de son budget.
![Le président américain Donald Trump](https://www.swissinfo.ch/content/wp-content/uploads/sites/13/2025/01/GEOP_USA_TRUMP_VIGNETTE.png?ver=4f714665)
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L’arrivée de Trump secoue la Genève internationale
«Nous devons dès maintenant nous préparer à des mesures d’économies drastiques et adapter nos activités à un financement qui sera potentiellement réduit», note Christine Stegling.
«Dans tous les pays où nous intervenons, des dispensaires de VIH, dépourvus de réserves, sont contraints de fermer leurs portes dans l’attente d’une décision américaine, explique-t-elle. Ce sont les plus vulnérables qui en paieront le prix fort.»
Vers une flambée des infections au VIH?
Si elle se félicite de la dérogation américaine pour les traitements vitaux, qui incluent le dépistage, elle s’inquiète de l’interruption des efforts de prévention, notamment de la distribution de préservatifs et du traitement préventif PrEP.
«Ce gel du financement américain entraînera inévitablement une augmentation des infections au VIH», redoute-t-elle.
Du côté suisse, les autorités fédérales justifient la suppression des contributions à l’Onusida en expliquant vouloir concentrer leurs efforts de lutte contre le VIH à travers l’OMS et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, basé à Genève.
Un argument que Christine Stegling peine à entendre: «Nous sommes les seuls à travailler directement à l’échelle des pays en impliquant les communautés concernées. Le Fonds mondial et Pepfar (le programme américain de lutte contre le VIH, ndlr) dépendent des données que nous récoltons sur le terrain.»
Et d’ajouter: «Nous savons comment éradiquer le VIH d’ici 2030. Se désengager maintenant serait irresponsable, on risque de perdre 30 ans de progrès. Cette maladie infectieuse affecte la sécurité sanitaire mondiale et nationale; on ne peut pas mettre une pandémie sur pause.»
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L’éducation et la culture aussi dans le viseur
L’éducation et la culture sont également touchées par ces nouvelles mesures d’économies. Dès 2025, la Direction du développement et de la coopération (DDC) cessera de verser des contributions au Partenariat mondial pour l’éducation ainsi qu’à l’Unesco. L’Unicef – le fonds onusien pour l’enfance – verra également ses contributions réduites d’un quart.
La DDC a annoncé vouloir «abandonner progressivement les actions menées dans le domaine de l’éducation de base» pour privilégier la formation professionnelle et l’éducation en contexte d’urgence. Contacté à ce sujet, l’Unicef n’a pas répondu à nos questions.
![Une livraison d'aide humanitaire avec un écriteau "donation de la Suisse"](https://www.swissinfo.ch/content/wp-content/uploads/sites/13/2024/11/396605113_highres.jpg?ver=f0805ced)
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Les coupes annoncées dans l’aide internationale font craindre pour les plus démunis
Du côté de l’Unesco, cette annonce est tombée quelques jours seulement avant que le président américain Donald Trump signe un décret pour retirer les Etats-Unis du Conseil des droits de l’homme et pour «passer en revue l’implication américaine dans l’Unesco».
Lors de son premier mandat, il avait déjà claqué la porte de cette agence onusienne consacrée à l’éducation, la science et la culture. Le risque d’un nouveau retrait américain, qui pourrait entraîner d’autres désengagements, inquiète-t-il l’organisation?
Matthieu Guével, directeur de la communication à l’Unesco, se veut plutôt rassurant: «L’engagement financier de nos partenaires multilatéraux et privés n’a cessé d’augmenter – avec un doublement de ces contributions depuis 8 ans.»
Pour ce qui est des coupes suisses, il souligne que seules les contributions dites «volontaires» sont concernées, soit une partie seulement des fonds alloués par la Suisse. «Ces réductions auront un impact sur certaines de nos opérations, notamment celles du Bureau International de l’Education basé à Genève, et nous continuerons de mobiliser d’autres acteurs afin d’en minimiser l’impact», souligne Matthieu Guével.
A Genève, le compte à rebours est lancé. Fin 2024, des experts avaient déjà alerté quant au risque que la capitale de la paix perde son influence sur la scène internationale. Les autorités locales n’ont pas tardé à réagir: ce mercredi 12 février, le Conseil d’Etat genevois a annoncé un soutien d’urgence de 10 millions de francs à l’intention des organisations non gouvernementales.Lien externe À présent, la Genève internationale retient son souffle, suspendu à l’évaluation américaine, attendue d’ici fin avril.
Relu et vérifié par Pauline Turuban
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