Chez les Al-Saoud, les luttes d’influence passent par Genève

Le palais du roi Fahd d'Arabie à Collonge-Bellerive. Keystone Archive

Depuis la Suisse, le roi Fahd (81 ans) joue son frère Sultan (78 ans) contre son demi-frère Abdallah (79 ans), le prince héritier.

Il ne s’agit pas seulement d’une bagarre de princes du quatrième âge au sein de la monarchie saoudienne, mais d’une vraie lutte de pouvoir. Victime d’une attaque cérébrale en 1996, Fahd a été contraint de laisser la régence à son demi-frère, le prince Abdallah.

Seulement voilà, Fadh est membre de la branche Sudairi, Abdallah, de la branche Shuraim. Les deux souverains n’ont pas la même mère. Alors qu’Abdallah est fils unique, Fahd compte six frères, dont Sultan, le ministre de la Défense, Nayef, le ministre de l’Intérieur, Salman, le gouverneur de Riyad.

A cela s’ajoute une vraie lutte idéologique entre les deux clans. Les Sudairi sont des inconditionnels des Américains, Abdallah se montre plus indépendant. Résultat, alors que le roi Fahd devait discrètement abandonner le pouvoir, une guerre feutrée oppose actuellement Genève à Riyad.

4.000 héritiers mâles

Un exemple? C’est depuis la Suisse que le prince Nayef (65 ans) a lancé depuis le 17 juin une vague d’arrestations, en Arabie Saoudite, contre des partisans l’Al-Qaeda, et parmi eux, des combattants en Afghanistan qui avaient pu regagner sans encombre leur pays après les attentats du 11 septembre.

Puis, du 25 au 28 juin, le Conseil de la famille régnante (la famille Al-Saoud compte plus de 4.000 héritiers de sexe masculin) a désigné Sultan comme deuxième personnalité du gouvernement derrière Abdallah. Bref, les Sudairi semblent assurés de conserver le pouvoir.

Toutefois, Abdallah possède encore des pions. Il a pris le pouvoir sur la garde nationale. Celle-ci, composée de bédouins ultra conservateurs et hostiles à la présence des Américains sur le territoire saoudien, est confiée à son fils, Muteeb, annonce la lettre confidentielle Intelligence Online.

Intense ballet diplomatique

Résultat, le roi Fahd, représentant du clan des Sudairi, n’a jamais été aussi courtisé. D’où l’intense ballet diplomatique qui secoue Genève depuis son arrivée le 20 mai dernier. Malgré son état de santé, le souverain saoudien reste le personnage incontournable pour tenter de trouver une issue au Proche-Orient.

La liste est longue des chefs d’Etat qui fréquentent les bords du lac Leman: le cheikh Zayed, président des Emirats arabes unis, Hosni Moubarak, le président égyptien, le roi Abdallah II de Jordanie, Abdelaziz Bouteflika, le président algérien.

Sans oublier Jacques Chirac, au nom d’une France qui voudrait encore compter dans le monde arabe, et le cheikh Khalifa, du Bahreïn, attendu prochainement.

Ce n’est pas non plus un hasard, la fréquentation de la Mosquée de Genève a considérablement augmenté depuis l’arrivée du roi. C’est plus de 3.000 fidèles qui assistent à la prière du vendredi.

Fahd cède sa propriété

La cession de la résidence de Collonges-Bellerive, qui a réclamé 24 ans de travaux, à la seconde épouse du roi Fahd, la princesse Johara Al-Ibrahim, est-elle liée à cette succession? Le Temps laisse entendre qu’Abdelaziz, 30 ans, le fils préféré du roi, serait le bénéficiaire final du « Palais de l’Aube ».

En raison de l’âge des princes, Fadh, Abdallah et Sultan, on peut facilement imaginer que la lutte de pouvoir risque d’opposer rapidement leurs fils. Face à Muteeb, commandant de la Garde nationale, et à Bandar, ambassadeur aux Etats-Unis, les deux fils de Fahd, Abdelaziz et Mohammed réclameront également leurs parts de gâteaux.


swissinfo/Ian Hamel