Le message poli mais sec de Barroso à Pascal Couchepin
Lors de la visite lundi à Bruxelles d'une délégation du gouvernement suisse, le président de la Commission européenne, José Manuel Durão Barroso s'est dit satisfait des propositions helvétiques sur la fiscalité tout en estimant qu'elles restent encore insuffisantes.
Flanqué de deux autres ministres, Hans Rudolf Merz (finances) et Eveline Widmer-Schlumpf (justice), le président de la Confédération Pascal Couchepin a été reçu à déjeuner par le chef de l’exécutif communautaire, afin de faire un tour d’horizon des relations entre la Suisse et l’Union européenne (UE).
Bien sûr, ce genre de rencontre à très haut niveau ne se prête pas aux marchandages, ni à un examen très fouillé des différents dossiers. Il permet néanmoins de mettre les points sur les i.
Une priorité et des difficultés
Le président de la Commission a fait l’apologie des relations entre la Suisse et l’Union: «Je tiens à souligner la qualité et l’intensité de nos relations. La Suisse constitue une priorité pour l’Union européenne», a-t-il déclaré, en reconnaissant toutefois que Berne posait «quelques difficultés», qu’il n’a toutefois pas jugées anormales, à l’Union.
Il a également insisté sur les nouvelles règles du jeu du bilatéralisme que les Vingt-Sept veulent imposer, en rappelant «l’importance qu’on attache à l’application de l’acquis communautaire (ndlr: la législation et la jurisprudence de l’UE) comme base de notre coopération, tout en respectant la souveraineté suisse.»
Ce sujet, conflictuel, sera au cœur des pourparlers sur la conclusion d’un accord cadre, destiné selon José Manuel Barroso à ordonner la myriade d’accords sectoriels existants, que Berne et Bruxelles semblent prêts à ouvrir.
Parmi les autres pierres d’achoppement du bilatéralisme, biens connues, le Portugais a notamment cité le problème de certaines mesures d’accompagnement de l’accord sur la libre circulation des personnes que la Suisse a adoptées et celui des avantages fiscaux que les cantons réservent aux holdings, sociétés de domiciliation et sociétés mixtes.
Peut faire mieux
Les propositions que le gouvernement suisse a faites le 10 décembre – interdiction des sociétés boîtes aux lettres et adaptation des deux autres régimes – vont «dans la bonne direction», mais demeurent insuffisantes, a-t-il fait remarquer, en évitant soigneusement de jeter de l’huile sur le feu.
C’est que Pascal Couchepin a donné de nombreux gages de bonne volonté à la Commission. «En principe, quand on commence des négociations, on ne capitule pas dès le début en rase campagne», a-t-il relevé, laissant ainsi entendre que la Suisse pourrait faire de plus amples concessions.
Le président de la Confédération a également confirmé que la Suisse était prête à appliquer de façon anticipée l’accord sur la lutte contre la fraude, que tous les Etats membres de l’Union n’ont pas encore ratifié, et fait preuve de souplesse dans un autre dossier délicat: celui de la fiscalité de l’épargne, que les Vingt-Sept pays de l’UE ont très récemment rouvert.
En catimini
Pour peu que l’UE ne remette pas en cause le maintien du système de la retenue à la source, qui permet de préserver le secret bancaire, «nous sommes prêts à discuter, quand l’Union aura éclairci la situation, d’une extension du champ d’application de l’accord» à des sociétés paravents, tels que les trusts et les fondations, a-t-il annoncé.
Les responsables de la Commission et de l’administration fédérale aborderont tous ces thèmes dans les semaines et mois à venir, mais en catimini, confie un négociateur européen. C’est que Pascal Couchepin a également réussi à sensibiliser ses interlocuteurs à la nécessité de faire preuve de retenue alors que se profile à l’horizon – le 8 février 2009 – une «votation difficile», sur la libre circulation des personnes.
Bruxelles «sait très bien que lorsqu’on est à la veille d’une votation, il faut adopter un ton raisonnable», a relevé le président de la Confédération.
swissinfo, Tanguy Verhoosel à Bruxelles
Faux! Hans-Rudolf Merz fait fausse route dans sa tentative de résoudre le différend fiscal entre la Suisse et l’Union européenne (UE), selon le Parti socialiste. Le PS préconise de mieux imposer les gains tirés des participations.
Cantons. Pour compenser cette augmentation de l’assiette fiscale, le PS propose que les cantons baissent leurs impôts sur les bénéfices des entreprises ordinaires. La Confédération rétrocéderait aux cantons environ trois milliards de francs tirés de l’impôt sur les bénéfices.
En 1999, la Suisse et l’UE – alors formée de 15 pays – ont signé un 1er paquet d’accords bilatéraux, garantissant une ouverture réciproque des marchés.
Entrée en vigueur le 1er juin 2002, ces 7 Accords bilatéraux I concernent les obstacles techniques au commerce, les marchés publics, la libre circulation des personnes, l’agriculture, la recherche, les transports terrestres et le transport aérien.
En 2004, Berne et Bruxelles ont conclu une 2e série d’accords, destinés à renforcer la coopération dans des secteurs non touchées par le premier paquet.
En vigueur. De ces Accords bilatéraux II, certains sont déjà en vigueur. Ils portent sur les produits agricoles transformés, les pensions, la fiscalité de l’épargne, les médias, l’environnement et la statistique.
Les accords de coopération Schengen/Dublin ne seront pleinement opérationnels qu’à la fin de l’année, alors que la date d’entrée en vigueur de l’accord sur la lutte contre la fraude n’a pas encore été arrêtée.
Après le vote populaire favorable, la libre circulation des personnes a été étendue en 2006 aux dix nouveaux pays ayant rejoint l’UE en 2004.
Le 8 février 2009, les Suisses sont à nouveau appelés aux urnes pour dire s’ils acceptent de reconduire l’accord de libre-circulation et de l’étendre à la Roumanie et à la Bulgarie, devenues membres de l’UE en 2007.
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