L’union persistante des Libanais de Suisse
Près de deux mois après le cessez-le-feu, les Libanais de Suisse maintiennent l'unité née de la guerre de cet été. C'est même la première fois qu'ils manifestent une telle unité.
Réunie au sein de diverses associations, la diaspora planche sur une coordination de tous les Libanais de Suisse par delà les confessions et les partis.
«Jusqu’à maintenant, le Liban a évité l’éclatement et cette unité doit beaucoup au Premier ministre Fouad Siniora et à son gouvernement», remarque Malek Khoury.
«Mais la diaspora a également joué un rôle», poursuit le Genevois, l’une des chevilles ouvrières de la Coordination d’urgence de citoyens libanais et amis du Liban. Malek Khoury rappelle au passage que la diaspora libanaise est trois fois plus nombreuse que la population du pays du Cèdre, estimée à 3,8 millions de personnes.
Quand l’offensive et le blocus israélien sur le Liban ont démarré les 13 et 14 juillet dernier, les communautés libanaises se sont en effet mobilisées par delà leurs appartenances confessionnelles ou politiques, renforçant le front uni présenté par leur pays d’origine.
«Cette unité défendue est la grande leçon de cette guerre. La grande majorité des Libanais ne veut plus retomber dans la guerre civile qui a ravagé le pays de 1975 à 1990», juge Alain Bittar, de la librairie arabe de l’Olivier, l’un des haut-lieux de la Genève orientale.
«Genève est un des lieux où les Libanais de toutes obédiences se sont retrouvés », poursuit Alain Bittar.
Unité dans l’urgence
Ce rassemblement a pris la forme d’une ‘Coordination d’urgence de citoyens libanais et amis du Liban’. Au plus fort des combats, il s’agissait avant tout de protester contre les bombardements de l’armée israélienne et de présenter un front uni face à l’agresseur.
«Cette coordination a pu être étendue au niveau suisse. C’est une première», se félicite Soha Bechara, ancienne militante communiste.
Incarcérée dix ans (de 1988 à 1998) dans le centre de détention israélien de Khiam, pour avoir tenté d’éliminer Antoine Lahad, le chef de l’Armée du Liban Sud aux ordres d’Israël, Soha Bechara s’est refait une nouvelle vie à Genève depuis 5 ans au travers d’engagements tout à fait pacifiques.
«L’unité affichée depuis cet été par les Libanais de Suisse est remarquable. Jusqu’alors en effet, on ne pouvait les décrire comme une communauté à proprement parler», juge Soha Bechara.
Habitant essentiellement dans les grandes villes du pays (Zurich, Genève et Berne), les Libanais ont créé une myriade d’associations culturelles, politiques ou autre, sans ressentir le besoin de créer une structure au niveau suisse.
Plusieurs vagues d’émigration
Dès les années 60, des Libanais sont venus s’établir en Suisse. Mais la première vague importante remonte au tout début de la guerre civile. Des affrontements qui ont provoqué la fuite des Libanais à intervalles réguliers, avec un nouveau pic à la fin des années 80, alors que la guerre finissante était marquée par une extrême violence.
«Qu’ils soient issus de milieux aisés – les premières vagues d’exilés – ou de couches plus pauvres de la population libanaises, comme à la fin des années 80, les Libanais ont la plupart du temps très bien réussi à s’intégrer en Suisse », remarque Soha Bechara.
Ce qui explique en partie le caractère dispersé de la communauté libanaise de Suisse qui compte environ 6000 personnes. Et les multiples appartenances politiques, partisanes et confessionnelles que connaît le Liban ont fait le reste.
«Fondée en 1992, l’Union libanaise culturelle de Suisse réunit des Libanais de tous horizons», assure pourtant sa présidente Cathia Damien, tout en reconnaissant qu’elle touche essentiellement la région genevoise, France voisine comprise.
Reste à savoir si cette unité retrouvée va durer. Cathia Damien a l’impression qu’ailleurs dans le monde, les Libanais ont retrouvé leurs allégeances d’origine, qu’elles soient chrétienne, chiite ou autre.
Mais en Suisse, l’ensemble des Libanais interviewés manifestent une forte envie de poursuivre sur la voie de l’unité et du rassemblement au niveau helvétique, tout en préservant la diversité des opinions et des appartenances propre à la société libanaise.
Une réunion de coordination s’est d’ailleurs tenue à Berne le 1er octobre avec des Libanais venus de toute la Suisse. Selon Malek Khouri, l’objectif essentiel est de défendre l’unité du Liban depuis la Suisse.
Un avenir fragile
Un secours précieux, tant les défis qui attendent ce pays sont immenses. «Il s’agit de reconstruire l’Etat libanais et de développer un projet national de société», résume Hassan Ghaziri.
«Mais l’avenir du Liban dépend aussi des dynamiques régionales», rappelle le président de l’Association suisse pour le dialogue euro-arabo-musulman. Une région en pleine turbulence, comme nous le montrent quotidiennement les journaux télévisés.
swissinfo, Frédéric Burnand à Genève
En Suisse vivent quelque 2500 familles libanaises, soit environ 6000 personnes.
Dans le monde, la diaspora libanaise est estimée à 13 millions de personnes, dont 8 millions au Brésil et un million aux Etats-Unis.
Elle est essentiellement chrétienne sur le continent américain et en Europe, chiite en Afrique et sunnite dans les pays du Golfe et en Australie.
Depuis la guerre de cet été, les Libanais de Suisse redoublent d’effort pour aider le Liban à panser ses plaies et à se reconstruire.
Cette aide se fait de manière individuelle ou au travers des associations libanaises basées en Suisse.
Elle prend la forme de dons à des organisations humanitaires ou d’aide directe aux parents et aux amis restés sur place, certains Libanais n’hésitant pas à faire la navette entre la Suisse et le Liban pour apporter cette aide aux personnes concernées.
Depuis des années, une part importante de la population du Liban conserve la tête hors de l’eau grâce au soutien de sa diaspora.
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