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La Coupe Spengler, un monument en danger

En finale de cette édition 2008, les Russes du Dynamo Moscou (ici Denis Denisov et Mattias Weinhandl après le premier but) ont mis à genou le Team Canada. Keystone

La 82e édition de la Coupe Spengler, qui s'est achevée par la victoire du Dynamo Moscou sur le Team Canada (5-3), a une nouvelle fois été un grand succès, notamment sur le plan économique. De quoi susciter la convoitise de certains clubs suisses, qui n'hésitent pas à mettre en cause la légitimité du tournoi légendaire.

Quatre-vingt cinq ans d’existence. La longévité de la Coupe Spengler en fait à elle seule une institution quasiment indéboulonnable. Cette année encore, ils sont venus par milliers des quatre coins de la Suisse pour assister aux 11 matches du tournoi disputé entre Noël et Nouvel-An dans la station grisonne de Davos.

L’espace d’une semaine, la plus haute ville d’Europe, perchée à 1560 mètres d’altitude et habituellement réputée pour son calme et ses vertus relaxantes, a pris des allures de joyeuse fête populaire. Dans les rues de Davos et aux abords du Stade de Glace, où des dizaines de cars ont déversé chaque jour leur lot de supporters venus participer à la célébration annuelle du hockey, schnaps et bière locale ont coulé à flot durant les six jours de compétition.

Mais derrière les effluves de vin chaud et l’écran de fumée des stands de saucisses à rôtir, des voix discordantes sont venues ternir la fête et surtout mettre en danger la bonne marche des affaires. Car la Coupe Spengler est un événement financièrement très rentable.

Une affaire qui marche

Billets d’entrée s’arrachant comme des petits pains, sponsors toujours plus nombreux et droits TV en constante augmentation – la Coupe Spengler a été diffusée cette année dans 46 pays -, sont le gage de gains importants pour la puissante multinationale IMG, spécialisée dans l’événementiel sportif, qui a pris les rênes du traditionnel tournoi davosien en 2007.

Sur la totalité du chiffre d’affaires, tenu secret, le HC Davos, organisateur historique du tournoi, touche plus de deux millions de francs par année, soit près d’un cinquième de son budget de fonctionnement. Sans cette manne substantielle, Davos ne pourrait pas régater dans l’élite du hockey suisse et encore moins prétendre au titre de champion de Suisse, déjà décroché à 18 reprises, la dernière fois en 2007.

L’argent ainsi amassé durant les Fêtes de fin d’année permet à Davos d’engager et de conserver de nombreux joueurs d’exception, tels que Reto von Arx, Michael Riesen ou encore Andres Ambühl.

Le cas Forster

Afin de renforcer son secteur défensif, le club s’est récemment attaché les services de Beat Forster, l’un des meilleurs éléments de la ligue. Le club n’a pas hésité à mettre près d’un million de francs sur la table pour casser le contrat qui liait Forster aux Zurich Lions. Une pratique peu courante dans le milieu du hockey suisse et qui a suscité la colère des dirigeants zurichois.

«La Ligue nationale est la seule Ligue au monde qui s’interrompt entre Noël et Nouvel-An. Les clubs renoncent ainsi à beaucoup d’argent. Et que fait le HC Davos pendant ce temps? Il amasse plus de deux millions de francs pour s’acheter nos meilleurs joueurs!», s’insurge Peter Zahner, directeur des ZSC Lions.

Le club zurichois, pour qui le monopole davosien durant les Fêtes de fin d’année n’est plus concevable, prône la réintroduction de deux journées de championnat durant cette période.

Des clubs divisés

Fredy Pargäzi, directeur du tournoi, tente de calmer le jeu. «Ces discussions ont lieu chaque année. Je comprends l’émotion qu’a engendrée le cas Forster mais je pense que toute cette histoire va rapidement retomber après la fin de la Coupe Spengler. De plus, Zurich n’est pas la seule équipe du championnat et je ne pense pas que les autres clubs partagent leur vision».

Justement, qu’en pensent-ils, les autres clubs? Fredy Pargäzi avoue qu’il n’a pas encore entamé de réelles discussions bilatérales. Mais dans la presse, certains dirigeants de clubs, à l’instar du président d’Ambri-Piotta Peter Jaks, n’hésitent pas à suivre le raisonnement zurichois et à prôner le retour de deux journées de championnat durant la période des Fêtes, quitte à mettre en danger une institution qui a contribué à rendre le hockey populaire en Suisse.

D’autres clubs, à l’instar de Berne et Genève-Servette, se montrent plus prudents. Ces deux équipes font en effet partie des candidats potentiels à une participation à la Coupe Spengler dès 2010, lorsque le tournoi changera sa formule et comptera 6 équipes, contre 5 actuellement.

Un calendrier compliqué

L’heure de vérité pour les dirigeants davosiens interviendra à l’horizon 2011, lorsque les clubs devront négocier la reconduction des droits TV du championnat (qui englobe aussi la Coupe Spengler) avec la SSR. Une alliance des clubs contre le monopole davosien pourrait sonner le glas de la Coupe Spengler.

Cette fronde interne à la Suisse n’est pas le seul sujet de préoccupation pour les responsables du tournoi. Depuis quelques années, les plus grandes équipes du continent, qui ont souvent un calendrier bien rempli, renoncent à faire le déplacement de Davos. La toute nouvelle Champions League de hockey, qui vit cette année sa première édition, vient encore compliquer la donne.

Fredy Pargäzi est conscient des défis qui l’attendent mais ne perd pas pour autant confiance. «Le HC Davos est trop important dans le paysage du hockey suisse pour que les autres clubs désirent le voir disparaître. Et tout le monde sait que sans la Coupe Spengler, le HC Davos n’existerait plus».

swissinfo, Samuel Jaberg, Davos

Finale: Team Canada – Dynamo Moscou 3-5 (0-1 2-2 1-2).

Classement: Le HC Davos termine 3e, devant Energie Karlovy Vary puis ERC Ingolstadt.

L’équipe idéale du tournoi: Gardien: Lukas Mensator (Karlovy Vary). Défenseurs: Alexei Zhitnik (Dynamo Moscou), Gennady Razin (Dynamo Moscou). Attaquants: Andres Ambühl (Davos), Serge Aubin (Team Canada), Dmitri Afanasenkov (Dynamo Moscou).

La Coupe Spengler, décernée pour la première fois en 1923, est le plus ancien tournoi entre clubs de hockey sur glace en Europe.

Le tournoi a été fondé par le médecin davosien Carl Spengler, désireux de renouer le dialogue entre les nations au sortir de la Première guerre mondiale.

La compétition se déroule chaque année à Davos, plus haute ville d’Europe située dans le canton des Grisons, entre le 26 et le 31 décembre.

La Coupe Spengler est le 2e plus grand événement sportif organisé en Suisse après le tournoi de tennis de Bâle.

En 82 éditions, plus de 100 clubs de 18 pays ont pris part à la Coupe Spengler. Le HC Davos, victorieux à 14 reprises du trophée, est le club le plus titré de la compétition.

Le record de spectateurs a été atteint en 2002, lorsque 84’480 spectateurs ont assisté aux 11 rencontres d’une édition disputée à guichets fermées.

Outre le Team Canada et le HC Davos, habitués de la compétition, les Tchèques de Karlovy Vary, les Allemands d’Ingolstadt et les Russes du Dinamo Moscou participaient également à l’édition 2008 de la Coupe Spengler.

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