Des perspectives suisses en 10 langues

Plurilinguisme: amélioration, mais objectifs pas encore atteints

La présidente du Conseil national Isabelle Moret défend le plurilinguisme dans les travaux des commissions notamment. KEYSTONE/ALESSANDRO DELLA VALLE sda-ats

(Keystone-ATS) Trois employés de la Confédération sur cinq (60%) travaillent dans un office fédéral où les minorités linguistiques ne sont pas représentées de façon adéquate. La situation s’améliore, mais le plurilinguisme demande un effort continu.

La Constitution fédérale et la loi sur les langues de 2007 stipule que les quatre communautés linguistiques suisses sont représentées dans l’administration fédérale. Au sein de celle-ci, chacun peut s’exprimer dans la langue de son choix. Pourtant, la réalité est différente.

Depuis le début du nouveau millénaire, la surreprésentation des Alémaniques a été réduite, relève mardi dans une étude le Centre d’études sur la démocratie (ZDA) lors d’un point de presse en ligne. Les langues minoritaires sont, à présent, représentées de manière correcte si l’on considère l’administration fédérale dans son ensemble.

Ainsi, la représentation des communautés linguistiques se rapproche des objectifs pour les 38’000 employés fédéraux. Elle est estimée entre 68,5% et 70,5% pour l’allemand, 21,5% et 23,5% pour le français, 6,5% et 8,5% pour l’italien et 0,5 et 1,0% pour le romanche. Dans la catégorie des cadres supérieurs, les Alémaniques sont toutefois encore légèrement surreprésentés.

Différences selon les offices

Mais des différences considérables existent selon le département ou office fédéral dans lequel un collaborateur travaille. Les Romands sont bien présents au Département fédéral de l’Intérieur (28% – chiffres de 2015), au Département des affaires étrangères (26%), aux services du Parlement (25%) et au Département fédéral de l’économie (DEFR) (24%).

Dans les autres départements comme à la Chancellerie fédérale, la représentation des Romands passe sous la barre des 20%. Du côté des italophones, leur présence est forte à la Chancellerie fédérale avec 22%, soit davantage que les Romands, puis au Département fédéral des finances (10%). Dans les autres départements, leur nombre oscille entre 4 et 6%. Les Romanches atteignent parfois le 0,5% avec une quasi-absence au DEFR (0,06)

Dans environ deux tiers des offices, les germanophones sont surreprésentés. Comme ceux-ci emploient près de 20’000 personnes, cela signifie que près de 60% des employés de la Confédération travaillent pour une unité administrative dans laquelle il existe une surreprésentation des Alémaniques.

Etude saluée

Hans Stöckli (PS/BE), président du Conseil des Etats et président du groupe parlementaire pour la pluralité linguistique et sa collègue Isabelle Moret (PLR/VD), présidente du National, également membre de ce groupe, saluent cette étude. Elle « montre », pour la Vaudoise, « de manière chiffrée des choses que nous ressentons parfois au sein du Parlement, mais que nous n’avons pas pu prouver ».

Si « chacun parle sa langue dans le travail des commissions », Isabelle Moret n’a jamais entendu un parlementaire s’y exprimer en italien ou en romanche. Les Romands ont la chance de pouvoir parler dans leurs langues, « mais il faut être réaliste: pour être sûr d’être compris, ils résument leurs interventions en allemand. » Préalable au bon fonctionnement de ce principe, la présidente du Conseil national préconise un meilleur apprentissage des langues.

La Vaudoise défend aussi l’usage de l’italien dans l’administration. « Le jour où on abandonne le soutien à nos collègues italophones, la langue qui sera ensuite mise en danger, c’est le français ».

L’anglais en embuscade

Sans oublier que l’anglais prend de l’importance. C’est le cas dans les domaines de l’administration proches des sciences ou dans le cadre de la collaboration internationale.

Quant au « problème du suisse-allemand », celui-ci paraît « maîtrisé », écrit le Centre d’études sur la démocratie. Pour Marco Romano, conseiller national (PDC/TI) et co-président du groupe parlementaire Italianità, si l’administration assume son devoir d’exemplarité en jouant le jeu au niveau du dialecte, tel n’est pas le cas dans le reste de la société.

Mesures jugées peu efficaces par les latins

Alors que les Alémaniques considèrent les mesures pour la promotion du plurilinguisme liées à la loi sur les langues comme efficaces, la moitié des Romands et près de trois quarts des italophones les jugent largement comme produisant peu d’effet.

Au moment de l’engagement d’un collaborateur, l’étude souligne encore les conflits d’intérêts entre les exigences de pluralité linguistique et les autres besoins nécessaires au bon fonctionnement de l’administration fédérale.

Les résultats de cette étude, intitulée « Les langues du pouvoir » sont publiés dans un ouvrage de la série « Le Savoir Suisse », créé par Bertil Galland en 2002. Elle a été réalisée par Daniel Kübler, directeur du ZDA, Emilienne Koblet et Roman Zwicky.

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