Humira: les biosimilaires, dont celui de Sandoz, arrivent en Europe
(Keystone-ATS) C’est un premier coup de boutoir contre Humira, le médicament le plus vendu au monde: la commercialisation de plusieurs copies biologiques (biosimilaires) a démarré cette semaine en Europe, avec des économies substantielles à la clé pour les systèmes de santé.
Cinq fabricants différents sont déjà sur les rangs pour tenter de ravir des parts de marché en Europe à ce traitement phare de l’Américain AbbVie, indiqué contre une dizaine de pathologies auto-immunes parfois très répandues, comme la polyarthrite rhumatoïde, le psoriasis ou encore des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.
Les ventes mondiales annuelles d’Humira ont dépassé 18,4 milliards de dollars (18,3 milliards de francs) l’an dernier (+14,6% sur un an), soit le chiffre d’affaires actuellement le plus important au monde pour un seul médicament.
Les ventes annuelles d’Humira sur le marché européen sont estimées à environ 4 milliards de dollars.
Dès cette semaine, alors qu’Humira a perdu mardi son exclusivité en Europe, les biosimilaires Amgevita (de l’Américain Amgen) et Imraldi (de la coentreprise Bioepis entre l’Américain Biogen et le Sud-Coréen Samsung) ont été lancés simultanément dans plusieurs pays du continent, dont la France.
La commercialisation d’un autre biosimilaire par Sandoz, filiale du géant pharmaceutique suisse Novartis, a commencé au Royaume-Uni et en Allemagne. « D’autres marchés suivront prochainement », a déclaré à l’AFP un porte-parole de Sandoz.
L’Allemand Boehringer Ingelheim et l’Américain Mylan ont aussi des biosimilaires d’Humira approuvés en Europe, mais ne les ont pas encore lancés.
« Faire baisser les prix »
« La concurrence avec plusieurs biosimilaires va donner l’opportunité d’élargir l’accès aux patients, mais aussi de faire baisser les prix », a déclaré à l’AFP Sang-Jin Pak, directeur opérationnel de Samsung Bioepis en Europe.
De fait, les prix d’Amgevita et d’Imraldi en France, publiés mercredi au Journal officiel, sont 35% inférieurs aux derniers prix publics d’Humira à doses comparables.
Humira représentait en 2016 un coût de 474 millions d’euros pour l’assurance maladie, a indiqué à l’AFP Amélie Scheffler, spécialiste du secteur de la santé chez EY-Parthenon.
Mais ses prix ont déjà baissé entretemps, et AbbVie se prépare à une nouvelle décote imminente, à l’issue d’une renégociation liée à sa perte d’exclusivité.
Le groupe a en partie assuré ses arrières en arrachant des accords avec la plupart de ses nouveaux concurrent dont il va percevoir des redevances sur les ventes de leurs biosimilaires d’Humira en Europe.
Quant au marché américain, qui représente les deux tiers des ventes mondiales d’Humira, AbbVie a bloqué l’ouverture à la concurrence jusqu’en… 2023, à grand renfort de batailles juridiques pour faire valoir ses brevets jusqu’au bout.
Adoption encore lente en France
Avec leurs promesses de faire économiser des milliards d’euros, les biosimilaires sont une opportunité pour les systèmes de santé, dont les budgets sont de plus en plus serrés, alors qu’enfle le coût des médicaments innovants, issus des biotechnologies.
La France s’est fixé pour objectif d’atteindre un taux de pénétration de 80% de biosimilaires sur leurs marchés de référence, c’est-à-dire dans les indications thérapeutiques pour lesquelles ils sont approuvés.
A l’heure actuelle, les biosimilaires sont encore loin de ce niveau en France: en 2017 ils représentaient en volume 30% à l’hôpital et seulement 10% en ville sur leurs marchés de référence, selon le Gemme, l’association française des fabricants de génériques et biosimilaires.
« La pénétration des biosimilaires a du mal à se faire en France », notamment parce qu’à l’inverse des génériques, ils ne sont pas substituables par le pharmacien, selon Mme Scheffler d’EY-Parthenon.
Il y a encore « peu d’incitations à les prescrire et à les substituer » dans l’Hexagone, ajoute l’experte, notant toutefois l’introduction cette année de premiers dispositifs récompensant financièrement les efforts des hôpitaux en ce sens, à l’instar d’autres pays européens comme l’Allemagne.
L’Union européenne a été pionnière sur les biosimilaires, ayant autorisé le premier au monde dès 2006. Ils sont à présent une cinquantaine en Europe, ciblant 15 médicaments biologiques d’origine.
Ces produits visent en général des médicaments d’origine très rentables, notamment des produits d’immuno-oncologie (comme Mabthera et Herceptin du géant pharmaceutique suisse Roche, ou Remicade de Johnson and Johnson), dans le diabète (l’insuline glargine Lantus, de Sanofi), ou contre des maladies inflammatoires auto-immunes (Enbrel de Pfizer et Amgen, et désormais Humira d’AbbVie).