Le stade le plus solaire du monde
Le Stade de Suisse, à Berne, est plus qu’un temple du football. Cette arène multifonctionnelle abrite aussi un centre commercial, sert à la tenue de grands événements culturels et, surtout, dispose de la plus grande centrale solaire du monde intégrée dans la toiture d’un stade.
Quelque 20’000 personnes ont l’habitude de se rendre au Stade de Suisse pour suivre les matches de l’équipe locale, le FC Young Boys, actuel leader du classement du championnat suisse de première division (Super League).
Pour les fans du ballon rond, toute l’attention se porte sur les joueurs. Mais pour les fans des énergies vertes, la principale attraction n’évolue par sur le gazon synthétique du terrain. Elle est cachée sur son toit: il s’agit de la plus grande centrale solaire d’Europe intégrée au toit d’un stade de football.
Depuis sa mise en service, il y a cinq ans, cette installation s’est transformée en attraction touristico-technologique pour le grand public. Des dizaines de milliers de personnes montent chaque année jusqu’à la salle panoramique baptisée «Soleil», sur le toit, pour voir comment la lumière se transforme en électricité.
A là, on peut contempler 12’000 m² de cellules photovoltaïques, qui produisent 1,3 million de kilowatts/heure d’électricité par an. Cela correspond à la consommation de 400 habitations, explique Jakob Vollenweider, directeur des énergies solaire et éolienne auprès du groupe FMB (Forces motrices bernoises), l’une des principales compagnies énergétiques de Suisse, qui œuvre depuis 15 ans dans le domaine des énergies renouvelables.
«Le taux d’efficience des panneaux est de 15%, poursuit-il. Cela signifie que 15% de l’énergie qui se trouve dans la lumière solaire sont transformés en électricité. Actuellement, il s’agit d’un bon résultat».
Projets spectaculaires
Pour le groupe FMB, tout a commencé en 1999 avec une centrale solaire au Mont Soleil, dans les montagnes du Jura. Il s’agissait à l’époque de la plus grande en Europe. En 2001, l’entreprise a construit le plus grand navire solaire au monde, qui navigue de nos jours encore sur les lacs de Bienne, Morat et Neuchâtel.
«Nous avons encore construit une centrale solaire au Jungfraujoch, à 3471 mètres d’altitude, et nous venons d’inaugurer l’installation la plus haute du monde sur le Petit Cervin (3883 m.). Nous maintenons par ailleurs une collaboration technique avec Bertrand Piccard qui projette de faire le tour du monde dans un avion mu à l’énergie solaire», raconte Jakob Vollenweider. D’ailleurs, un modèle réduit du Solar Impulse – l’avion de Bertrand Piccard – a été placé sur le toit de la salle «Soleil».
La première tranche de la centrale du Stade de Suisse a été construite en 2005 pour livrer une production annuelle de 800’000 kilowatts/heure. «Nous avons vendu cette énergie à des particuliers, à des entreprises et à la commune. Cette vente a connu un tel succès qu’elle nous a permis d’augmenter le potentiel de plus de 450’000 kilowatts/heure en 2007», révèle Jakob Vollenweider.
Trois facteurs ont été décisifs pour réaliser le projet. «D’abord, les clients se sont montrés intéressés à acheter de l’énergie solaire; ensuite, il y avait ici de grandes surfaces disponibles pour intégrer une centrale solaire; enfin, un stade de football attire beaucoup de public, ce qui constitue une bonne occasion de familiariser les gens avec l’énergie solaire», poursuit-il.
Une énergie onéreuse
Construite sur le site où avait eu lieu le fameux «Miracle de Berne» (victoire de l’Allemagne lors de la Coupe du monde de football en 1954), la centrale solaire du Stade de Suisse a acquis une renommée internationale avec l’attribution du Prix solaire européen en 2005.
Le Stade de Suisse n’est pas le seul stade à disposer d’une centrale solaire sur son toit. Mais jusqu’à présent, c’est la plus grande installation de ce type sur le continent. «Avec ce projet, nous sommes parvenus à donner de nouvelles impulsions à l’énergie solaire, se félicite Jakob Vollenweider. Il y a même eu, et il y a encore des tentatives pour nous imiter.»
