Le chômage des jeunes, une bombe à retardement
Près de 50'000 jeunes de 15 à 29 ans sont sans emploi et 10'000 terminent leur scolarité cet été.
Le chômage des jeunes est deux fois plus élevé que la moyenne et la pauvreté les menace. Ce constat inquiétant émane de l’Oeuvre suisse d’entraide ouvrière.
«J’ai bien réussi mon examen d’apprentissage en informatique. J’ai rédigé des dizaines d’offres d’emploi. J’ai 21 ans et souhaite gagner ma vie, mais personne ne me donne ma chance.»
Ce témoignage signé Marco figure parmi beaucoup d’autres récoltés par l’Oeuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO) pour étoffer sa campagne annuelle contre la pauvreté, intitulée cette année Les jeunes ont besoin de travailler.
Qu’ils soient en échec scolaire ou qu’ils aient bien réussi leur formation, les jeunes «se heurtent souvent aux portes fermées du monde du travail», s’inquiète Frances Trezevant à l’OSEO.
De même, les entreprises n’engagent pas forcément les apprentis, qu’elles ont formé. Ainsi, l’œuvre d’entraide cite l’UBS qui, en 2003, n’a engagé que 65% de ses apprentis en fin de formation, contre 80% les années précédentes.
Près d’un chômeur sur trois
A la fin de 2003, sur 160’000 personnes au chômage, on comptait plus de 50’000 15-29 ans. A qui s’ajouteront tous ceux qui rejoindront le monde du travail dès l’été, estimés entre 6000 et 7000 par l’OSEO.
En outre, la relance économique annoncée ne devrait guère profiter aux cadets puisque le chômage de cette catégorie de la population augmente lors de chaque récession économique.
Résultat des courses, les jeunes constituent une part de plus en plus importante des «working poors». A Zurich, 40% des bénéficiaires de l’aide sociale ont moins de 26 ans.
En outre, le nombre de jeunes au bénéfice de l’Assurance invalidité est en train d’exploser, notamment pour ce qui est des cas psychiques.
«Normal, commente Frances Trezevant, ils se heurtent à des refus, voire à une sorte de ‘racisme anti-jeunes’, alors qu’ils sont à un moment de la vie où ils cherchent leur identité professionnelle, personnelle et sociale. Ils se sentent donc exclus.»
La formation en question
Il est donc urgent que les entreprises réagissent. Par exemple, on manque de plus en plus de places d’apprentissage. En effet, les deux tiers des jeunes se forment toujours via cette filière qui associe école et travail en entreprise.
Or, les statistiques fédérales indiquent que plus de 30’000 places d’apprentissage ont disparu depuis 1985, soit une perte de 15%. En 2002, le nombre de contrats d’apprentissage a diminué de 3%, passant de 70’947 à 68’535, alors que le nombre d’élèves qui termine l’école atteindra 6% jusqu’en 2008.
Sans oublier que diverses études montrent que l’échec scolaire est en forte augmentation, rendant d’autant plus difficile l’accès à une place d’apprentissage.
Problème structurel
Seules 17% des entreprises forment des apprentis. Secrétaire de l’Union patronale suisse (UPS), Urs Meier explique à swissinfo que l’économie suisse ne compte que 0,3% d’entreprises de plus de 150 employés.
La Suisse étant un pays de petites et moyennes entreprises, la moyenne tourne autour des 15 salariés. D’où la difficulté de recruter des d’apprentis.
«Ce qui nous inquiète le plus, c’est que c’est un problème structurel, estime Urs Meier, lié à l’augmentation du secteur des services au détriment de l’industrie.
Autre problème, les restructurations. La surcharge de travail qui en résulte fait que les entreprises n’ont plus le temps de former des apprentis. «Et pourtant, regrette Urs Meier, les jeunes sont intéressants pour une entreprise.»
Quels remèdes?
Pour améliorer les choses, les employeurs misent sur l’évolution démographique. En effet, dès 2006-2007, le nombre de jeunes arrivant sur le marché de l’emploi va commencer à décroître.
«Cela devrait contribuer à réduire le manque de places», espère Urs Meier. «J’attends de voir», se méfie Frances Trezevant.
Et la collaboratrice de l’OSEO souhaite plutôt encourager les employeurs à embaucher des jeunes en améliorant, par exemple, l’information et en réformant fondamentalement la formation et l’école.
La semaine dernière, un Comité suisse contre le chômage des jeunes s’est constitué, réunissant diverses organisations syndicales, de jeunes, ainsi que l’OSEO.
Ce comité a présenté un véritable catalogue de revendications au monde politique et économique . Reste à savoir s’il sera entendu… Sinon, avertit l’OESO, «le chômage des jeunes est une véritable bombe à retardement pour notre société!»
swissinfo, Isabelle Eichenberger
Près de 50’000 15-29 ans étaient sans travail à la fin 2003.
A quoi vont s’ajouter 10’000 jeunes qui termineront leur scolarité cet été.
Selon l’Office fédéral de la statistique, plus de 30’000 places d’apprentissage ont disparu entre 1985 et 2001, soit –15%.
En raison de la démographie, le nombre d’élèves en fin de scolarité augmentera de 6% d’ici 2008 (à 89’500, contre 85’500 en 2002).
Actuellement, 17% des entreprises forment des apprentis.
Pour l’OSEO, le chômage des jeunes est une bombe à retardement pour la société suisse.
L’OSEO est une des plus grandes œuvres d’entraide suisses, avec un chiffre d’affaires de 50 millions de francs et près de 400 employés.
L’OSEO a été fondée en 1936 par le Parti socialiste et les syndicats de l’Union syndicale suisse (USS).
Elle mène une centaine de projets dans 13 cantons, surtout dans la formation, le chômage et l’emploi.
Un tiers de ses activités se déroulent dans les pays en développement ou émergents.
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