Le visage au coeur de la 6e biennale de l’art brut
(Keystone-ATS) Le visage est au centre de la sixième édition des biennales de l’art brut qui se tient à Lausanne du 8 décembre au 28 avril. Le musée de l’art brut a sélectionné 330 pièces, issues de son fonds et réalisées par une quarantaine d’autrices et d’auteurs.
« Comme pour chaque biennale, l’exposition rassemble des oeuvres méconnues ou pas encore présentées, parmi plus de 70’000 pièces que le musée possède », a expliqué Sarah Lombardi, directrice du musée de l’art brut jeudi devant la presse. Elle revisite aussi des corpus déjà montrés au public, mais sous un angle nouveau.
« Il y a au moins autant de visages que de pièces que nous présentons », a relevé le commissaire de l’exposition Pascal Roman, professeur de psychologie clinique, psychopathologie et psychanalyse. Et de montrer les portraits d’Eugène Wyss sculptés dans des noyaux d’abricots ou ceux plus destructurés de Curzio Di Giovanni, qui s’inspirent de photographies de stars dans les magazines.
Le visage, intime et extérieur
Le visage est souvent une des premières choses qu’un enfant dessine. Il est aussi un sujet de prédilection pour les artistes, quelles que soient les époques ou les techniques utilisées: « le visage est à la fois le lieu le plus intime et le plus extérieur du sujet », estiment Jean-Jacques Courtine et Claudine Haroche, auteurs de « Histoire du visage » .
Outre la qualité esthétique des travaux, les critères de sélection du commissaire de l’exposition se rapportent notamment à la diversité des supports et des techniques employés : textile, bois, pierre, papier, peinture, craie, gouache, feutre ou stylo à bille.
On peut voir par exemple des visages en textile, parfois appliqués sur du courrier comme celui que Danielle Jacqui envoyait à Michel Thévoz, l’ancien directeur du musée de l’art brut. Dans un autre genre et d’une tout autre envergure, on doit à cette autrice la statue de 36 tonnes, qui culmine à 14 mètres de haut devant La Ferme des Tilleuls à Renens.
Frontières en art et art brut
Elle est une des deux invitées au vernissage de l’exposition jeudi soir. Elle sera accompagnée d’une autre autrice, Ody Saban. Et c’est là que les frontières entre artistes et autrices et auteurs d’art brut se brouillent, les seconds étant à l’origine éloignés des circuits officiels de la reconnaissance avant que des médecins psychiatres ne les fassent sortir de l’ombre.
Lucienne Peiry, historienne de l’art et ancienne directrice du musée de l’art brut, interroge le statut à octroyer à ces multitudes de visages qui peuplent les oeuvres d’art brut. « La précarité affective et sociale qui caractérise souvent l’environnement d’autrices et auteurs d’art brut (isolés, enfermés, marginalisés) peut constituer le terreau de carences ou de traumatismes que l’acte de créer va tenter de tempérer, voire de transformer et transfigurer au travers de la représentation de visages », tente Pascal Roman.
Une dizaine de films documentaire sont projetés pendant l’exposition. Un concert le 18 janvier, en collaboration avec l’Orchestre de Chambre de Lausanne, et un colloque sont encore prévus. Ce dernier rassemblera des historiens de l’art, des philosophes et des psychologues le 22 février au Vortex de l’Université de Lausanne.
Enfin une exposition de Mario Del Curto, qui a photographié des créatrices et créateurs hors normes entre 1983 et 2016, attend les visiteurs à la Grange de Dorigny du 9 février au 3 mars.