Le Premier ministre refuse de quitter sa résidence; un mort
(Keystone-ATS) La crise politique déclenchée au Sri Lanka par le limogeage surprise du Premier ministre Ranil Wickremesinghe par le chef de l’Etat menace de plonger l’île dans le chaos. Un homme a été tué et deux autres blessés par balles dimanche.
Des gardes du corps du ministre du Pétrole, Arjuna Ranatunga, un proche du Premier ministre démis, ont tiré sur une foule hostile de partisans du président Maithripala Sirisena, qui voulait malmener le ministre, blessant trois personnes, a indiqué la police. Un homme de 34 ans atteint par ces tirs est décédé peu après son admission à l’hôpital national de Colombo, a annoncé une porte-parole.
Il s’agit de la première information faisant état de violences depuis que le chef de l’Etat Maithripala Sirisena a limogé vendredi le Premier ministre Ranil Wickremesinghe.
Résistance
Vendredi, le président a choisi de renvoyer son allié dans la coalition au pouvoir, pour le remplacer par Mahinda Rajapakse, 72 ans, qui avait dirigé le Sri Lanka d’une main de fer entre 2005 et 2015 et mis fin en 2009 aux combats entre la minorité tamoule et la majorité cinghalaise au prix d’un bain de sang.
Le Premier ministre déchu faisait dimanche de la résistance, refusant de quitter sa résidence officielle à Colombo. Près d’un millier de ses partisans se sont rassemblés aux abords de celle-ci. Le parti au pouvoir avait donné jusqu’à dimanche matin à Ranil Wickremesinghe, 69 ans, pour quitter les lieux.
Mais le Premier ministre, qui juge son éviction illégale, n’a pas tenu compte de cet ultimatum, et ce même si son successeur désigné, Mahinda Rajapakse, est allé recueillir la bénédiction des moines avant de s’atteler à la formation de son gouvernement. Mahinda Rajapakse ne s’est toujours pas officiellement exprimé.
Des responsables sri-lankais ont indiqué que la police allait désormais demander un mandat pour expulser le Premier ministre limogé.
Demande légitime
M. Wickremesinghe a demandé une session d’urgence du Parlement pour prouver qu’il était toujours fermement au pouvoir. Mais au lieu de ça, le président Sirinesa a suspendu jusqu’au 16 novembre le Parlement pour couper court à toute contestation parlementaire de sa décision.
Le président du Parlement Karu Jayasuriya a jugé dimanche légitime la demande du chef du gouvernement sortant de se maintenir en poste tant qu’un autre candidat ne pouvait justifier d’une majorité parlementaire. Karu Jayasuriya a prévenu le président que la suspension du Parlement risquait d’entraîner des « conséquences graves et imprévisibles pour le pays ».
« N’essayez pas de créer une guerre civile », a lancé le député Karunarathna Paranawithana, depuis la résidence du Premier ministre. « Si le président pense avoir une majorité, qu’il le démontre en réunissant le Parlement ». Le président Sirinesa devrait s’adresser dimanche à la nation, selon ses proches.
Déjà limogé
Une alliance du parti de M. Wickremesinghe et du Parti pour la Liberté du Sri Lanka de M. Sirisena avait évincé M. Rajapakse lors d’élections en 2015. Mais les relations entre les deux partis s’étaient fortement dégradées ces dernières années en raison notamment de divergences en matière de politique économique.
M. Sirisena avait par ailleurs affirmé qu’il ne ferait qu’un mandat mais indiqué depuis qu’il chercherait à se faire réélire l’an prochain, alors que M. Wickremesinghe a également des ambitions présidentielle.
Déjà limogé en 2004 par le président d’alors, M. Wickremesinghe avait fait amender la Constitution en 2015 pour supprimer le pouvoir présidentiel de limoger un Premier ministre. Cela n’a pas empêché la décision vendredi de M. Sirisena.
Appel au respect de la Constitution
Les Etats-Unis, puis les ambassadeurs Suiss et de l’Union européenne à Colombo ont appelé samedi toutes les parties à respecter la Constitution et à s’abstenir de toute violence. L’Inde a dit qu’elle observait « attentivement » les développements à Colombo.
Dimanche, des journaux privés sri-lankais qualifiaient les décisions présidentielles de « coup d’Etat constitutionnel ». L’éditorialiste Victor Ivan a estimé que la décision de M. Sirisena était une « violation patente de la constitution et « une confiscation du pouvoir au travers d’un complot ».