L’intolérance contre les musulmans grandit
A la conférence européenne de Cordoue, le délégué suisse avertit du risque de montée de l'intolérance et des discriminations envers les musulmans.
Anton Thalmann, suppléant du secrétaire d’État au ministère des Affaires étrangères, considère l’intolérance basée sur la religion comme une tendance dangereuse, qui touche les valeurs fondamentales de la Suisse.
Cordoue, ville au passé musulman, juif et chrétien, se veut miroir de la tolérance entre les trois religions. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a donc choisi la ville espagnole pour son forum de deux jours, qui a réuni 300 participants des 56 pays membres autour de l’intolérance et des discriminations envers les musulmans.
Le ministre espagnol des Affaires étrangères Miguel Angel Moratinos a insisté sur le rôle de l’éducation pour lutter contre ce phénomène, décrit comme croissant, qui affecte les quinze millions de musulmans vivant en Europe.
L’éducation peut être facteur de discriminations soit en véhiculant des stéréotypes sur l’islam ou bien en posant des barrières pour l’accès aux écoles des jeunes musulmans européens, ont souligné les conférenciers.
«Le débat se centre trop souvent sur la question du voile et ignore les problèmes d’accès à l’éducation pour les musulmans», a regretté Abdelnur Prado, directeur du Congrès international du féminisme islamique.
Autre thème fort de cette rencontre: les médias. L’image de l’islam qu’ils véhiculent est trop souvent négative, et surtout depuis le 11 septembre, a souligné Kees Brants, professeur de communication politique à l’université d’Amsterdam.
«Le musulman moyen, bon voisin, est totalement absent des médias», a souligné l’universitaire néerlandais. Le «musulman fanatique et violent, les mosquées transformées en lieu de conspiration», sont des exemples de stéréotypes véhiculés par les médias, a renchéri Abdelnur Prado.
Côté suisse, Anton Thalmann a dit considérer la cohabitation entre gens de religions différentes comme un défi quotidien. Interview:
swissinfo: Selon vous, la Suisse a-t-elle un problème d’intolérance et de discrimination envers les musulmans ?
Anton Thalmann: La conférence nous a permis de comparer la situation des musulmans dans les pays de l’OSCE et de discuter des similitudes et des différences. Et tout le monde était d’accord d’admettre que depuis quelques années, le risque d’intolérance augmente. Pas uniquement à l’égard des musulmans d’ailleurs, mais également à celui d’autres communautés religieuses.
A l’évidence, la Suisse n’est pas à l’abri d’incidents motivés par l’incompréhension et par la peur et j’ai dit à nos partenaires que nous en étions pleinement conscients. Il est intéressant à ce titre de noter que tout le monde ou presque semble avoir le même genre de problèmes.
swissinfo: Quelles mesures pratiques ont été suggérées à Cordoue pour combattre cette intolérance ?
A.T.: La première chose à faire, c’est d’admettre qu’il y a un problème. Il faut une approche à facettes multiples, avec des programmes d’éducation pour encourager la tolérance et le respect.
Il faut aussi encourager les communautés musulmanes à travailler avec les autorités. Nous devons également collecter des données sur les crimes de haine et introduire une législation adéquate. Et puis, il nous faut un journalisme responsable. Les médias peuvent jouer un rôle positif très important pour promouvoir la compréhension entre les cultures et entre les religions.
swissinfo: Les musulmans sont le deuxième groupe religieux en Suisse après les chrétiens. Serait-il possible qu’il y ait «trop» de musulmans en Suisse ?
A.T.: Je ne pense pas. Nous avons une longue tradition de dialogue interreligieux. La question n’est pas combien de personnes nous avons, mais comment ces personnes peuvent s’intégrer et défendre les droits et les libertés que notre Constitution leur accorde.
L’Etat garantit la liberté de religion et la coexistence entre gens de religions différentes. Et c’est un défi de tous les jours.
(Traduction de l’anglais: Marc-André Miserez)
L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) est née avec la fin de la Guerre Froide, en 1973. C’est le début du processus d’Helsinki, qui marque le dégel des relations Est-Ouest.
L’OSCE est la seule organisation européenne à vocation généraliste accueillant la totalité des Etats du continent européen, ainsi que ceux nés de la dissolution de l’Union soviétique (56 en tout).
Ömür Orhun, ministre turc des Affaires étrangères, travaille depuis trois ans à temps partiel pour l’OSCE en tant qu’ambassadeur contre l’intolérance et les discriminations à l’égard des musulmans.
Il sera en Suisse au mois de novembre, pour une visite initialement prévue plus tôt dans l’année, mais que Berne a jugé opportun de différer après les élections fédérales d’octobre.
L’Islam est la seconde religion en Suisse, très loin derrière les différentes confessions chrétiennes.
Selon le recensement 2000, le nombre des musulmans avait presque doublé en dix ans, pour atteindre 310’000. Selon les estimations, les musulmans seraient aujourd’hui quelque 340’000, majoritairement originaires de Turquie et des Balkans.
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