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Le complot des cigarettiers contre la campagne anti-tabac

Philip Morris reconnaît avoir contribué à alimenter une atmosphère de méfiance et de confrontation. Keystone

Des experts de l´OMS, présidés par le Suisse Thomas Zeltner, chef de l´Office fédéral de la santé publique, ont publié mercredi un rapport dévoilant un complot visant à saper la lutte anti-tabac. Berne va évaluer l´impact de cette campagne sur la Suisse.

«L’OMS a une influence extraordinaire sur les gouvernements et les consommateurs. La compagnie doit diluer cette influence et la réorienter». Selon les experts de l’OMS, ces propos ont été tenus en décembre 1988 par Geoffrey Bible, actuel président de Philip Morris et qui était à l’époque l’un des cadres dirigeants de la compagnie.

A en croire le rapport de l’OMS, Geoffrey Bible aurait mis sur pied avec les autres dirigeants de la société un plan d’action visant, entre autres, à attaquer la campagne anti-tabac de l’OMS, réorienter les priorités de l’OMS en visant la structure, la gestion et les ressources de l’organisation.

Baptisée «Boca Raton Action Plan» (du nom de la ville de Floride où elle a été conçue), cette campagne aurait cherché à influencer l’OMS à travers les médias, les gouvernements et les organisations internationales en utilisant les industries alimentaires du groupe, des organisations économiques et des associations officiellement indépendantes.

Philip Morris aurait également, sur la base de ce plan, utilisé la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), l’OIT (l’Organisation internationale du travail) et d’autres agences de l’ONU pour influencer l’Assemblée mondiale de la santé et la lutte anti-tabac de l’OMS. Le rapport estime qu’une partie au moins de ce plan a été suivi durant les années 90.

D’autres cigarettiers comme British American Tobacco ou Reynolds auraient également cherché à contrecarrer les objectifs de l’OMS en utilisant des méthodes fort peu honorables. L’industrie du tabac aurait ainsi mis la main sur des documents confidentiels de l’OMS et surveillé secrètement certaines de ses réunions. Les industriels du tabac auraient également payé des journalistes pour dénigrer l’OMS, et des fonctionnaires de l’agence onusienne pour tenter d’influencer ses décisions.

Selon Thomas Zeltner, l’impact de ces différentes actions est difficile à mesurer: «Mais il est évident que la lutte anti-tabac de l’OMS durant les années 80 et 90 était faible et ce n’est que depuis l’arrivée de Gro Harlem Brundtland à sa tête que cette lutte a repris vigoureusement».

Le groupe Philip Morris ne rejette pas en bloc ces accusations basées sur des documents internes de l’industrie du tabac rendus publics suite à plusieurs procès aux Etats-Unis. «Certains de ces documents sont le produit d’un environnement conflictuel qui appartient au passé», justifie David Davies, vice-directeur de Philip Morris pour l’Europe.

David Davies reconnaît que sa société a contribué à alimenter une atmosphère de méfiance et de confrontation et prône pour le futur un dialogue constructif. Mais il estime que les documents utilisés par le rapport ne permettent pas d’aboutir à la conclusion que sa compagnie a voulu entraver la lutte anti-tabac de l’OMS.

Quoi qu’il en soit, le rapport recommande un contrôle régulier de l’industrie du tabac par l’OMS. Il incite également les gouvernements à examiner les conséquences judiciaires de ce rapport. Concernant la Suisse, Thomas Zeltner a précisé qu’il allait réexaminer ce rapport pour voir si la politique anti-tabac avait subi de telles influences. Thomas Zeltner espère que cet examen sera achevé avant la fin de l’année.

Frédéric Burnand

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