Le dessinateur Jacques Tardi replonge dans les tranchées
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(Keystone-ATS) Personne mieux que Tardi n’a su mettre en images l’horreur et l’absurdité de la guerre 14-18. Le dessinateur français le démontre une nouvelle fois avec « Le dernier assaut », un album comme une « dernière mise au point ».
Tardi nous entraîne dans les pas d’Augustin Broutille, un brancardier désabusé, plongé au coeur du chaos. Le ciel est invariablement gris ne rougeoyant que de l’éclat des tirs d’artillerie. Déluge d’acier, attaques au gaz, paysages dévastés et méconnaissables, corps d’hommes et d’animaux déchiquetés ou en putréfaction.
Depuis 40 ans, et son « Adieu Brindavoine », Tardi a toujours été hanté par la première guerre mondiale. On se souvient de « C’était la guerre des tranchées », « Putain de guerre » (avec Jean-Pierre Verney) ou encore « Le der des ders » et « Varlot soldat »(avec Didier Daeninckx). « Le dernier assaut », à paraître mercredi en France, en Suisse, en Belgique et au Canada, se veut son ultime album sur le sujet.
Broutille, c’est Tardi
Broutille, c’est évidemment Jacques Tardi lui-même. Alors que, contraint d’achever un blessé pour ne pas se faire repérer, il soliloque sur cette guerre effroyable en arpentant le champ de bataille, Tardi fait parallèlement entendre sa voix, mettant en perspective ce que ressent le brancardier.
On croise le capitaine raciste d’une compagnie décimée de tirailleurs sénégalais. L’occasion pour Tardi de parler du triste sort des soldats africains, lors de la deuxième guerre mondiale, « fièrement menés à la défaite par l’invincible armée française ».
Avec Broutille, on croise aussi des « Bantams », des hommes de petite taille envoyés au front quand l’armée britannique a commencé à manquer de bras. Tardi rappelle que les capacités offensives des Bantams étant « très faibles », ils furent « vite accusés d’être des trouillards congénitaux ». Beaucoup « furent jugés, condamnés à mort, aux travaux forcés ou a des années d’emprisonnement », rappelle le dessinateur.
Adolf Hitler épargné
Broutille tiendra dans sa ligne de mire un caporal du 16e régiment d’infanterie bavarois, un certain Adolf Hitler. Mais il ne tirera pas. « Après tout ce Boche est un pauvre type comme nous autres », se dit le brancardier désespérant humain dans un monde déshumanisé.
L’album est accompagné d’un CD de chansons de Dominique Grange, la compagne de Tardi, qui complète l’ouvrage. « Les deux projets sont aussi indissociables que le sont leurs auteurs », souligne Benoît Mouchart, directeur éditorial de Casterman.