Les invendus gratuits, un soulagement pour les plus démunis
En Suisse, pratiquement une personne sur dix souffre ou est menacée de pauvreté. Outre le filet social et les différentes fondations qui viennent en aide aux plus démunis, de plus en plus d'initiatives citoyennes sont créées pour les aider. C'est le cas de l'association neuchâteloise Free Go, fondée il y a une année.
Fermeture momentanée.
En raison du coronavirus, les Free Go du canton de Neuchâtel sont fermés jusqu’au 30 avril. Vous trouverez des informations sur la page FacebookLien externe de l’Association Sym’Bôle
Derrière un paravent noir, au fond de l’atelier de l’association Sym’Bôle, Lilian passe en revue les étagères d’un frigo. Elle choisit quelques oignons, une salade et une portion de lentilles au poulet et dépose le tout dans son cabas, où elle a déjà mis du pain. Cette retraitée vient régulièrement chercher des invendus gratuits dans le Free Go. Lorsqu’elle le peut, elle dépose une pièce dans la tirelire juste à côté. «Je trouve des légumes pour faire de bonnes soupes», raconte-t-elle. «On trouve même parfois des gâteaux!»
L’offre varie de jour en jour, et les étagères sont aussi souvent vides tant la nourriture gratuite est prisée. Des bénévoles récupèrent les invendus de la région et les redistribuent dans les quatre frigosLien externe installés dans le canton. «Notre but, c’est d’éviter le gaspillage alimentaire et de venir en aide aux personnes dans le besoin, tout en sensibilisant aux effets de la surconsommation», explique Marilyn Béguin, présidente de l’association Free Go.
L’électricité consommée par le Free Go est payée par les propriétaires des locaux qui les abritent. Des contrôles de la température et du contenu sont aussi garantis, pour n’offrir que des denrées toujours consommables. Par exemple, au moment de récupérer des plats cuisinés, les bénévoles et les partenaires veillent au respect de la chaîne du froid pour ne pas abîmer la nourriture.
Les Free Gos sont installés dans des endroits discrets, pour ne pas décourager les personnes qui aimeraient venir se servir. Dès que de nouveaux invendus sont placés au frais, une annonce est publiée sur les pages Facebook des lieux où sont installés les réfrigérateurs, et, peu après, tout a trouvé preneur.
Alimentation et pauvreté: une relation compliquée
«La précarité, on l’a vécue et on connaît des gens qui en souffrent. On travaille dans le social donc d’un côté on voit tout ce qu’on jette et de l’autre on est en contact avec ces personnes au quotidien», racontent les fondatrices de l’association. «On reçoit des témoignages de personnes qui nous remercient d’avoir pu préparer un repas grâce à nos invendus. Mais on a de la peine à être fières de cette action, car pour nous ça coule de source.»
Offrir des plats sains et des aliments locaux aux personnes en situation précaire n’est pas anodin. Comme le relèvent les enquêtes sur les revenus et la consommation, en temps de crise, les achats alimentaires offrent une possibilité concrète d’économiser. La Société générale de nutrition prévient cependant: les aliments avantageux ont une forte densité d’énergie, mais une faible densité nutritive. Sans surprise, l’obésité touche les pauvres en premier. La malnutrition au sein de la population à faible revenu inquiète d’ailleurs l’Organisation mondiale de la santé, qui a déjà tiré la sonnette d’alarme.
Trop de produits consommables sont jetés
Chaque année, la Suisse produit 2,6 millions de tonnes de déchets alimentaires. Selon l’Office fédéral de l’environnement, deux tiers de ce gaspillage pourraient être évitésLien externe, puisqu’il s’agit d’aliments encore consommables au moment d’être jetés. Les ménages, la restauration et les commerces sont responsables de 54% de ces pertes. C’est auprès d’eux que se fournit l’association Free Go. Elle a réussi à convaincre neuf partenaires locaux de lui céder ses invendus: les plats cuisinés proviennent d’une cuisine communale, alors que le pain et les légumes sont récupérés dans des commerces de la région.
Plusieurs autres initiatives pour contrer le gaspillage alimentaire ont été mises en place en Suisse. Le pays s’est engagé à réduire considérablement les pertes alimentaires, dans le cadre de l’Agenda 2030 élaboré par l’ONU. Contrairement à «Too Good to Go» qui propose d’acheter les invendus à prix réduit et aux Épiceries Caritas, pour se servir du Free Go, il ne faut ni carte de membre ni carte de crédit.
Les frigos en libre accès semblent un moyen démocratique et accessible pour lutter contre le gaspillage alimentaire, au point qu’ils fleurissent un peu partout dans le pays. En Suisse alémanique, c’est l’association Restessbar.chLien externe qui a lancé le concept, alors que plusieurs villes en Suisse romande réfléchissent à installer le leur.
À peine soufflé sa première bougie, l’association Free Go a lancé une récolte de fonds qui financera l’achat d’une cellule de refroidissement. «Cela va nous permettre de récupérer plus de repas chauds auprès des crèches et des EMS par exemple», explique Marilyn Béguin. De quoi réjouir Lilian et les autres personnes qui comptent sur ces invendus.
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