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Israël n’est pas une île

Alors que la crise balaie la planète, swissinfo recueille en cette fin d'année les témoignages - constats, analyses et espoirs - de Suisses expatriés sur les cinq continents. Aujourd'hui, Nicolas Lang, directeur du bureau de représentation du Crédit Agricole Suisse à Tel-Aviv.

De par ses responsabilités, Nicolas Lang se doit de scruter l’économie israélienne, dont la haute technologie est devenue, cette dernière décennie, la locomotive. Il nous reçoit dans son bureau au 20ème étage d’une superbe tour, dans le quartier des affaires de la métropole israélienne

swissinfo: Votre cadre de vie en quelques mots?

Nicolas Lang: Originaire de Genève, j’ai fait toute ma carrière professionnelle dans les banques. Il y a 8 mois, j’ai été chargé d’ouvrir le bureau de représentation du Crédit Agricole Suisse à Tel-Aviv. Je suis venu avec mon épouse et mon fils, qui va bientôt avoir six ans. Nous vivons dans une banlieue résidentielle au nord de Tel-Aviv, tout près de la mer. Israël est selon nous un marché intéressant, de croissance et porteur pour notre établissement suisse.

swissinfo: La crise fait la une des journaux depuis des mois. Pouvez-vous en observer ses effets concrets dans la région où vous habitez?

N.L.: Israël a été épargné dans un premier temps, ce qui a donné la fausse sensation de se trouver isolé sur une île. Or la réalité est que l’économie israélienne est dépendante de l’économie mondiale. Nous observons dans le pays depuis peu de temps un fort ralentissement de l’économie et un repli de l’immobilier, qui avait atteint des sommets.

Mais il semble que les autorités politiques et financières, ainsi que l’autorité de surveillance des banques, ont su réagir à la mesure de la crise.

L’économie israélienne est basée sur la matière grise, la plus importante des matières premières du pays. C’est une économie extrêmement réactive. Israël est entré dans la crise avec un peu de retard, j’espère qu’il en sortira avec beaucoup d’avance.

swissinfo: Qu’est ce qui a changé dans votre environnement professionnel au cours de l’année 2008?

N.L.: En premier lieu, je dirais que l’ambiance dans le monde de la finance a changé. Nous avons perdu certaines de nos certitudes et certains repères. Au niveau de la clientèle, on constate une forte demande de retour à des produits financiers simples.

La crise a sans doute été amplifiée par une complication à outrance des «structures». Aujourd’hui, il y a une vraie tendance vers le retour à la qualité et à la solidité des instituts financiers. Les clients souhaitent comprendre les risques et les mécanismes avant d’investir.

swissinfo: «Il paraît que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c’est une crise. Depuis que je suis petit c’est comme ça», disait Coluche. Votre réaction?

N.L.: A titre privé, loin du monde de la finance, j’ai eu de nombreuses discussions avec des amis à Tel-Aviv ou à Genève, qui regardaient cette crise comme si elle se déroulait sur une autre planète. Combien de fois avons-nous entendu: ‘moi je ne suis pas touché, je n’ai pas d’actions en bourse’.

Aujourd’hui, nous avons pour la plupart de l’argent dans des caisses de pension, des assurances vie ou des systèmes de retraite. Alors ne serait-ce que par ce biais, nous sommes tous touchés, chacun à son niveau. Je ne crois pas que l’on puisse parler de polarisation entre riches et pauvres. A court terme, nous sommes tous perdants, à moyen terme nous pourrons être tous gagnants.

swissinfo: Etes vous plutôt du genre à penser que le monde s’enfonce dans le gouffre ou qu’une crise n’est qu’un mauvais moment à passer?

N.L.: Cette crise est une crise qui va durer… l’impact sur nos sociétés sera important. Je pense qu’une fois les excès supprimés, nous reviendrons à des fondamentaux plus sains. L’économie est solide. Elle est capable de surmonter cela. Il est clair que les sociétés qui se sont construites sur un modèle économique basé sur les excès du capitalisme ne survivront pas. On ne peut exiger des entreprises des croissances à deux chiffres en permanence. De même, le modèle qui privilégie uniquement l’aspect financier au détriment du social et de l’humain n’a sans doute pas un avenir florissant.

swissinfo: Croyez-vous au fait que de cette crise pourrait émerger un monde plus sain?

N.L.: Définitivement, je pense que nous avons assisté à la fin de certains excès. Nous allons voir dans les mois à venir une montée en force de la régulation et des contrôles. Il s’agit indiscutablement d’un contre-pouvoir nécessaire aux marchés. Nous allons voir se mettre en place un libéralisme à visage plus humain.

Des notions comme le bien-être social, le développement durable et la sauvegarde de notre environnement sont tout à fait compatibles avec la libre entreprise et l’envie de réussir.

swissinfo: Le monde politico-économique vit depuis longtemps dans la théorie et le culte de la «croissance». Idéalisme ou mensonge?

N.L.: La violence et la rapidité avec laquelle cette crise s’est développée montrent clairement que ce postulat est faux. La crise des subprimes a été en grande partie causée par la croyance dans le fait que les prix de l’immobilier ne pouvaient que monter. Les espérances de gains à court terme ont été source d’amnésie chez beaucoup de financiers outre-Atlantique

swissinfo: Pour conclure, de quoi le pays où vous vivez a-t-il le plus besoin, selon vous, pour sortir de ses difficultés actuelles?

N.L.: De temps, car au même titre que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, les gouffres ont un fond. Les élections israéliennes qui arrivent début 2009 apporteront, je le souhaite, une stabilité qui aidera à repartir sur une croissance forte. L’esprit d’innovation reste le moteur de cette économie.

Le dynamisme des acteurs du domaine des hautes technologies permettra de trouver des nouveaux relais de croissance. Israël est aujourd’hui un leader dans des domaines tels que la voiture à émission zéro. Un domaine où l’on pourra concrètement lier économie et développement durable.

Interview swissinfo: Serge Ronen, Tel-Aviv

Nicolas Lang est né le 21 août 1968 à Genève.

Avec sa femme Marie-Christine, ils ont un fils âgé de six ans.

Nicolas Lang a passé sa maturité à Genève.

Il y a fait ensuite des études de droit à l’Université.

Il a commencé sa carrière professionnelle à la Republic National Bank de Genève, puis a été engagé à la banque du Gottard avant de rejoindre le Crédit Agricole Suisse.

Nicolas Lang habite actuellement une villa du quartier résidentiel de Herzelia Pitouakh, qui abrite une forte communauté internationale.

De nombreux ambassadeurs, diplomates, expatriés européens et américains y vivent.

Herzelia Pitouakh, située au nord de Tel-Aviv, est bordée par l’une des plus belles plages d’Israël et est également connue pour ses nombreux restaurants.

Israël: Environ 12’000 Suisses sont immatriculés au consulat suisse

Thaïlande: 4000 Suisses enregistrés

Philippines: 2000 Suisses enregistrés

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