L’évêque demande le pardon des victimes
Bernard Genoud, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, a mis un terme à son long silence et pris position à propos des affaires de pédophilie qui salissent son diocèse.
Il annonce la mise sur pied d’une commission interdisciplinaire qui aura pour mission d’enregistrer et de vérifier toutes les informations concernant des cas de pédophilie.
Suite aux affaires de pédophilie qui secouent l’Eglise catholique depuis un peu plus d’un mois et depuis le brûlot lancé par la revue catholique française Golias, l’Evêque de Lausanne, Genève et Fribourg, Bernard Genoud, est sorti pour la première fois de son silence vendredi pour demander pardon aux victimes de prêtres pédophiles.
L’évêque a ainsi motivé son silence: en charge des questions juridiques et judiciaires, l’official est intervenu à sa demande. D’autre part, il subit actuellement une chimiothérapie, qui n’est pas sans effets secondaires.
Lors d’une conférence de presse très suivie vendredi matin à Fribourg, il a souligné le devoir de l’Eglise de demander pardon aux victimes: «Pardon pour les manques de transparence, de clarté, de communication, voire de courage qui ont pu conduire, malheureusement à des récidives».
Commission
Une commission destinée à gérer ces cas a été mise sur pied. Sa présidente est l’ancienne juge d’instruction fribourgeoise Françoise Morvant.
Cette commission aura pour mission d’enregistrer toutes les informations qui arrivent via hotline, lettres, courriels etc., a expliqué Bernard Genoud. Elle devra vérifier ces informations et faire un rapport à l’intention de l’autorité diocésaine.
«Nous proposerons systématiquement aux victimes de se présenter devant la justice civile, et au besoin, nous les accompagnerons», a dit l’évêque. Ce dernier s’est demandé si les directives de la Conférence des évêques suisses (CES) ne devaient pas être précisées et renforcées, introduisant un devoir de dénonciation contre les prêtres fautifs.
La hotline récemment mise en place par l’évêque a déjà été utilisée par 14 personnes. La majorité avait besoin de parler avec lui et d’évoquer des situations douloureuses, parfois très anciennes. Cinq personnes ont pris rendez-vous. Deux ont été reçues. Leur cas a été transmis à la justice civile, pour l’un à Fribourg, pour l’autre à Genève.
Banque de données
L’évêque s’est dit favorable au renforcement de la coordination entre les banques de données existant au niveau diocésain, national et international à propos des prêtres pédophiles. «On doit avoir un souci de transparence entre ces trois instances».
Nouvel official (responsable juridique) du diocèse, l’abbé Nicolas Betticher a également évoqué l’idée d’une banque de données répertoriant les prêtres à problèmes. Il a rappelé que le pape Benoît XVI, alors cardinal Ratzinger, en avait déjà fait état il y a 5 ans.
«Il existe déjà des choses à Rome», a dit l’évêque. Le fichier ecclésial fournit des renseignements sur les prêtres. Encore faut-il l’alimenter, a-t-il ajouté.
Selon Nicolas Betticher, l’important est de créer la transparence entre fichier romain, commission d’experts sur les abus sexuels de la CES et la nouvelle commission diocésaine. De manière générale, les structures ecclésiales en place doivent être améliorées.
Une liste qui s’allonge
Rappelons que mercredi dernier, l’Evêché a dénoncé deux cas présumés d’abus sexuels commis par des prêtres à la justice fribourgeoise et genevoise. Ces dénonciations font suite aux révélations dans la presse de plusieurs cas de prêtres pédophiles.
L’un d’eux appartenant à l’Ordre des Capucins avait été déplacé en France, dans la région de Grenoble, en 1989, après avoir sévi à Lully, dans la Broye fribourgeoise. Il est revenu en Suisse dans un couvent à Delémont (canton du Jura) en 2005, où il se trouve toujours.
La plupart de ces faits sont aujourd’hui prescrits, mais des investigations sont en cours dans le canton du Jura et celui de Fribourg. Une enquête a aussi été ouverte en France où il aurait abusé d’un enfant de son entourage.
Mais pour Bernard Genoud, les arbres ne doivent cependant pas cacher la forêt. Dans sa large majorité, le clergé est sain et «je le défends», a-t-il dit.
Il est également revenu sur les indemnisations de victimes. «Je n’aime pas ce mot», a lâché l’évêque qui lui préfère celui d’«aide à la reconstruction». Il n’a jamais été question de payer le silence de quiconque, a-t-il dit. Les montants versés l’ont été par exemple sur la base de factures de soins.
swissinfo et les agences
1998: Condamnation d’un ancien prêtre tessinois pour des abus sexuels sur des mineurs.
1999: Condamnation de l’ancien prêtre de Chiasso (Tessin également) pour abus sexuels sur des mineurs.
2000: Condamnation pour un prêtre qui, à Berne, avait abusé sexuellement d’une femme en situation de faiblesse.
2001: Condamnation d’un prêtre pédophile dans le canton du Jura pour pornographie. Des abus sexuels qu’il avait antérieurement commis sur des enfants ‘étaient prescrits.
2003: Condamnation d’un prêtre, dans le canton de St-Gall, pour abus sexuels sur des mineurs, à 4 ans et demi dans une institution fermée. Au cours du procès, les comportements pédophiles de son prédécesseur ont été dévoilés.
Aux Etats-Unis, l’Eglise catholique est confrontée depuis des années à des reproches en matière d’abus sexuels sur des enfants.
Selon une étude demandée par la Conférence américaine des évêques, plus de 10.000 enfants auraient été abusés par des prêtres au cours des 50 dernières années. 4400 prêtres seraient concernés.
En 2002, les évêques américains ont mis sur pied un catalogue de mesures contre les prêtres pédophiles.
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