La Suisse peut faire mieux face au racisme, selon les autres pays
(Keystone-ATS) La Suisse peut faire mieux pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale sur son sol, selon de nombreux autres Etats membres de l’ONU. Devant le Conseil des droits de l’homme vendredi à Genève, elle a admis que des améliorations sont possibles.
Comme tous les quatre ans environ, la délégation suisse était auditionnée devant cette instance pendant plusieurs heures, faisant face aux reproches et recommandations. Beaucoup ont salué des avancées ces dernières années dans la situation des droits humains en Suisse, sans pour autant l’exonérer de certaines demandes.
Parmi les thématiques les plus abordées, le racisme et la discrimination raciale sont revenus régulièrement. La Chine a notamment souhaité des adaptations législatives et administratives, se disant plus largement « inquiète » face aux discriminations contre les minorités.
Pékin a souvent menacé la Suisse de représailles pour ses critiques sur la situation au Xinjiang, où plus d’un million d’Ouïghours sont internés dans des camps de rééducation. Outre cet appel chinois, des pays ont demandé un plan d’action national contre la discrimination raciale, souhaité par les ONG, ou un mécanisme indépendant de collecte des plaintes contre le profilage racial par les forces de sécurité.
La Suisse avait été vivement critiquée l’année dernière par plusieurs membres du Groupe de travail de l’ONU sur les personnes d’ascendance africaine qui avait dénoncé un « racisme systémique ». Tout en admettant l’importance de la question, l’ambassadeur suisse à l’ONU à Genève Jürg Lauber avait ensuite parlé de « malentendus ».
Profilage racial: dispositif suffisant
Vendredi, la secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, Livia Leu, a souligné que le Conseil fédéral et le Parlement estiment que la norme pénale contre le racisme offre une « protection efficace ». Pour autant, elle admet que des améliorations sont possibles dans l’accès à la justice des personnes affectées.
« La Suisse considère comme un devoir permanent » l’engagement contre le racisme, notamment en ligne, a assuré Mme Leu. Et un responsable cantonal a estimé que les dispositifs légaux actuels suffisent contre le profilage racial. Un avis partagé par Mme Leu devant la presse. Mais « il faut toujours travailler », dit-elle.
De son côté, la Russie s’est à nouveau dite « préoccupée » par les discriminations à l’égard de ses concitoyens en Suisse depuis le début de la guerre en Ukraine, notamment le gel des fonds. Plusieurs de ses alliés ont dénoncé les sanctions suisses. Celles-ci « ne sont pas une question de droits de l’homme, mais une réponse à une violation du droit international » par la Russie, a insisté Mme Leu.
Parmi les autres recommandations, des efforts sont demandés également sur l’inégalité salariale entre hommes et femmes, que Berne admet, ou la situation de ces dernières plus largement. Y compris par l’Iran, qui est confronté à des manifestations massives après le décès de la jeune Mahsa Amini, interpellée pour avoir mal porté le voile islamique. « Il ne faut pas le prendre personnellement », a dit Mme Leu après ces reproches iraniens.
La secrétaire d’Etat a estimé que « la Suisse s’engage résolument sur la voie de l’égalité », avec la nouvelle politique lancée en 2021 et le plan d’action qui l’accompagne. Elle a surtout promis des initiatives pour tenter d’augmenter la représentation politique féminine, notamment en vue des élections fédérales d’octobre prochain. « Nous pouvons et nous devons faire mieux », a-t-elle dit.
Inégalités sur la pandémie
Plusieurs pays ont aussi souhaité que la Suisse ratifie la Convention internationale sur les travailleurs migrants. Mais une responsable du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) a douché toute possible avancée. Comme souvent dans les auditions de la Suisse devant des instances onusiennes, des inquiétudes ont aussi été relayées sur la situation des demandeurs d’asile, des détenus ou des personnes handicapées.
Mais Berne a aussi eu droit à des hommages. De nombreux pays ont salué le lancement, attendu en mai, de l’Institution nationale des droits de l’homme. Mais là aussi, certains ont déploré le manque de financement. Ces derniers mois, la Commission nationale de prévention de la torture avait estimé que l’institution ne pourrait honorer son mandat, faute de moyens.
Dans son discours préliminaire, la secrétaire d’Etat a jugé que la Suisse fait face, comme les autres pays, à une « recrudescence des inégalités » depuis la pandémie. Mais la situation des droits humains en Suisse « est relativement favorable », a-t-elle souligné.
Près de 120 pays se sont exprimés, davantage que pour les autres. La secrétaire d’Etat voit une appréciation du rôle de la Suisse. La Plateforme suisse des ONG sur les droits humains est plus amère. « En Suisse, il y a encore des lacunes dans la protection des droits humains », a dit vendredi l’un de ses responsables.