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L’Eglise veut reconquérir les croyants

Entre marketing ciblé, gestion de pointe et présence au sein du public, les Eglises officielles de Suisse multiplient les stratégies afin de lutter contre l'hémorragie de leurs fidèles.

Après l’inauguration d’une chapelle ouverte au cœur d’un grand centre commercial zurichois, c’est au tour de l’église catholique romaine de Bâle de se rapprocher de ses ouailles.

Elle a notamment décidé de distribuer des tracts au public, sur lesquels on peut lire le message suivant: «On peut quitter l’église mais, on peut aussi y venir».

Dans la chrétienté, Pâques est la fête la plus importante de l’année. Pourtant, un nombre grandissant de personnes l’ignorent. Les œufs colorés et autres lapins en chocolat ont envahi l’imaginaire collectif, ne laissant que peu de place à la résurrection du Christ.

En Suisse, cette tendance à la désaffection de l’église officielle est en nette augmentation. Le cas de Bâle est emblématique de cette évolution puisque dans la cité rhénane, plus de la moitié de la population n’est pas membre d’une église officielle.

Déficit économique

L’église catholique romaine figure parmi les églises les plus touchées par ce phénomène. Des quelque 90’000 fidèles qu’elle comptait encore dans les années septante, il n’en restait qu’un tiers en 2006. Si le rythme des départs annuels devait se maintenir à cette cadence, ils pourraient même n’être plus que 20’000 à l’horizon de 2022.

L’hémorragie de fidèles rime aussi avec pertes financières. Cet affaiblissement des ressources économiques de l’Eglise fragilise sa présence dans le tissu social. Cela pourrait notamment bientôt être le cas à l’école primaire, où la religion oecuménique est encore inscrite au programme de l’enseignement obligatoire de 75% des élèves.

Paradoxalement, un tiers des familles dont proviennent ces écoliers n’est pas membre d’une église officielle. Les parents veulent bien que les connaissances religieuses soient transmises à leur progéniture mais n’acceptent pas pour autant de s’acquitter des coûts qu’entraîne un tel service.

A travers des témoignages

Face à ce problème, l’église catholique de Bâle a décidé de réagir en recourant à des mesures d’épargne, mais aussi en mettant en valeur ce que cette institution a à offrir au public.

Il y a quelques jours, elle a lancé une campagne de petites annonces dans les journaux et organisé la distribution de tracts en plusieurs endroits très fréquentés de la ville.

Sur ces imprimés, figure le portrait de personnes qui ont décidé de revenir à l’Eglise. Des histoires et des parcours personnels, de citoyens moyens, dans lesquels tout un chacun peut se reconnaître.

C’est en tout cas l’espoir que nourri Xavier Pfister, responsable de l’information auprès de l’Eglise catholique de Bâle. «Nous sommes partis de la constatation qu’à Bâle, les gens considèrent le fait de quitter l’église comme normal. Dès lors, il nous apparaissait important de renverser le problème et de faire savoir, que l’on peut aussi revenir vers l’Eglise», explique-t-il.

La foi plus forte

Tel a été le choix de Maria Schnyder, qui avait tourné le dos à l’église parce qu’une amie lui avait dit: «Tu es folle de payer l’impôt sur le culte!». Ou encore celui de Reto Müller, âgé de 32 ans, qui n’acceptait pas la position de l’église catholique sur des questions telles que l’ordination des femmes, l’homosexualité, le pardon accordé aux dictateurs Pinochet et Franco au seuil de la mort, tout en stigmatisant le suicide.

«La foi demeure et c’est pourquoi j’ai décidé de revenir à l’église. Je me pose toujours les mêmes questions mais je ne pense plus que cette position critique soit incompatible avec ma conviction religieuse», témoigne encore Reto.

Pour cette campagne, l’église catholique de Bâle s’est dotée de moyens financiers très limités, soit à peine 10’000 francs. «Je ne pense pas que cette démarche entraînera une forte augmentation du nombre d’adhésions mais c’est un bon moyen d’attirer l’attention du public».

Mission marketing

Une attention dont cette église a grand besoin. Les églises officielles sont désormais noyées dans un océan d’offres spirituelles parmi lesquelles figures diverses philosophies orientales et les courants New âge.

Comme le «client» ne sait plus vers quel saint se tourner, l’église a choisi de recourir aux instruments de marketing modernes afin de mieux cibler son public.

«Le dialogue avec l’être humain a toujours été au cœur des préoccupations de l’Eglise», relève Xavier Pfister. La distribution d’imprimés et l’ouverture d’une chapelle dans le centre commercial géant de Shilcity à Zurich, témoignent de la volonté de l’Eglise d’aller à la rencontre de ses fidèles.

L’Evangile et Eurofoot

«L’Eglise, ajoute encore Xavier Pfister, devrait tenir compte des nouvelles formes de religiosité et les intégrer dans sa démarche. Comme cela avait déjà été fait avec Noël, qui ne correspond pas à la date de la naissance du Christ mais qui récupère la célébration du sol victus».

«Partir à la rencontre de l’être humain ne signifie pas qu’il faut se plier à tous ses caprices. Nous ne sommes pas une entreprise qui change de produit dès que la demande de l’un de ses articles est en baisse. L’Evangile reste notre point de référence fondamental», tient à préciser Xavier Pfister.

Ainsi, l’église catholique de Bâle entend bien profiter des championnats d’Europe de football en 2008. «Nous envisageons de créer une sorte de théâtre de rue, avec des acteurs qui discuteraient dans des lieux publics. Dans un premier temps, les gens auraient l’impression d’assister à une scène réelle. Une fois que les acteurs auraient quitté les lieux, ce serait aux passants de prendre le relais de la discussion», révèle Xavier Pfister.

swissinfo, Doris Lucini
(Traduction de l’italien: Nicole della Pietra)

En Suisse, les Eglises officielles sont au nombre de trois: l’église catholique romaine, l’église évangélique réformée et l’église catholique chrétienne.
En 1970, le 95% de la population suisse était membre de l’une des trois églises officielles du pays. En 2000, date du dernier recensement de la population, le taux était descendu à 75%.
A Bâle, plus de la moitié des habitants ne sont pas membres d’une Eglise officielle.

La Confédération garantit la liberté de culte et d’expression. Les rapports entre l’Etat et l’Eglise sont réglés par la législation des cantons.

Généralement, les paroisses des trois Eglises nationales ont le droit de percevoir l’impôt sur le culte auprès de leurs membres et, dans la majeur partie des cantons, ce même droit s’applique aussi aux personnes morales. La taxation pour les impôts cantonaux sert de base de calcul. Ainsi, à Bâle-Ville le prélèvement se monte à 8% de l’ardoise fiscale.

Pour les personnes physiques, le versement de l’impôt est facultatif à Genève et à Neuchâtel. C’est aussi le cas au Tessin mais à condition d’avoir déposé la requête d’exemption au préalable.

Le canton de Vaud finance les Eglises officielles à l’aide du revenu sur les impôts ordinaires. Cela signifie que les contribuables qui ne sont pas membres d’une telle institution participent malgré tout, indirectement, à son financement.

Dans le canton du Valais, les frais des paroisses sont couverts par les budgets communaux et l’impôt sur le culte est encaissé dans certaines communes uniquement.

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