La présidente péruvienne refuse de démissionner, le pape appelle au calme
(Keystone-ATS) La présidente Dina Boluarte a dit qu’elle resterait à la tête du Pérou, ébranlé par des manifestations meurtrières depuis la destitution et l’arrestation de son prédécesseur le 7 décembre. Dans le même temps, le pape François a appelé dimanche à la fin de violences.
Dans une nouvelle tentative de mettre fin à la crise et aux protestations, Mme Boluarte a demandé au Parlement d’avancer les élections générales.
« Que résoudrait ma démission? Nous allons rester ici, fermes, jusqu’à ce que le Congrès se décide à avancer les élections (…). Je demande que l’on reconsidère le vote » de vendredi, quand le Parlement s’est prononcé contre l’avancement des élections générales de 2026 à 2023, a-t-elle plaidé.
Le président de l’Assemblée José Williams a déclaré vendredi que le vote devait être reconsidéré lors d’une prochaine session.
Dans un message télévisé, Mme Boluarte – vice-présidente du Pérou jusqu’à la destitution de Pedro Castillo – a déploré les manifestations qui ont fait au moins 19 morts et 569 blessés, dont des mineurs.
Certains décès sont liés à des affrontements avec des militaires, autorisés à intervenir pour maintenir la sécurité intérieure dans le cadre de l’instauration de l’état d’urgence pour une durée de trente jours.
« Ce n’est que par le calme et un dialogue sincère et ouvert que nous pourrons travailler (…). Comment pouvons-nous nous battre entre Péruviens, gâcher nos institutions, bloquer les routes? », a-t-elle lancé.
« Crise politique et sociale »
La présidente, issue du même parti radical de gauche que Pedro Castillo, a expliqué que si les forces armées descendaient dans la rue, « c’était pour protéger » les citoyens « parce que la situation devenait incontrôlable ». Elle a dénoncé la présence de « groupes violents » organisés.
« Ces groupes ne sont pas apparus du jour au lendemain, ils avaient organisé tactiquement des barrages routiers », a-t-elle souligné.
USA pour « un dialogue constructif »
Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a parlé vendredi dans ce contexte avec la présidente péruvienne Dina Boluarte, a indiqué dimanche la diplomatie américaine. Lors de cet entretien, il « a encouragé les autorités civiles et les institutions du Pérou à redoubler d’efforts pour lancer les réformes nécessaires et protéger la stabilité démocratique ».
Le secrétaire d’Etat américain a également « souligné la nécessité pour toutes les parties péruviennes de s’engager dans un dialogue constructif afin d’apaiser les divisions politiques et se concentrer sur la réconciliation ».
« Les Etats-Unis ont hâte de travailler en étroite collaboration avec la présidente Boluarte sur les objectifs et les valeurs communs liés à la démocratie, aux droits humains, à la sécurité, à la lutte contre la corruption et à la prospérité économique », a-t-il ajouté.
Le pape François a lui prié dimanche lors de son Angélus « pour que cesse la violence dans le pays et qu’on emprunte le chemin du dialogue afin de surmonter la crise politique et sociale qui frappe la population ».
Libération de Catillo exigée
Les manifestants exigent la libération du président déchu Pedro Castillo, la démission de Mme Boluarte, la dissolution du Parlement et des élections générales immédiates.
Les protestations les plus intenses ont eu lieu dans la région andine du sud du Pérou, frappée par la pauvreté, où les revendications d’ordre social n’ont pas été satisfaites depuis longtemps.
En quechua
Mme Boluarte, originaire d’Apurimac, l’une des zones de conflit, a prononcé une partie de son message en quechua, une langue parlée par une importante partie andine du pays.
Les manifestations ont éclaté après que M. Castillo a tenté de dissoudre le Parlement le 7 décembre et de gouverner par décret. Ancien enseignant de gauche issu d’un milieu rural et modeste, il a été arrêté alors qu’il tentait de rejoindre l’ambassade du Mexique pour demander l’asile.
Initialement incarcéré pour sept jours, la justice a décidé jeudi qu’il resterait en prison pendant dix-huit mois, jusqu’en juin 2024, afin d’être inculpé de rébellion. Il encourt une peine de dix ans de prison, selon le procureur Alcides Diaz, chargé du dossier.
200 touristes évacués
Quelque 200 touristes bloqués dans la célèbre région du Machu Picchu en raison des manifestations ont pu être évacués samedi, a constaté l’AFP. A bord d’un train, ils sont parvenus près de la ville de Piscacucho, dans la région de Cuzco (sud), où un énorme rocher bloquait le passage.
De là, les touristes – dont des Nord-Américains et des Européens – ont marché environ deux kilomètres pour embarquer dans des bus en direction de la ville de Cuzco, qui a un aéroport international.
Le ministre du Commerce extérieur et du Tourisme Luis Fernando Helguero s’est réjoui du dénouement heureux pour ces touristes. « Avec le soutien de la police et des forces armées, nous avons pu réparer la voie ferrée », accessible désormais jusqu’à Piscacucho, à 29 km de Machu Picchu, a-t-il expliqué.
Le train, qui avait été arrêté depuis mardi, est l’unique moyen moderne de se rendre à la citadelle depuis Cuzco, l’ancienne capitale de l’empire inca, à 110 km.
L’aéroport de Cuzco, capitale touristique du pays, a rouvert vendredi dans l’après-midi, permettant le début de l’évacuation des touristes.