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L’accès à l’eau, « bombe à retardement » de la crise liée au covid

Des milliards de personnes n'ont pas accès à de l'eau ou à du savon chez elles et peuvent difficilement suivre les recommandations contre le virus lancées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève (archives). KEYSTONE/EPA/AHMED JALLANZO sda-ats

(Keystone-ATS) L’accès à l’eau est incontournable pour honorer les mesures d’hygiène qui permettent de lutter contre le coronavirus. Or, il manque à des milliards des personnes et la situation peut contribuer à exacerber certaines tensions. Des entités suisses et l’ONU s’activent.

Selon des données relayées par ONU Eau, dont le secrétariat est établi à Genève, 40% de la population, soit 3 milliards de personnes, ne peuvent se laver les mains avec du savon chez elles. « Nous sommes encore loin d’atteindre l’accès à l’eau propre et à l’assainissement pour l’ensemble de la population mondiale d’ici 2030 », a dit à Keystone-ATS le responsable de cette question chez Swissaid, Daniele Polini.

Et « le coronavirus aggrave encore la situation », notamment là où des états d’urgence ont été décrétés. Autre inquiétude, un centre de santé sur six dans le monde manque d’eau ou de savon. De quoi provoquer habituellement des infections qui pourraient être évitées chez 10% des patients, sans parler du défi actuel d’empêcher une propagation de la pandémie.

« Des réfugiés n’ont parfois pas de maison et pas d’eau. Le confinement n’est pas possible pour eux », explique de son côté le directeur du Pôle Eau Genève (Geneva Water Hub), François Münger. Ils ont parfois accès à de l’eau « une fois par semaine », comme le relève l’un d’entre eux, un Somalien au Kenya. « Comment voulez-vous vous laver les mains ? », demande-t-il.

De nombreuses organisations tentent d’intervenir, ajoute M. Münger, dont le Pôle est un centre international de l’Université de Genève piloté avec le soutien de la Direction du développement et de la coopération (DDC). Parmi elles, Swissaid a abandonné certains de ses programmes pour renforcer l’aide d’urgence sur les questions comme la sécurité alimentaire, les mesures d’assainissement et d’hygiène et la lutte contre les violences domestiques.

Réseaux sociaux ciblés

Dans des pays comme le Niger et le Tchad, où elle oeuvrait déjà sur la question de l’eau, elle a pu augmenter son dispositif. Notamment sur les infrastructures pour se laver les mains et la distribution de désinfectants.

Dans les zones où elle intervient au Niger, « environ 60% de la population en a besoin immédiatement », relève M. Polini. Si aucun cas d’infection au coronavirus n’a été mentionné dans les régions rurales, la pandémie a probablement déjà atteint celles-ci. Le manque d’eau est une « bombe à retardement », dit le responsable de Swissaid.

Autre problème, dans de nombreux pays en développement, des images montrent des foules massées auprès de robinets en commun, loin de la distanciation physique requise. Les réseaux sociaux alimentent de tels regroupemements en laissant penser que le port du masque suffit, affirme M. Polini. D’où l’importance d’expliquer à la population les mesures d’hygiène et la distanciation physique, comme Swissaid le fait en Guinée-Bissau en partenariat avec une radio.

La question de l’eau provoque aussi des défis sécuritaires à plus long terme. « La pandémie augmente la pression sociale et pourrait avoir des conséquences dévastatrices dans les communautés et sur les structures étatiques », dit M. Polini. « Cela pourrait exacerber des tensions » dans des zones en Afrique où les violences entre agriculteurs et éleveurs, dont les besoins en eau augmentent avec l’extension de la population, ont été observées depuis longtemps, fait remarquer de son côté M. Münger.

Réunion en ligne attendue à Genève

Les besoins en ressources pourraient même aboutir à des tensions entre pays. « Ce n’est pas à exclure quand on voit la guerre économique sur les masques, mais il n’y a pas d’évidence », selon M. Münger dont le centre constitue le bras armé de la Suisse pour la diplomatie de l’eau.

La crise cible la responsabilité de gouvernements. « Les infrastructures n’existent pas parce qu’elles ne sont pas disponibles mais parce que l’investissement et l’attention n’ont pas été suffisants », selon M. Münger.

Avec la pandémie, le Geneva Water Hub a dû lui interrompre des actions liées notamment à des facilitations sur des conflits sur l’eau. Il va réunir en ligne dans les prochaines semaines le Groupe d’amis sur l’eau et la paix, constitué d’une quarantaine de missions de pays à l’ONU à Genève. Alors que la crise fait redouter des coupes dans le développement, il veut repositionner l’importance de la collaboration sur l’eau entre acteurs internationaux.

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