Le combat interminable d’ouvriers polonais détachés à Genève
(Keystone-ATS) Une entreprise polonaise a été condamnée par le tribunal des prud’hommes de Genève pour avoir sous-payé ses employés détachés qu’elle faisait travailler sur un chantier des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Les ouvriers touchaient 8 euros de l’heure.
Le syndicat Unia, qui a soutenu ces travailleurs, a pris acte de ce jugement, lundi, avec satisfaction. Pour arriver à ce résultat, il a fallu près de 5 ans de procédure. Mais le combat n’est pas terminé. Les ouvriers devront encore batailler des années avant d’espérer récupérer les arriérés de salaires qui leur sont dus.
Selon les avocats d’Unia, cette lenteur pour exécuter le jugement est liée au fait que les travailleurs étaient employés par une société polonaise qui ne semble pas avoir d’existence. Il s’agit d’une sorte d’entreprise fantôme qu’il n’a pas été possible de joindre et qui ne répond pas aux courriers, a relevé Caroline Renold.
Sur le chantier genevois, cette entreprise a agi en qualité de sous-traitant d’une société allemande. Or, la loi suisse sur les travailleurs détachés oblige à devoir démontrer que le sous-traitant a été poursuivi en vain, avant d’autoriser à pouvoir s’attaquer à l’entreprise principale qui a recouru au sous-traitant.
Trois législations
Dans l’affaire jugée par la justice genevoise, les travailleurs devront donc engager tout d’abord une procédure en Pologne. Ensuite, une fois le jugement polonais en main, il faudra revenir en Suisse, pour refaire le point, puis, enfin, saisir la justice allemande, pays où est établie l’entreprise qui a sous-traité le travail.
Pour le conseiller national Carlo Sommaruga, qui a participé à la conférence de presse du syndicat Unia, cette situation est inacceptable. L’élu socialiste a annoncé le dépôt d’une initiative parlementaire, afin que les entreprises qui choisissent de sous-traiter assument réellement leurs responsabilités.
L’objectif est de pouvoir agir immédiatement contre l’entreprise contractante et non plus de devoir d’abord s’en prendre au sous-traitant. M.Sommaruga se fait cependant peu d’illusions sur le sort qui va être réservé à son initiative par le Parlement, dont une majorité semble réticente à protéger les travailleurs détachés.
Geste des HUG
Dans cette affaire, le secrétaire syndical d’Unia Yves Mugny a tenu à souligner le comportement exemplaire des HUG. En tant que maîtres d’ouvrage, ils n’avaient aucun devoir de contrôle de la politique salariale des entreprises travaillant sur le chantier. Ils ont pourtant avancé partiellement les arriérés de salaires dus.
Les ouvriers lésés ont touché environ 75% des sommes qui doivent leur revenir, a relevé M.Mugny. Leur salaire horaire aurait dû être d’un peu moins de 25 francs de l’heure. Si les HUG n’avaient pas été solidaires, les travailleurs n’auraient à ce jour encore rien perçu, a souligné le syndicaliste.