Le « sprayeur de Zurich » reçoit le Prix artistique de sa ville
(Keystone-ATS) Zurich honore son « enfant terrible » de l’art urbain. Agé de 80 ans, Harald Naegeli reçoit le Prix artistique de la ville. Ses anciennes oeuvres sprayées dans des garages souterrains seront inscrites dans l’inventaire municipal, de même que quelques oeuvres récentes.
L’exécutif de la ville de Zurich rend hommage à une « personnalité artistique d’exception » et à un « pionnier », écrit-il jeudi. Le Prix artistique 2020 qu’il décerne à Harald Naegeli est doté de 50’000 francs.
Mondialement surnommé « le sprayeur de Zurich » dès la fin des années 1970, l’artiste – qui vit aussi à Düsseldorf (D) – « a remis en cause une notion normative et une compréhension dominante et institutionnelle de l’art », salue la municipalité. De manière particulièrement acharnée, il a dérangé l’ordre établi à travers ses interventions dans l’espace public, convaincu que l’art devait « transgresser les limites que la société lui impose ».
Sanctionné, puis réhabilité
Les figures sprayées la nuit par Harald Naegeli lui ont valu régulièrement des ennuis avec les propriétaires de bâtiments et les autorités. Il a été condamné en 1981 à neuf mois de prison et à une amende de plus de 100’000 francs. Il s’est réfugié en Allemagne où il a aussi eu des problèmes avec la justice. Il a purgé sa peine en Suisse en 1984.
Il est ensuite retourné en Allemagne où de hautes écoles l’ont engagé comme professeur. Lors de visites à Zurich dans les années 1990, il a recommencé à sprayer des murs. Des expositions lui ont été consacrées, notamment à Zurich en 1989 à l’Ecole polytechnique fédérale et en 1993 au Kunsthaus.
En 2004, le canton de Zurich a indirectement réhabilité « le spayeur de Zurich » en faisant restaurer un de ses graffitis, « Ondine », sprayé en 1978 sur le mur d’un bâtiment de l’université. Ce graffiti est l’un des rares à avoir échappé aux nettoyages. Il est désormais sous protection.
En 2017, Harald Naegeli a comparu devant le tribunal de district de Zurich. Le Ministère public l’accusait d’avoir réalisé une vingtaine de graffitis sur des murs du centre-ville entre 2012 et 2013. L’affaire s’est conclue à l’amiable en 2018. L’artiste a offert un tableau à la ville. En contrepartie, les autorités municipales ont retiré leur plainte et renoncé à faire payer à Harald Naegeli le nettoyage des murs.
Plainte du Kunsthaus en avril
Ces derniers mois, Harald Naegeli a sprayé des motifs de danse macabre sur des constructions publiques et privées en plein semi-confinement lié au coronavirus. Il s’agit de figures sprayées en différents lieux dont – ironie du sort – le Kunsthaus qui a déposé plainte. Le musée des beaux-arts a fait effacer les graffitis découverts le 20 avril.
La ville de Zurich a décidé d’inscrire à son inventaire artistique sept des figures sprayées durant le semi-confinement en quatre endroits de la cité. Elle y ajoute aussi six oeuvres sprayées dans les années 1970 dans des parkings souterrains de la ville.
Sur le principe, la pratique municipale liée graffitis illégaux reste en vigueur, rappellent tout de même les autorités. Les particuliers et les autres institutions dont une façade a été « décorée » par Harald Naegeli restent libres d’agir à leur guise.