La Chine désormais au centre du Conseil des droits de l’homme
(Keystone-ATS) La Chine aura été au centre des discussions pendant trois semaines au Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève. Après des tensions avec les Occidentaux sur le Xinjiang, elle a fait adopter vendredi une résolution qui ancre son approche des droits de l’homme.
Pour la seconde fois, Pékin, dont de nombreux acteurs relèvent le rôle grandissant après le retrait américain de l’instance onusienne, a réussi à laisser entendre par l’ONU que le développement contribue à la protection de ces droits. Plusieurs pays, dont la Suisse, redoutent qu’elle utilise le manque de développement pour justifier des violations.
Les tensions entre la Chine et les Occidentaux sur ces questions ont notamment été importantes devant le Conseil sur la situation au Xinjiang. Pékin n’aura pas apaisé le climat en faisant venir le vice-gouverneur de la province devant l’instance onusienne, un discours inédit d’un responsable d’un gouvernement régional.
Plus de 20 pays occidentaux, dont la Suisse et le Japon ont envoyé à la Haute commissaire aux droits de l’homme Michelle Bachelet et au président du Conseil Coly Seck une lettre. Ils dénoncent l’internement d’au moins un million de personnes, dont surtout des Ouïghours. Une offensive qui a fâché Pékin qui a ciblé jeudi une « calomnie ». La Chine rejette tout « internement » et affirme que les camps où se trouvent ces personnes sont des sites de rééducation.
Philippines et Khashoggi
Jeudi, elle n’aura pas réussi à faire empêcher, à une courte majorité, une première action face à la politique controversée contre la drogue du président philippin Rodrigo Duterte. Malgré les demandes répétées des ONG nationales et internationales, aucun mécanisme d’investigation international n’a toutefois pour le moment été décidé.
Mme Bachelet devra rendre un rapport dans un an sur cette situation. Manille a mené une campagne intense de pression sur les autres membres de l’instance onusienne, selon des ONG qui ont dénoncé ceux qui se sont rangés de son côté.
Selon les estimations, au total, plus de 26’000 personnes, dont des défenseurs des droits de l’homme et d’autres acteurs, ont été tuées dans des exécutions extrajudiciaires liées à la politique de Rodrigo Duterte. Le gouvernement n’en reconnaît toutefois que moins de 7000.
L’Arabie saoudite n’aura elle pas davantage apprécié les recommandations de la rapporteuse spéciale contre les exécutions extrajudiciaires Agnès Callamard sur l’affaire Jamal Khashoggi. Mais aucun Etat n’a pour le moment suivi l’appel de celle-ci à demander au secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres de lancer une investigation pénale sur l’assassinat du journaliste saoudien.
L’experte indépendante a directement mis en cause la responsabilité présumée du prince héritier Mohamed Ben Salmane dans cette affaire. La Suisse, qui représente les intérêts saoudiens en Iran et iraniens en Arabie saoudite, a demandé à Ryad des procès équitables pour la dizaine de suspects poursuivis pour cet assassinat.
Mandat des deux experts sur le Kasaï prolongé
Berne aura obtenu un succès sur deux résolutions qu’elle présentait. Quelques semaines après la grève des femmes, le Conseil des droits de l’homme a recommandé à l’Assemblée générale de l’ONU de lancer une Journée internationale de l’égalité de rémunération. La seconde résolution portait sur le mariage forcé. En revanche, la Suisse a déploré le manque d’une approche large dans une résolution qui demande aux Etats de défendre un accès pour tous à des médicaments sûrs.
De son côté, Mme Bachelet n’a pas appelé à des investigations internationales au Venezuela. Elle souhaite avancer vers un bureau permanent du Haut-Commissariat dans ce pays pour surveiller les effets de la crise politique et économique. Son rapport a relevé des exécutions extrajudiciaires présumées de milliers de personnes par les unités d’élite de la police. L’ONU demande à Caracas de démanteler celles-ci.
Parmi ses décisions, le Conseil a renouvelé vendredi le mandat des deux experts internationaux qui ont été chargés d’évaluer la situation au Kasaï, en République démocratique du Congo (RDC), après les violences qui avaient fait au moins 3000 victimes en 2016 et 2017. Ceux-ci ont demandé la libération de personnes retenues par une milice et ont ciblé les investigations congolaises. Ils devront rendre un rapport final en septembre 2020.
Des mandats d’experts indépendants ont été prolongés. Contesté par certains Etats, celui sur les LGBTI a été prorogé de trois ans. Celui de la rapporteuse spéciale sur l’Erythrée a été étendu d’un an par l’instance onusienne.