Quand Gandhi a visité la Suisse et indigné la presse locale
En 1931, Gandhi a passé cinq jours en Suisse chez son ami l’écrivain français Romain Rolland, établi alors à Villeneuve, au bord du Léman. swissinfo.ch revient sur ce voyage à l'occasion du 150e anniversaire de la naissance du père de l’indépendance indienne.
Pacifiste convaincu, Prix Nobel de littérature (1915), Romain Rolland a séjourné – pour la deuxième fois – en Suisse de 1922 à 1938, à Villeneuve, «lieu de rencontre internationaliste pour tous ceux qu’anime un idéal de non-violence, marqué par le rôle et la pensée de Gandhi», relèveLien externe le Dictionnaire historique de la Suisse. Un engagement que l’écrivain français avait raconté en 1923 dans une biographie du Mahâtmâ Gandhi.
Après sa participation à Londres à une table ronde sur l’avenir de l’Inde coloniale, Gandhi séjourne chez Rolland du 6 au 11 décembre 1931. Un voyage organisé par Madeleine Slade, la disciple anglaise de l’apôtre de la désobéissance civile. Celle qui avait adopté le nom indien «Mirabehn» ou sœur Mira était une grande admiratrice de Rolland et l’avait rencontré avant de partir en Inde pour rencontrer Gandhi. Parmi les accompagnateurs se trouvaient les secrétaires du maitre, Mahadev Desai et Pyarelal Nayyar, et son fils cadet Devdas.
Le Journal de Rolland enregistre en détail les habitudes alimentaires de Gandhi. À 6 ou 7 heures du matin, il buvait un verre de jus d’orange fraîchement pressé suivi un peu plus tard d’un verre de lait de chèvre bouilli. A 10 heures du matin, il consommait de l’eau chaude avec du citron et du miel ou de la cannelle en poudre. Le déjeuner se résumait à une grappe de raisin et un verre de lait de chèvre. Le dîner comprenait des légumes crus râpés comme des carottes ou du céleri et deux pommes râpées. Gandhi filait du coton khadi tous les jours de sa visite en Suisse et ne voyageait qu’à pied ou en train de troisième classe comme il en avait l’habitude.
Des curieux ont accouru à Villeneuve pour apercevoir le célèbre Indien. Et Rolland craignait que sa présence n’attire des visiteurs opportunistes – y compris des nudistes – cherchant à attirer l’attention du monde sur leur cause.
Lors de son séjour, Gandhi a donné deux conférences publiques, l’une le 8 décembre à la Maison du peuple à Lausanne et l’autre le 10 décembre au Victoria Hall à Genève à l’invitation de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté. Mais voilà, la presse romande n’a guère apprécié ses critiques du militarisme et du capitalisme.
«Le Courrier de Montreux, qui, jusque-là, avait cru devoir le ménager ainsi que moi, a publié un premier article disant que de tout ce que Gandhi avait fait pendant ces cinq jours en Suisse, ce qu’il avait fait de mieux c’était de partir. Et on le dénonçait comme un instrument inconscient ou conscient (pourquoi pas?) qui vient en Suisse pour désarmer et détruire, afin de livrer ensuite le peuple sans armes à l’agression du communisme. Et l’on n’était pas loin de trouver une preuve de plus à cette tactique de trahison dans le fait que Gandhi avait pris logement chez ‘le bolcheviste Romain Rolland’», raconte l’écrivain français dans son JournalLien externe.
Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand
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