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La Mosquée de Genève dans la tourmente

Vraie crise ou non-événement à la mosquée de Genève? Keystone

La plus ancienne et la plus prestigieuse mosquée de Suisse est en crise, suite au licenciement brutal de quatre de ses cadres par le nouveau directeur de la Fondation culturelle islamique.

Depuis une semaine, les médias font grand cas de l’affaire. Les principaux intéressés, eux, ont longtemps gardé le silence, laissant la place aux rumeurs.

Conflit du travail ou reprise en main idéologique, querelle de personnes ou affaire d’Etat, les médias se perdent en conjectures depuis la révélation du journal dominical ‘Matin Dimanche’ le 8 avril dernier.

On y apprenait que quatre membres de la direction de la Mosquée de Genève, dont son porte-parole Hafid Ouardiri, avaient été brusquement licenciés fin mars.

En guise d’explications, la Fondation culturelle islamique qui contrôle l’institution y invoquait des motifs économiques. Et ce jeudi, Maître Ridha Ajmi, avocat de la nouvelle direction de la Fondation, a enfin précisé sur les ondes de la Radio suisse romande que la Fondation connaissait depuis plusieurs années de gros problèmes de gestion et de déficit budgétaire et que des mesures urgentes devaient être prises pour assurer la pérennité de l’institution.

Et dans le quotidien ‘Le Temps’ de ce vendredi, Fathy Neamat-Allah, le nouveau directeur de la fondation, sortait de son silence en assurant que son mandat était de redresser l’institution.

Les avocats des licenciés parlaient, eux, de motifs politiques en dénonçant une décision brutale prise sans concertation.

La Genève Saoudite

De fait, la mosquée de Genève et la Fondation culturelle islamique qui la gère dépendent de la Ligue islamique mondiale, une organisation basée en Arabie Saoudite chargée de défendre et de promouvoir l’Islam dans le monde.

Selon Hasni Abidi, la Ligue islamique mondiale est sous l’influence de la monarchie saoudienne et prône un Islam rigoriste. Le directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen se demande donc si la mise à pied brutale des quatre cadres de la Mosquée genevoise signifie une reprise en main de l’institution. Et ce, alors que l’ancienne direction, en particulier son porte-parole Hafid Ouardiri, jouait la carte du dialogue interreligieux et de l’ouverture au reste de la société suisse.

Stéphane Lathion, président du Groupe de recherche sur l’Islam en Suisse, estime quant à lui que la Ligue islamique mondiale ne prône pas un courant particulier de l’Islam. Il peine également à croire que cette affaire cache une volonté de faire de la mosquée un lieu de prosélytisme téléguidé depuis l’Arabie Saoudite.

Cadeau de la monarchie saoudienne aux musulmans de Genève et de la région à la fin des années 70, la Mosquée de Genève est en effet d’abord un lieu de prestige construit dans les règles de l’art musulman et non un lieu de prière installé dans un immeuble quelconque, comme c’est souvent le cas en Suisse. Avant elle n’existait que le Centre islamique fondé par Saïd Ramadan, lié aux Frères musulmans égyptiens.

Or, à cette époque, les familles régnantes du Golfe venaient en nombre à Genève durant l’été. Il leur fallait donc un lieu de culte digne de ce nom, selon un fin connaisseur de la communauté arabo-musulmane de Genève. Sans oublier les diplomates et les fonctionnaires internationaux de confession musulmane vivant à Genève. Et aujourd’hui, la mosquée et la fondation culturelle attirent les musulmans de toute la région, y compris de France voisine, loin de tout sectarisme.

Ce qui fait dire à Stéphane Lathion: «Pour expliquer cette affaire, on ne peut écarter le conflit de personnes, un problème de gestion ou la mauvaise communication du nouveau responsable de la Fondation culturelle islamique.»

Une opinion publique sur le qui-vive

Reste que l’affaire n’aurait pas pris de telles proportions, si la place de l’Islam en Suisse n’était pas devenue l’un des grands thèmes politique en Suisse ces derniers temps. L’Islam est en effet considéré comme la 2e religion de Suisse, forte d’environ 300’000 membres.

Or l’apparition au grand jour des musulmans de Suisse a coïncidé avec la suspicion généralisée sur l’Islam – dans les pays occidentaux – suite aux attentats du 11 septembre.

Sommés de s’expliquer sur la violence supposée de leur religion, pressés par des médias aux aguets, les musulmans de Suisse cherchent depuis peu à construire leur représentativité. Un processus long et difficile tant les communautés issues du monde musulman y sont multiples et habituées à vivre dans une grande discrétion.

De manière symptomatique, l’affaire de la Mosquée genevoise n’a suscité jusqu’à maintenant aucune réaction officielle de la toute nouvelle Union des organisations musulmanes de Genève sensée représenter l’ensemble des musulmans de Genève.

swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

Selon le recensement de 2000, près de 311’000 musulmans vivent en Suisse, soit 5% environ de la population.

La majorité provient des Balkans et de Turquie.

En 1990, 2,2% de la population était de confession musulmane. En 2000, leur part est montée à 4,3%.

Pour l’heure, le pays compte deux mosquées avec minaret, l’une à Zurich et l’autre à Genève.

Les musulmans pratiquants sont estimés à moins de 20%.

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