Les sénateurs pour une loi dans les zones non constructibles
(Keystone-ATS) Les constructions hors zone à bâtir doivent être mieux réglementées. Le Conseil des Etats a entamé jeudi le débat sur une réforme de la loi sur l’aménagement du territoire. Les premières décisions s’éloignent de l’initiative populaire.
Lancée en 2019 par des associations environnementales, l’initiative « contre le bétonnage de notre paysage » vise à ancrer la séparation des zones à bâtir et des zones non constructibles dans la Constitution fédérale. En zone non constructible, le nombre de bâtiments devra être strictement stabilisé, tout comme la surface sollicitée par ceux-ci.
Les sénateurs reconnaissent pour la plupart la nécessité d’agir. « Il est clair que la pression sur la nature augmente, que ce soit pour les activités de loisirs, l’agriculture ou les besoins en mobilité », a relevé Heidi Z’Graggen (Centre/UR).
Mais l’initiative est une attaque frontale contre les régions rurales, estime Daniel Fässler (Centre/AI). Pour lui, une révision de loi peut bien reprendre son exigence principale pour autant qu’elle reste limitée. L’aménagement du territoire est l’affaire des cantons, estime-t-il.
Avec la même retenue, Beat Rieder (Centre/VS) a rappelé que, durant les dernières décennies, ce sont surtout des terres non productives qui ont été utilisées pour des constructions. Il y a aussi une vie dans les zones non constructibles, a complété Hannes Germann (UDC/SH).
Bien accepté
Les élus sont donc tacitement entrés en matière sur la révision de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT2). Le projet reprend d’importantes demandes de l’initiative et offre une certaine flexibilisation.
« Si on échoue, il n’y a pas de LAT2, et le peuple se prononcera sur l’initiative sans contre-projet », a indiqué Martin Schmid (PLR/GR). Les modifications que le Parlement apportera au projet définiront le paysage futur de la Suisse, a relevé Heidi Z’Graggen.
Le projet de révision de loi est « équilibré et pragmatique », selon Elisabeth Baume-Schneider (PS/JU). Les cantons, l’Union suisse des paysans et les milieux touristiques lui ont réservé un bon accueil.
« Il s’agit de trouver un subtil équilibre entre la sensibilité locale et la garantie d’atteindre le but global », a déclaré Lisa Mazzone (Vert-e-s/GE). C’est un compromis qui risque de s’écrouler si on en retire l’un ou l’autre élément, a mis en garde l’écologiste genevoise.
Une loi très souple
La révision de loi reprend ainsi l’objectif prôné par l’initiative de stabiliser le nombre de bâtiments dans les zones non constructibles. Mais le Conseil des Etats a décidé jeudi plusieurs assouplissements.
Par 27 voix contre 15, il a retiré de l’objectif de stabilisation les sols rendus imperméables par des projets agricoles mais aussi par des activités touristiques. Dans la même proportion, il a décidé de ne pas limiter aux régions de montagnes la possibilité pour les cantons de déterminer des zones spéciales dans lesquelles des utilisations non imposées par leur destination sont admissibles.
Par 22 voix contre 19 et une abstention, il veut aussi permettre aux cantons de réaffecter dans les zones spéciales des bâtiments agricoles inutilisés à des fins d’habitation. Roberto Zanetti (PS/SO) n’a pas réussi à freiner la majorité de droite pour donner une vraie chance au contre-projet face à l’initiative.
Concept pour atteindre les objectifs
La droite dure a toutefois échoué par 28 voix contre 15 à supprimer l’obligation faite aux cantons de définir dans leur plan directeur un concept global pour atteindre l’objectif de stabilisation. Il s’agit d’un point capital du projet, a martelé la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga. Avec succès cette fois.
Si les objectifs du plan directeur ne sont pas atteints dans les cinq ans, il y a des sanctions. Des mesures substantielles de compensation et d’amélioration devront être prises lors de constructions hors des zones à bâtir.
Pas terminé
La Chambre des cantons n’a pas eu le temps de clore l’examen de la loi. Ils termineront jeudi prochain. Plusieurs propositions de minorités sont encore sur la table.
Cette révision est la deuxième étape de la réforme de l’aménagement du territoire. La première, entrée en vigueur en 2014, concernait le développement à l’intérieur du milieu bâti.