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«Nous sommes entrés dans l’ère du terrorisme global»

Champ-Dollon où travaille Benoit Tullen, médecin à l'unité psychiatrique. Keystone

Hautement médiatisées, les attaques terroristes qui ont frappé les Etats-Unis ont stupéfié le monde entier et ont brisé un tabou. Pour le philosophe Paul Virilio, les formes de la guerre s'en trouvent bouleversées. L'ampleur de ce massacre risque d'inspirer des tueurs fous comme celui de Zoug.

A priori, rien ne permet de relier les attentats du 11 septembre et la tuerie au parlement de Zoug. Dans le premier cas, il s’agit d’une action d’un réseau aux visées planétaires, qui frappe un pays entier, son économie, son pouvoir politique et militaire.

L’auteur du massacre de Zoug, lui, a agit seul et, semble-t-il, pour des raisons personnelles. Il s’apparente à ces serial killers qui ensanglantent périodiquement les unes de l’actualité américaine et dans une moindre mesure celle d’Europe.

Mais pour le philosophe français Paul Virilio, auteur de nombreux ouvrages sur le phénomène guerrier, les différentes formes de violences – criminelles ou politiques – s’alimentent les unes les autres: «Ces dernières années, nous sommes passés de la petite délinquance à la grande délinquance qui utilise des armes de guerre de plus en plus puissantes».

Conséquences incalculables

Or, selon Paul Virilio, les attentats du 11 septembre marquent un tournant, un changement d’échelle aux conséquences incalculables. Sur le plan stratégique et militaire, ils signifient la fin de la conception développée par le penseur prussien Carl von Clausewitz, à savoir la guerre comme continuation de la politique par d’autres moyens.

«Désormais, nous entrons dans une ère de terrorisme global», estime le penseur français. Il craint donc fortement que cette nouvelle période soit jalonnée par des actions de plus en plus meurtrières menées, non pas par des armées entières comme au siècle passé, mais par quelques individus seulement.

Contamination des milieux délinquants

Paul Virilio constate également que ce crescendo infernal contamine les milieux délinquants et les tueurs fous. Il relève au passage que les armes en circulation actuellement dans les banlieues françaises ou ailleurs en Europe sont à la fois nombreuses et potentiellement meurtrières.

La police française a en effet récemment découvert des armes de guerre – dont des bazooka – aux mainx de petits délinquants. «Imaginez quelqu’un pointant un lance-roquettes sur une usine chimique. Un tueur fou peut ainsi commettre, à lui tout seul, un crime contre l’humanité», avertit Paul Virilio.

Depuis les attentats du 11 septembre, ce type de scénario catastrophe a en effet quitté l’imaginaire cinématographique pour pénétrer dans le champ du possible. Un ultime tabou a été brisé.

«Pour certaines personnes psychologiquement fragiles, ces attaques terroristes ont pu montrer que désormais tout est possible, tout est faisable», relève ainsi Benoit Tullen, médecin psychiatre à l’unité psychiatrique de la prison de Champ-Dollon.

Une idée qu’a peut-être eu le meurtrier de Zoug. Car force est de constater que la Suisse n’a jamais connu un tel massacre, à fortiori dans un parlement.

Frédéric Burnand

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