Pèlerinage pour les chrétiens déçus de l’Eglise
Les bénédictins d'Einsiedeln organisent en juillet le premier pèlerinage pour les croyants «en conflit» avec leur Eglise.
La manifestation comprendra aussi des offres culturelles et sportives. L’abbaye ne renie pas le terme de marketing.
Quatre jours pour permettre aux chrétiens de retrouver le contact avec l’Eglise: c’est le but visé par Notre-Dame des Ermites, l’abbaye d’Einsiedeln, dans le canton de Schwytz. Du 9 au 12 juillet aura lieu la première édition de cet «autre pèlerinage.»
C’est la première fois qu’un tel projet voit le jour en Europe, assurent ses auteurs. «Depuis mon élection comme abbé fin 2001, j’ai reçu beaucoup de messages de gens me demandant de l’aide. Certains étaient sortis de l’Eglise, d’autres pas, mais tous avaient besoin de parler.»
Les pères traversant le monastère baroque sont souvent arrêtés par des visiteurs désireux de s’adresser à un homme d’Eglise. Ainsi, poursuit Martin Werlen, est née l’idée de chercher un dialogue spécifique avec ces chrétiens-là.
«Nous avons un point commun avec eux, précise l’abbé: nous aussi cherchons Dieu. Einsiedeln veut devenir le lieu de recherche de Dieu pour tous.» Ce qui ne signifie pas, ajoute le Haut-Valaisan en souriant, qu’il faut avoir quitté l’Eglise pour pouvoir s’inscrire au pèlerinage de juillet.
Pèlerins traditionnels
Les pèlerins traditionnels n’ont pas déserté Einsiedeln. Mais leur nombre se rétrécit d’année en année. Alors que les groupes passaient autrefois plusieurs jours sur place, les croyants se contentent, aujourd’hui, d’une halte à l’abbaye pour en repartir aussitôt.
Mais cette désaffection cache un paradoxe, selon l’abbé Martin Werlen: le pèlerinage vit aussi un renouvellement. Il rencontre par exemple un succès grandissant auprès des jeunes ou de personnes choisissant un recueillement individuel.
Pour les jeunes, le monastère bénédictin organise d’ailleurs un pèlerinage spécifique en octobre. La troisième édition se tiendra cette année. Un autre pèlerinage «spécialisé» se tient en juillet pour les gens du voyage.
L’abbé explique que la demande est en hausse: «On m’a déjà écrit pour savoir s’il y avait des pèlerinages pour cancéreux, ou pour divorcés. Mais nous n’aimerions pas aller au-delà de deux ou trois pèlerinages spécialisés.»
Le jeune père Urban Federer renchérit: «Il ne s’agit pas de faire des pèlerinages pour chaque catégorie de gens qui ont des problèmes.»
Goût de la provocation
Pour lancer leur campagne d’inscriptions, les bénédictins n’ont pas hésité à recourir à la provocation: l’affiche montre un rosaire, dont la croix est retournée et qui a la forme d’un poing.
«Nous nous attendons à quelques grincements de dents à l’intérieur même de l’Eglise, admet le père Basil Höfliger, adjoint de l’abbé Martin Werlen. Mais ici aussi, le dialogue est nécessaire et peut être profitable à tous.»
Le comité d’organisation du nouveau pèlerinage admet aussi s’être longtemps demandé s’il fallait garder le terme «pèlerinage.» «Là aussi, nous avons consciemment choisi une certaine provocation», explique Gerhard Oswald, président du comité.
Les laïcs d’Einsiedeln ont été intégrés à la préparation de la manifestation dès le début. «Au fil des années, le village a perdu le sens des pèlerinages, poursuit ce journaliste retraité. Les autorités ne vont plus accueillir les pèlerins avant leur dernière étape à pied. Aujourd’hui, les pèlerins parquent leur voiture devant l’abbaye et le village ne les voit pas.»
Opération marketing?
Si l’initiative est venue de l’abbaye, la commune l’a ensuite intégrée dans ses projets de marketing, indique Mathias Lacher, qui représente les autorités dans le comité d’organisation. «Les hôteliers ne sont d’ailleurs pas encore convaincus, ils n’y croient pas encore.»
L’autre pèlerinage, une offre touristique déguisée en séjour sprituel? «Il est vrai que nous proposons des activités semblables à celles que peut receler un programme touristique, répond Martin Werlen. Mais nous prenons les gens au sérieux. De plus, vous savez, le marketing, c’est un terme récent pour une pratique très ancienne. Au Xe siècle déjà, les moines avaient des slogans et des logos pour des occasions particulières.»
La manifestation dispose d’un budget de 150 000 francs, dont 70 000 doivent venir de sponsors. Parmi ceux-ci figurent notamment la Commission cantonale de la culture, le district d’Einsiedeln, et la SSR en tant que partenaire de prestations. L’abbaye attend à peu près 300 inscriptions.
swissinfo, Ariane Gigon Bormann à Einsiedeln
– 851: martyre de l’ermite Meinrad. L’abbaye a été fondée après 934 à l’endroit où il vécut.
– 1602: fondation de la communauté bénédictine à l’Immaculée Conception.
– 14 septembre: pèlerinage annuel à la Vierge noire.
– 9-12 juillet 2003: première édition de l’«Autre pèlerinage».
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