La vie rêvée des banquiers suisses
Journaliste au quotidien Le Temps, Sylvain Besson publie «L'argent secret des paradis fiscaux».
Un ouvrage fort bien documenté, fourmillant d’anecdotes et de formules assassines, comme celle sur Genève, «Chicago du crime financier».
Les livres consacrés aux paradis fiscaux se divisent en deux catégories. Il y a ceux, comme les guides Chambost, qui en font l’apologie. Les autres, souvent inspirés par des militants d’extrême gauche, dénoncent ces «excroissances du grand capital ».
Ces ouvrages présentent un point commun: celui d’être fort ennuyeux. Rien de tout cela chez Sylvain Besson. Dans un style enlevé, il sait nous raconter la vie rêvée des banquiers suisses, de leurs apporteurs d’affaires, ou des mystérieux passeurs d’argent.
Une visite guidée dans les rues de Genève, capitale mondiale de la gestion de fortune. Où l’on ne compte pas moins de 53 sociétés financières pour 45 immeubles le long des quais qui bordent le lac Leman.
La belle-sœur d’un ancien président
L’auteur commence par l’hôtel Tiffany, qui abritait en 1990 les détectives de l’agence américaine Kroll, chargés de dénicher les fonds secrets de Saddam Hussein.
Le demi-frère du dictateur, Barzan El-Takriti, longtemps ambassadeur d’Irak à Genève, était client d’une société financière logée dans un proche immeuble.
A quelques mètres de là, la banque Pictet, devant laquelle la police arrêtait en 1995 la belle-sœur de l’ancien président du Mexique, Carlos Salinas. Elle venait retirer quelques millions de dollars et un faux passeport.
Un peu plus loin, la banque Darier, l’établissement préféré de Jean-Christophe Mitterrand, le fils de l’ancien président français, impliqué dans une vente d’armes à l’Angola. La visite se poursuit devant l’ancien bureau de Pierre Lethier, agent secret mêlé à l’affaire Elf.
Une réputation de «pingrerie»
Sylvain Besson ne s’arrête pas aux façades, il franchit les porches sévères de la rue des Granges dont les hôtels particuliers abritent certaines bonnes familles bancaires de Genève.
Il les espionne au cercle de la Terrasse «un club installé dans le décor noblement vieillot d’un petit hôtel néoclassique». Enfin, le journaliste du Temps se fâche définitivement avec eux, en rappelant la réputation de «pingrerie» des riches banquiers suisses.
«Les gens ramassent des stylos, des blocs de papier à lettres» après les séances de conseil d’administration, raconte Sylvain Besson. Des financiers qui restent intimement persuadés que si un client a quelques millions à mettre de côté, c’est qu’il est «à priori quelqu’un de bien».
swissinfo/Ian Hamel
«L’argent secret des paradis fiscaux», par Sylvain Besson, Le Seuil, 263 pages.
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