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Les musulmans de Suisse vivent sans ostentation

Les musulmans de Genève pendant la prière à la mosquée du Petit-Saconnex. Keystone Archive

La Suisse n’échappe pas à la méfiance et aux peurs suscitées par le monde arabo-musulman.

Mais les communautés musulmanes adoptent un profil bas et jouent la conciliation. Quant aux autorités, elles font généralement preuve de pragmatisme.

«Je suis très heureux de vivre en Suisse. Car ici, nous ne sommes pas obligés de travailler dans l’urgence», lance Hafid Ouardiri, le porte-parole de la mosquée de Genève, qui poursuit: «Or une bonne intégration des musulmans en Suisse prendra du temps».

De fait, les quelque 310’000 musulmans officiellement recensés en Suisse n’échappent pas aux questions et aux regards méfiants que leur jettent une partie des Helvètes.

La chercheuse Mallory Schneuwly-Purdie résume la situation en parlant d’islamophobie latente.

L’exemple français



«Elle se nourrit de la polémique sur le port du voile qui agite la France, de l’actualité sanglante du Proche-Orient et du choc provoqué par les attentats du 11 septembre», estime cette universitaire qui prépare un doctorat sur l’identité religieuse des musulmans de Suisse.

«Ce contexte international provoque un choc des imaginaires entre le monde arabo-musulman et le monde occidental», ajoute, de son coté, Yves Besson, de l’Université de Genève

«L’actualité perpétue un certain nombre de clichés, poursuit ce spécialiste du Moyen-Orient. Ils remontent à l’époque des croisades et tendent à diaboliser un islam perçu comme monolithique et fanatique.»

«De son coté, ajoute encore Yves Besson, le monde arabo-musulman véhicule aussi un certain nombre de stéréotypes à l’égard des Occidentaux. Des représentations fortement marquées par l’histoire coloniale.»

«Nous allons vers un raidissement des positions de part et d’autre», pronostique même l’expert.

Une approche locale et pragmatique

Pourtant, en Suisse, plusieurs éléments concourent à apaiser les esprits.

«Ce pays a bien connu des polémiques liées aux rites musulmans. Mais elles n’ont presque jamais dépassé les frontières de tel ou tel canton», rappelle Karl Grünberg, responsable de SOS racisme, une ONG qui vient en aide aux personnes victimes de discrimination.

De fait, le fédéralisme helvétique impose une gestion locale des problèmes liés à la pratique religieuse. Et puis, ce pays reste attaché à une culture du consensus et à des solutions pragmatiques.

Mallory Schneuwly-Purdie en donne un exemple. «Pour l’heure, la plupart des écoles autorisent les élèves musulmanes à porter le voile. Ce signe religieux est en revanche interdit pour les enseignants», précise la chercheuse.

Abattage rituel et cimetières



Cela dit, la magnanimité des autorités suisses a des limites. Ainsi, l’abattage rituel du mouton est formellement interdit sur le territoire helvétique.

D’autres problèmes liés à la pratique de l’islam subsistent. C’est le cas, par exemple, des cimetières réservés aux musulmans.

Mais, là encore, les deux cantons qui font actuellement face à une telle demande – Genève et Zurich – s’acheminent vers une solution négociée entre toutes les parties concernées.

Pour l’heure, la Suisse semble donc intégrer sans trop de problèmes ses musulmans. Une communauté qui a pourtant doublé ces dix dernières années.

Une communauté aux multiples facettes

«Les musulmans de Suisse acquièrent une visibilité croissante», relève Stéphane Lathion, directeur du Groupe de recherche sur l’Islam en Suisse (GRIS).

«Mais ils sont loin de former une communauté unifiée, poursuit l’universitaire. Et seule une minorité d’entre eux pratique leur religion de manière fervente».

L’ensemble de nos interlocuteurs estime également que les courants les plus rigoristes de l’islam n’ont guère de prise en Suisse.

«La plupart des musulmans de Suisse viennent de Bosnie ou de Turquie», précise Mallory Schneuwly–Purdie. «Et comme ils ne viennent pas du monde arabe, ajoute la chercheuse, ils ne se considèrent pas comme les détenteurs du message de l’islam».

C’est donc la discrétion qui est de mise chez la plupart des musulmans de Suisse.

L’UDC en guise de révélateur



«L’islam de la migration se construit avec les caractéristiques du pays d’accueil», relève d’ailleurs Sarah Khalfallah. «Or, dans ce pays, ajoute cette spécialiste des relations interculturelles, on a plutôt tendance à enfouir les problèmes plutôt qu’à en débattre au grand jour.»

Un point de vue que nuance Yves Besson: «Avec des méthodes et un point de vue contestables, le parti de la droite nationaliste (Union démocratique du centre UDC) étale au grand jour les peurs suscitées par les étrangers en Suisse».

Reste à transformer ces campagnes hautement émotionnelles en débat instructif et bénéfique à l’ensemble de la population suisse.

swissinfo, Frédéric Burnand, Genève

Plus de 300’000 musulmans vivent en Suisse, soit 4,5% de la population.
La majorité d’entre eux viennent de l’ex-Yougoslavie et de Turquie, dont une bonne part réside en Suisse alémanique.
36’000 musulmans sont de nationalité suisse.

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