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L’Antiquité tardive a été très froide

(Keystone-ATS) Des arbres du massif russe de l’Altaï vieux de deux mille ans renferment des indications précieuses sur le climat de l’Asie centrale et de l’Europe. L’Antiquité tardive a été particulièrement froide, induisant des modifications profondes dans la société.

Ces vieux arbres conservent dans leurs anneaux les changements climatiques qui se sont succédé depuis plus de 2000 ans en Eurasie. Les années entre 536 et 660 ont été particulièrement froides. « Il s’agit du plus fort refroidissement dans l’hémisphère nord au cours des deux derniers millénaires », a indiqué lundi le dendrochronologue Ulf Büntgen dans un communiqué de l’institut WSL.

La période de froid au VIe siècle a été plus marquée, plus longue et plus étendue spatialement que la chute des températures connue pendant le « Petit âge glaciaire » des XVIIIe et XIXe siècles. Ce qui lui a valu le nom de « Petit âge glaciaire de l’antiquité tardive ».

Peste, migrations et chute

Plusieurs bouleversements sociétaux ont marqué ces années, ont noté les chercheurs. Epidémies de peste, émergence et chute d’empires, flux migratoires et mutations politiques coïncident avec les décennies les plus froides des derniers 2000 ans. Ce changement climatique très abrupt est un élément qui peut avoir induit des transformations.

La famine et la peste ont touché l’Empire romain sous le règne de Justinien (empereur byzantin de 527 à 565). Elles ont emporté des millions de personnes jusque dans les siècles suivants, contribuant certainement à la fin de l’Empire byzantin.

Les Romains abandonnent l’Est de l’Europe actuelle. Des peuples de langue protoslave, probablement des Carpates, s’y installent et créent un espace linguistique slave. Le froid n’est pas la seule raison de ces mouvements migratoires.

La période de froid a peut-être été favorable à l’expansion du Royaume arabe en Moyen-Orient. Dans la péninsule arabique, les précipitations étaient plus importantes et la végétation plus riche. Les pâturages étaient donc plus riches pour les troupeaux de chameaux que les armées utilisaient pour leurs campagnes guerrières.

Les peuplades isolées de l’Asie centrale, région plus froide, ont pris la route de l’Orient, vers la Chine. Les pâturages étaient certainement venus à manquer. En arrivant dans les steppes du nord de la Chine, ces nomades sont entrés en conflit avec les puissances locales. En s’alliant avec les Byzantins, les peuples des steppes ont vaincu le grand Empire perse des Sassanides.

Deux mille ans d’histoire

En analysant les cernes, ou anneaux, des arbres, les scientifiques ont pu reconstituer les changements climatiques pour les derniers deux mille ans. La largeur des cernes annuels permet de déduire année après année les conditions climatiques en été.

Cette étude vient compléter celle déjà en cours pour les Alpes, publiée depuis 2011 dans la revue Science. « L’évolution des températures dans l’Altaï correspond étonnamment bien à celle des Alpes », affirme Ulf Büntgen, qui dirige l’équipe.

Selon lui, l’étude montre de manière exemplaire comment des changements climatiques abrupts peuvent modifier l’ordre politique existant.

L’étude a été publiée dans la revue spécialisée Nature Geoscience par une équipe interdisciplinaire de chercheurs en sciences naturelles, en histoire et en linguistique.

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