La lumière en spirale trahit la présence de la vie
Détecter la vie à partir de la lumière. C’est une des techniques applicables pour traquer d’éventuels organismes extraterrestres. Une équipe internationale dirigée depuis l’Université de Berne vient de faire un pas dans cette direction. Mais pour l’instant, ses observations proviennent d’un hélicoptère survolant… la Terre.
C’est l’éternelle question de la vie dans l’univers. S’il existe une autre planète habitée, la distance qui nous en sépare est par définition astronomique. Alors comment y voir des petits hommes verts, et plus encore des bactéries? En l’absence d’astronefs capables de plonger dans l’hyperespace et de miroirs de télescopes larges comme des continents, il ne reste que la détection indirecte, aussi nommée recherche de biosignatures.
Depuis les années 1960, les antennes des radiotélescopes du programme SETI «écoutent» notre voisinage galactique dans l’espoir de capter une émission radio extraterrestre – en vain. Plus récemment, les chercheurs se sont mis en quête de la signature chimique de l’oxygène dans la lumière qui nous parvient de l’atmosphère des exoplanètes. Parce que nous avons toutes les raisons de croire que l’oxygène présent en abondance dans une atmosphère peut provenir d’organismes vivants.
La lumière qui tourne sur elle-même
La méthode appliquée par les scientifiques du projet MERMOZLien externe, qui réunit les Universités de Berne, de Leyde et de Delft (Pays-Bas), avec le soutien du Pôle de recherche national suisse PlanetSLien externe, part elle aussi de l’analyse de la lumière, qui peut porter dans sa structure même la trace de la vie.
Très schématiquement, on peut dire que la plupart des molécules biologiques ont une forme de spirale, à l’image de la fameuse double hélice de l’ADN. Et quand un rayon de lumière s’y réfléchit, une partie de l’onde adopte cette forme. C’est ce que l’on nomme la polarisation circulaire. Cette partie de la lumière qui se déplace en spirale est très faible, moins de 1%, mais on arrive à la détecter, et le phénomène ne peut avoir d’autre cause que la présence de matériau vivant.
La mesure de cette lumière «qui tourne» est un véritable défi technique. «On y travaille depuis huit ans», explique Lucas Patty, postdoctorant à l’Université de Berne et co-auteur de l’articleLien externe que son équipe a publié en mai dans la revue Astronomy and Astrophysics. «Il y a encore 4 ans, nous ne pouvions détecter le signal qu’à une distance d’environ 20 cm, en observant le même endroit pendant plusieurs minutes».
Vu d’un hélicoptère, puis de l’espace
Aujourd’hui, grâce à des améliorations graduelles de l’instrument, composé d’une caméra avec des lentilles spéciales et de récepteurs capables de séparer la polarisation circulaire du reste de la lumière, les 20 centimètres sont devenus deux kilomètres. La détection est beaucoup plus rapide et stable, et la force de la signature en polarisation circulaire est préservée même à une telle distance. Résultat: la détection de la vie au sol a pu se faire en quelques secondes depuis un hélicoptère volant à 70 km/h. On arrive même à capter des signaux provenant d’algues dans les lacs.
L’étape suivante sera d’installer une version légère de l’appareil sur la Station spatiale internationale (ISS), qui regarde la Terre d’une altitude de 400 kilomètres. «Nous travaillons déjà à la miniaturisation. Je pense que nous pourrions être prêts dans un délai de cinq ans», avance prudemment Lucas Patty. Mais rien n’est encore sûr, la concurrence est rude pour les expériences à embarquer à bord de l’ISS. Dans ce domaine, les chercheurs bernois comptent sur l’appui des autorités spatiales suisses. Membre fondateur et très actif de l’Agence spatiale européenne (ESA), le pays y jouit en effet d’une réputation de partenaire innovant et fiable.
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La Terre, et au-delà
Observer la Terre au moyen du détecteur de polarisation circulaire pourrait être intéressant comme méthode complémentaire dans la surveillance de l’évolution des écosystèmes. Par exemple, on pourrait mesurer la déforestation ou les maladies des plantes, voire surveiller la prolifération d’algues toxiques, les récifs coralliens et les effets de l’acidification sur ces derniers.
Et au-delà, les chercheurs pensent bien sûr déjà à la vie extraterrestre. Par exemple sur Mars, ou sur les lunes de Jupiter et de Saturne. On peut même imaginer pointer un jour l’instrument sur des mondes hors du système solaire. En commençant par les exoplanètes du système de Proxima Centauri, notre plus proche voisin dans la galaxie, à «seulement» 4,2 années-lumière de la Terre. Pour des objets aussi lointains toutefois, «il faudra attendre la prochaine génération de télescopes», avertit Lucas Patty.
Et si l’on trouve de la lumière en spirale, comment savoir de quel type d’organisme vivant elle émane? Sur Terre, ce n’est pas un problème, puisqu’on connaît le catalogue du vivant, mais ailleurs? «On ne saura pas ce que c’est, sauf que c’est de la vie», confirme le chercheur bernois.
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