Jean-Pierre Nsame ou effacer l’individu pour briller en équipe
(Keystone-ATS) Jean-Pierre Nsame a guidé Keystone-ATS dans une plongée au coeur de l’armada offensive des Young Boys. Une attaque qui fait régner la terreur sur les pelouses de Suisse.
Elle demeure l’atout principal d’un club en passe de conserver le trône de Super League.
Six joueurs d’YB affichent sept buts ou plus en championnat cette saison. Une densité traduisant la richesse du contingent bernois et, aussi, une volonté infaillible de gagner coûte que coûte. A l’image de ce but de Nsame tombé dans les arrêts de jeu dimanche à Lugano (1-0), au terme d’une action qui a vu pas moins de cinq joueurs se lancer dans un sprint de près de 80 mètres pour mener à bien ce contre. Comme si l’avenir du club en dépendait, alors qu’en cas de match nul, le champion aurait quand même toujours eu 17 longueurs d’avance sur Bâle…
« C’est un but symbolique », convient Jean-Pierre Nsame, huit réalisations cette saison. « Nous sommes en confiance et nous travaillons bien physiquement. » Avec son talent, le Camerounais serait titulaire dans chacune des neuf autres formations de Super League. Sauf que, concurrence et tournus obligent, il n’a été aligné d’entrée que onze fois en 2018/19, pour sept apparitions depuis le banc des remplaçants.
Dur à accepter, pour un attaquant qui, comme tous ses congénères, a été élevé dans le culte de la performance individuelle et, à certains égards, égoïste? « Non, nous sommes tous très sereins. En fait, nous nous réjouissons les uns pour les autres. Il y a des variations sur l’ensemble d’une saison et, parfois, un joueur est en état de grâce, puis c’est au tour d’un autre. Or, quand l’un de nous est moins en confiance, il se met volontiers au service des autres. »
Avec le « leader Guillaume Hoarau, l’avant-centre pivot par excellence dont nous apprenons beaucoup », avec « la vitesse de Nicolas Moumi Ngamaleu », avec « la vivacité de Roger Assalé » ou encore la capacité de « Christian Fassnacht à être soit buteur, soit passeur décisif », YB dispose d’une palette complète qui le rend souvent imprévisible pour ses adversaires. Et Nsame dans tout cela? « Je suis à mi-chemin entre le profil de Hoarau et celui d’Assalé, car j’aime aussi les espaces », analyse le Camerounais. « Cet amalgame de typologie de joueurs explique pourquoi notre attaque est redoutable », ajoute-t-il, rappelant qu’il y a également le demi-offensif Miralem Sulejmani (et ses sept buts) dans l’équation.
Le soutien de Von Bergen
Face à cette abondance, le coach Gerardo Seoane aime se donner le temps de débusquer la moindre information sourdant des entraînements de la semaine. « Nous n’apprenons la composition du onze de départ que la veille du match, voire le jour du match », dévoile un Nsame qui a dû s’habituer à pareille situation, lui qui était auparavant l’indiscutable avant-centre de Servette.
« Ca m’a fait bizarre au début, reconnaît-il. Mais j’ai vraiment eu le déclic il y a pile un an, quand l’entraîneur d’alors, Adi Hütter, m’a mis sur le banc durant le 2e tour alors que j’avais terminé le premier en tant que meilleur buteur de Super League. » Une forme de rétrogradation qui a fait mal à l’attaquant. « Je trouvais cela injuste, d’autant que le coach ne m’avait donné aucune explication. Heureusement que je suis bien entouré, parce qu’avec mon caractère, j’aurais pu me renfermer sur moi-même. J’ai beaucoup parlé au capitaine Steve Von Bergen durant cette période, il est toujours de bon conseil et m’a maintenu à bord. »
Aujourd’hui, Jean-Pierre Nsame a parfaitement intégré le fonctionnement des Young Boys et ce tournus quasi permanent. « Ne pas jouer est frustrant, mais nous finissons toujours par être récompensés à travers le collectif. »
Le Camerounais est donc un joueur comblé et épanoui. Heureux d’avoir rejoint la capitale lors de l’été 2017, au sortir d’un bras de fer avec le SFC. « Je comprends les dirigeants de Servette, j’avais été performant et ils voulaient que je reste pour poursuivre la progression de l’équipe. Mais j’avais été clair avec eux dès fin janvier et ils savaient que je voulais partir en cas d’offre d’un grand club. Je n’ai jamais caché mes ambitions. »
Horizons élargis
A Genève, Nsame avait un contrat qui se prolongeait automatiquement après dix-huit matches joués. « J’aurais pu m’arrêter à dix-sept, j’avais déjà inscrit treize buts, mais j’ai tout donné jusqu’au bout. J’ai été réglo. »
Cette ambition anime toujours le Camerounais, dont « le plan de carrière est bien défini » mais que l’attaquant veut « garder secret ». Sans pour autant nier qu’il aspire à évoluer dans un des cinq grands championnats européens. « Avant, je ne pensais qu’à l’Angleterre mais venir en Suisse a élargi mon horizon et j’imagine aussi bien jouer en Espagne ou en Allemagne, pour avoir parlé de la Bundesliga avec Djibril Sow ou Ulisses Garcia. »
Reste à savoir quand Nsame quittera YB. « Je ne sais pas, c’est toujours complexe, un transfert. Il faut que trois parties soient d’accord. J’ai encore des choses à accomplir à Berne, je me concentre sur elles sans penser à ce qui pourrait éventuellement se passer cet été ou plus tard. »