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Les députés balayent l’initiative anti-minarets

Keystone

L'initiative demandant l'interdiction d'ériger des minarets sera finalement soumise au peuple. Au terme d'un débat fleuve, les députés ont en effet déclaré le texte valable. Mais, sans surprise, ils ont nettement rejeté cette proposition.

On savait le sujet sensible. Mais l’importance des débats qui ont eu lieu à la Chambre basse du Parlement l’a encore une fois confirmé. Au total, quelques cinquante députés se sont succédés à la tribune pour un débat qui aura duré plus de… cinq heures!

Texte recevable

La première grande question à laquelle devaient répondre les représentants du peuple était de savoir si l’initiative «Contre la construction de minarets» lancée par l’Union démocratique du centre (UDC / droite nationaliste) et l’Union démocratique fédérale (UDF / droite chrétienne) était valable.

Pour la gauche et les écologistes, la réponse est clairement non. A leurs yeux, une telle proposition porte atteinte à la liberté religieuse et est par conséquent contraire aux normes légales internationales.

Pour le député socialiste Andreas Gross, c’est un motif juridique suffisant pour déclarer irrecevable une initiative qui «menace la démocratie». En appelant à la responsabilité des élus du peuple, son collègue Carlo Sommaruga a pour sa part demandé de rejeter une initiative qui «viole le droit international et les valeurs fondamentales de la Suisse.»

Ces arguments n’ont cependant pas convaincu la majorité de droite. Partageant l’avis du gouvernement, celle-ci a estimé que le texte proposé ne violait pas le jus cogens, c’est-à-dire les dispositions impératives du droit international.

Au final, les députés ont donc refusé de déclarer l’initiative irrecevable par 128 voix contre 53.

«La baïonnette de l’islam»

Les orateurs de l’UDC ont tenté de convaincre que la construction de minarets posait problème. Selon eux, il ne s’agit pas de simples édifices religieux, mais d’un véritable symbole politico-religieux.

Pour la droite nationaliste, les minarets sont le signe d’une «islamisation rampante» de la société. Ces ouvrages sont «la baïonnette de l’islam», a ainsi résumé le député Hans Fehr. Et l’UDC de rappeler différents problèmes que l’islam pose à la société suisse: le port du voile, la discrimination des femmes, les cours de natations séparés, etc.

Parmi les autres partis, on a avant tout souligné que seule une infime minorité de la communauté musulmane de Suisse faisait montre de fondamentalisme. Mais dans leur ensemble, les musulmans s’adaptent totalement aux lois et au mode de vie suisses.

La gauche et la droite modérée ont donc plaidé pour que la Suisse ne cède pas à de fausses peurs et qu’elle continue de poursuivre sur la voie de la tolérance. Au nom de la majorité de la commission, l’écologiste Antonio Hodgers a exhorté ses collègues à ne pas «ouvrir la porte à une nouvelle guerre des religions» en acceptant l’initiative.

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Initiative populaire

Ce contenu a été publié sur L’initiative populaire permet à des citoyens de proposer une modification de la Constitution. Pour être valable, elle doit être signée par 100’000 citoyens dans un délai de 18 mois. Le Parlement peut directement accepter l’initiative. Il peut aussi la refuser ou lui opposer un contre-projet. Dans tous les cas, un vote populaire a lieu. L’adoption…

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Image de la Suisse

Plusieurs orateurs se sont également inquiétés de l’image que la Suisse donnait à l’étranger – et tout particulièrement dans les pays musulmans – avec un tel débat sur les minarets. Ce souci est d’ailleurs partagé par le gouvernement. On se souvient que dès le dépôt de l’initiative, celui-ci avait – chose inhabituelle – immédiatement et vivement rejeté cette proposition.

Sous la coupole, certains députés ont par ailleurs craint qu’une interdiction des minarets ne débouche sur un boycott de la Suisse de la part des pays musulmans, ce qui aurait de fâcheuses conséquences pour l’économie nationale. Pour le député démocrate-chrétien Jacques Neirynck, il y a même plus grave: une telle interdiction risquerait d’attirer l’attention des terroristes.

Au final, les députés ont dont rejeté l’initiative par 129 voix contre 50. Le résultat montre que l’UDC n’a pas réussi à convaincre hors de ses rangs.

Au peuple de trancher

Le dossier doit encore être traité par la Chambre haute du Parlement. Nul doute que le résultat sera le même qu’à la Chambre basse.

L’étape du Parlement franchie, se sera enfin au peuple de se prononcer sur la question. La date de la votation n’est pas encore connue. Ce qui est sûr, par contre, vu l’intensité des débats sous la Coupole, c’est que la campagne politique risque d’être passionnée.

swissinfo, Olivier Pauchard

Pour l’heure, quatre minarets sont érigés en Suisse. Ils se trouvent à Genève, Zurich, Winterthour et Wangen (Soleure).

Il existe un autre projet de minaret à Langenthal, dans le canton de Berne.

Les statistiques se basent sur le recensement fédéral de 2000.

Sur 340’000 personnes musulmanes vivant en Suisse en 2000, 66’520 étaient enregistrées dans le canton de Zurich, soit 5,3% de la population (1% de plus que la moyenne nationale), contre 0,6% en 1970 et 2,6% en 1990. Dans le canton de Zurich:

56% de ces personnes viennent d’ex-Yougoslavie et d’Albanie
19% viennent de Turquie
14% ont un passeport suisse
5% viennent d’Afrique
5% viennent d’Asie
1% viennent d’autres pays.

Hétéroclite. La communauté musulmane n’est pas homogène. Sur le plan suisse, 100 nationalités sont présentes au sein de cette communauté, dont les membres se différencient aussi par de grandes différences socio-économiques. Il y a en outre très peu de chiites en Suisse.

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