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La Suisse condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour une affaire d’amiante

Fauteuils vides dans la salle du Conseil des droits de l'Homme.
Les juges de la Cour européenne des droits de l’Homme ont rendu une décision qui peut être qualifiée d’«historique» dans le cadre de la longue affaire des victimes de l’amiante en Suisse. KEYSTONE / CHRISTIAN BEUTLER

Après des décennies de lutte, les victimes de l’amiante voient enfin une lueur d’espoir. La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a rendu une décision historique en condamnant la Suisse à verser 20'800 euros d’amende pour tort moral à la veuve et au fils d’un plaignant décédé d’un cancer lié à l’amiante. Cette affaire pourrait inciter le législateur suisse à modifier la loi.

C’est un combat de 18 ans que vient de remporter l’avocat Martin Hablützel. La CEDH oblige la Suisse à verser 20’800 euros à la famille d’un Glaronnais empoisonné par de l’amiante.

«Ce jugement a une très grande importance, bien au-delà de la question spécifique de l’amiante. Désormais, toutes les personnes qui souffrent de conséquences à long terme ont la possibilité de faire valoir leurs revendications devant les tribunaux, même si ces conséquences n’ont été reconnues que 20, 30, 40 ou 50 ans après la cause initiale», explique l’avocat mercredi dans le 19h30 de la RTS.

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Quand la procédure pénale pour lésion corporelle grave a été engagée, Marcel Jann était encore en vie. Son exposition à l’amiante remontait à son enfance quand il habitait près de l’usine d’Eternit située à Niederurnen. Elle transformait des fibres minérales d’amiante en panneaux de ciment.

Lorsqu’il était enfant, dans le jardin à l’arrière de sa maison, sans connaître le danger, il construisait des cabanes avec des plaques d’Eternit cassées et sciées. «La fenêtre de la chambre était peut-être à 50 mètres de la salle de production la plus proche, où ils travaillaient la nuit et traitaient de l’amiante. Aujourd’hui, c’est évidemment fou quand j’y pense», expliquait-il de son vivant dans une interview d’archives.

Un espoir pour les autres victimes

Regula Jann-Zwicker a enterré son mari en 2006, des suites d’un cancer de la plèvre: une des conséquences les plus évidentes aujourd’hui d’une exposition mortelle à ces particules. Elle n’a jamais baissé les bras, même après avoir été déboutée par le Tribunal cantonal de Glaris, puis le Tribunal fédéral quelques années après.

«Enfant, nous construisions des cabanes avec des plaques d’Eternit»

Feu Marcel Jann

«J’espère vraiment que les efforts de mon mari, toutes les années qu’il a vécues et tout ce qui se passe encore aujourd’hui, que tout cela portera ses fruits. Et que les personnes qui tombent malades obtiendront gain de cause».

Avec cet arrêt, la Cour européenne des droits de l’Homme estime que la famille Jann n’a pas eu de procès équitable. Même en doublant le délai de prescription de 10 à 20 ans, il est impossible de chiffrer combien de temps après la contamination la maladie risque de se déclarer.

Strasbourg n’impose rien à la Suisse, mais la voie est ouverte pour une nouvelle modification de la législation.

L’Office fédéral de la Justice peut aussi décider de contester la décision européenne et renvoyer l’affaire devant la Grande Chambre.

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