La Chine pleure la « remarquable » militante anti-sida Gao Yaojie
(Keystone-ATS) De nombreux internautes chinois saluent mardi Gao Yaojie, une gynécologue devenue une célèbre activiste anti-sida en Chine. Elle s’était exilée aux Etats-Unis où elle vient de décéder à l’âge de 95 ans.
Installée à New York depuis 2009, elle avait été harcelée pendant des années par les autorités locales chinoises pour avoir dénoncé l’ampleur de l’épidémie de sida, liée au commerce du sang, dans la province du Henan (centre). Elle s’est éteinte dimanche à son domicile américain, a déclaré à l’AFP le sinologue Andrew Nathan, qui gérait ses affaires aux Etats-Unis.
Gao Yaojie avait été l’un des premiers médecins à entendre parler de la mystérieuse maladie qui tuait des villageois au milieu des années 1990. Elle s’était rendue compte qu’un grand nombre de paysans pauvres avaient contracté le virus du sida en vendant leur sang lors de collectes non-hygiéniques approuvées par les autorités.
Alors que les autorités locales tentaient d’étouffer le scandale, Gao Yaojie avait commencé à acheter des médicaments et des fournitures de base, à ses frais, pour soigner les malades.
« Une personne remarquable »
« C’était une personne remarquable. C’est bien dommage que pour des raisons politiques, elle n’ait pas pu s’éteindre chez elle en Chine », a déploré un utilisateur du réseau social chinois Weibo.
D’autres comparaient Gao Yaojie à l’ophtalmologue Li Wenliang, un autre docteur chinois lanceur d’alerte, aux premiers temps du Covid-19 début 2020 en Chine. Il avait été accusé par les autorités de diffuser des « rumeurs » après avoir alerté en ligne d’autres médecins sur une mystérieuse pneumonie qui allait s’avérer être le Covid-19.
L’annonce de sa convocation par la police et surtout de son décès avait provoqué un tollé dans l’opinion publique. « Quand je vois le docteur Gao, je pense aussi à Li Wenliang », a écrit un utilisateur de Weibo, déplorant le fait que son décès soit largement passé sous silence par la presse officielle.
« Voilà le type de personne qui devrait être honorée. Au lieu de ça, les titres des médias se concentrent sur l’actu people », a déploré un autre.
Placée sous surveillance
Des experts estiment qu’au moins un million de personnes, dans la seule province du Henan, ont contracté le VIH dans le cadre du commerce du sang à l’époque du scandale.
Gao Yaojie était devenue l’une des militantes les plus actives pour faire connaître le sort des malades du sida en Chine et avait reçu une reconnaissance internationale pour son travail. Les autorités chinoises avaient refusé pendant des années de lui délivrer un passeport et l’avaient souvent placée sous surveillance.
La Chine a fini par reconnaître l’ampleur de la crise en 2001 et a même décerné un prix au Dr Gao trois ans plus tard. Mais en 2007, les autorités l’avaient assignée temporairement à résidence pour l’empêcher de se rendre aux Etats-Unis afin de recevoir un prix des mains de la sénatrice Hillary Clinton.
Pékin avait fini par céder et par la laisser partir, après une intervention de Mme Clinton auprès du président chinois de l’époque, Hu Jintao.
Nettoyage des toilettes
Interrogée sur le décès de la militante, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères n’a pas répondu directement. Elle s’est contentée de déclarer que « de nombreux professionnels de la santé ont apporté une grande contribution à la lutte et à la prévention contre le sida ».
Gao Yaojie faisait partie de la génération des personnes devenues adultes avant que le Parti communiste chinois (PCC) n’arrive au pouvoir en 1949.
Ses parents étant propriétaires terriens, la gynécologue avait été rétrogradée et contrainte de nettoyer les toilettes des hôpitaux pendant huit ans durant la Révolution culturelle (1966-1976).