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L’idée de former des imams en Suisse progresse

En nombre, les musulmans sont la 3e communauté religieuse de Suisse. Keystone Archive

Les Eglises suisses souhaitent que les imams qui dirigent les communautés musulmanes soient formés dans les universités du pays.

Mais Ueli Maurer, président de l’Union démocratique du centre (UDC, droite dure), estime, lui, qu’une telle formation l’Islam n’a «pas sa place» dans un pays chrétien.

Depuis les attentats anti-américains du 11 septembre 2001, les sensibilités évoluent et, parfois, se crispent face à l’islam, comme dans d’autres sociétés européennes.

La Suisse est forcée de revenir sur sa relative tolérance à l’égard d’une communauté aussi mal connue que peu homogène. La grande majorité des quelque 310’000 musulmans de Suisse viennent des Balkans et de Turquie, et pratiquent un islam plutôt modéré. 15’000 sont d’origine maghrébine et moyen-orientale.

Favoriser l’intégration

Faut-il contrôler les lieux de culte, refuser, comme cela a déjà été le cas, l’entrée en Suisse à des imams de tendance intégriste? Les Eglises suisses préfèrent proposer une formation académique en Suisse des imams.

Dans une interview à la NZZ dimanche, Agnell Rickenmann, secrétaire général de la Conférence des évêques suisses, estime que ce serait une «demande raisonnable» pour contribuer à l’intégration des musulmans dans notre société libérale.

L’idée avait déjà été lancée par Haffid Ouardiri, porte-parole de la mosquée de Genève. Farhad Afshar, coprésident de la Coordination des organisations islamiques de Suisse a développé de son côté des projets avec les universités de Berne, Bâle, Lucerne et Genève.

Projets conduits notamment en collaboration avec les prestigieuses universités d’Al Azhar en Egypte (sunnite) et Qom en Iran (chiite).

La proposition avait également été évoquée en juillet, lors d’une réunion des représentants des communautés chrétiennes, juive et musulmane de Suisse. Celles-ci souhaite mettre en place une plate-forme visant à améliorer les relations entre les principales religions du pays.

La politique s’en mêle

Le débat a atteint une grande ampleur et le contexte s’est encore tendu ces derniers jours, avec l’assassinat du cinéaste hollandais Theo van Gogh. Certaines voix aux Pays-Bas ont appelé à n’autoriser plus que les imams ayant suivi une formation en Europe à prêcher dans les mosquées.

Les partis politiques suisses sont à leur tour amenés à réfléchir à ces questions.

Seule l’Union démocratique du Centre (UDC, droite dure) refuse tout compromis. Son président Uli Maurer déclare notamment à la NZZ dimanche «que la Suisse est un pays chrétien» où «il n’y a pas de place» pour un enseignement académique sur l’Islam.

Il ne croit pas que des imams formés en Suisse seraient moins radicaux: «Un certain fanatisme fait tout simplement partie de cette religion».

Ce dimanche, le ministre Moritz Leuenberger s’est également exprimé, et ce pour la première fois, sur la montée de l’islamisme radical. Il a déclaré dans une émission de la télévision alémanique que la création de filières de formation pour les imams en Suisse permettrait d’empêcher les appels à la violence.

Affirmer son identité

Agnell Rickenmann, lui, estime au contraire que «la présence de l’Islam nous oblige à considérer d’un œil nouveau nos racines religieuses et notre tradition juridique».

L’Eglise doit cesser de se sentir inhibée quand il s’agit de proclamer ses valeurs et arrêter de constamment s’excuser, poursuit le religieux catholique.

«Ce n’est qu’en affirmant notre identité chrétienne que nous assurerons une bonne base pour résoudre les conflits avec les musulmans», estime-t-il encore.

Quoi qu’il en soit, ces thèmes seront abordés lors de la prochaine session des Chambres dans une semaine. En effet, le député démocrate-chrétien Maurice Chevrier, soutenu par 41 de ses collègues, a déposé une interpellation au gouvernement sur l’islamisme radical.

D’autre part, une révision de la loi sur la sécurité intérieure fera l’objet d’un rapport au Conseil fédéral l’an prochain. Les travaux pourraient bien toucher également à la question de l’Islam en Suisse.

L’idée fait son chemin

D’autre part, Le Matin Dimanche avait évoqué la semaine dernière un rapport d’experts prônant des mesures répressives étendues visant à juguler les manifestations de l’islamisme radical.

Ce rapport préconiserait notamment une modification de la loi sur les étrangers de manière à «pouvoir refuser plus facilement l’entrée en Suisse d’imams ou de théoriciens du radicalisme musulman».

L’existence de ce rapport n’a été ni infirmée ni confirmée par Berne. Mais il évoquerait lui aussi la formation des imams en Suisse. Bref, l’idée fait son chemin.

swissinfo

Selon le recensement de 2000, il y a 310’000 musulmans en Suisse, dont 230’000 d’origine balkanique et turque et 15’000 arabes.
Les musulmans constituent 4,3% de la population.
Mais il pourraient être plus de 400’000, car de nombreuses personnes ne sont pas enregistrées ou n’ont pas de permis de séjour.

– Le conseiller fédéral Moritz Leuenberger estime que cela permettrait d’empêcher les appels à la violence.

– Moritz Leuenberger s’est exprimé pour la première fois sur la
montée de l’islamisme radical dimanche sur la télévision alémanique.

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