En Suisse, il existe trois autres stades de foot avec des centrales solaires plus petites intégrées au toit: le Stade St-Jacques de Bâle (depuis 2001), le Letzigrund de Zurich (depuis 2008) et l’AFG Arena de St-Gall (depuis 2009).
C’est bien, mais pas suffisant, estime le WWF. Dans une étude réalisée l’an dernier, l’organisation écologiste est en effet parvenue à la conclusion que les clubs de football suisses n’ont pas de concept en matière de protection de l’environnement. Des panneaux solaires sur le toit ne signifient pas automatiquement qu’il y a une «lumière écologique» à l’intérieur et autour des stades.
A Berne, environ 2% des 2,5 millions de kilowatts/heure que le stade consomme annuellement (non seulement pour les activités footballistiques, mais aussi pour les bureaux ou les congrès) sont solaires, ce qui correspond à 9% des coûts totaux en énergie. «L’énergie solaire est onéreuse, déclare le porte-parole du Stade de Suisse Peter Staudermann. Mais l’illumination du terrain est couverte par ces 2% d’énergie solaire que nous achetons.»
Sur les 36 commerces présents dans le centre commercial du stade, seul le supermarché Coop utilise l’énergie solaire. «Les autres commerces pourraient y avoir recours, mais ils ne le font pas. C’est aussi une question de prix», déclare Peter Baumgartner, directeur du centre.
Recommandation de la FIFA
Cette question du prix semble freiner la concrétisation d’une recommandation de la FIFA. En 2007, l’organisation internationale du football stipulait que «les mesures d’économie d’énergie doivent faire partie intégrante de la planification et de la construction d’un nouveau state. Ceci inclut aussi l’utilisation de l’énergie solaire.»
En Afrique du Sud, où le soleil brille 350 jours par an, aucun des nouveaux stades qui accueilleront la Coupe du monde 2010 n’est équipé de panneaux solaires. Le solaire se limitera à quelques stations de télévision (sun-tv) installées par une entreprise allemande et destinées au public viewing.
En effet, lorsque, début février 2010, le groupe chinois Yingli Green Energy a conclu un contrat avec la FIFA pour être la première entreprise du secteur des énergies renouvelables à sponsoriser une Coupe du monde, les stades d’Afrique du Sud étaient déjà prêts, selon le département des médias de la FIFA. Mais l’entreprise fournira des panneaux solaires pour les 20 «Football for Hope Centers» que la FIFA prévoit de construire en Afrique.
Au Brésil, il existe un projet pour transformer les stades de la Coupe du monde 2014 en «stades solaires». Ses concepteurs citent le Stade de Suisse comme un «exemple de réussite», mais butent eux-aussi sur la question du prix. En effet, au Brésil, l’énergie hydro-électrique est bien moins chère que l’énergie solaire.
Jakob Vollenweider reconnaît que l’énergie solaire est bien plus chère que l’énergie conventionnelle. Mais il est convaincu qu’elle représente l’unique alternative aux énergies fossiles. «C’est une énergie renouvelable avec un énorme potentiel et on fait beaucoup de recherche pour pouvoir en réduire le coût», conclut-il.
Geraldo Hoffmann, swissinfo.ch
(Traduction du portugais: Olivier Pauchard)
Construction: inauguration de la première étape en 2005 et extension en 2007
Mise en service: mai 2005
Puissance: 1300 kilowatt avec des conditions d’ensoleillement optimales
Production annuelle: 1,2 million de kilowatt/heure, soit l’équivalent de la consommation de 400 habitations
Superficie: 12’000 m² pour environ 7000 panneaux solaires
Durée de vie prévue: de 25 à 30 ans
Investissement: 10 millions de francs qui devraient être amortis d’ici 2020.
Le soleil dispense chaque année annuellement 40 millliards de kilowatts/heures sur la Suisse, ce qui représente 220’000 fois plus que la consommation annuelle d’énergie du pays.
A peine plus de 40’000 installations solaires avec une surface d’environ 350’000 m² de capteurs (sans le chauffage des piscines) profitent de cette énergie.
La production fournit à peine 0,3% de l’énergie nécessaire pour le chauffage et 0,03% de la consommation totale du pays en énergie.
La Suisse dispose d’une surface de toits de 400 millions de m². Si elle était utilisée, une telle surface pourrait couvrir environ un tiers des besoins énergétiques du pays.
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