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Carla Del Ponte à son tour visée par le TPIY

Carla Del Ponte à La Haye, en 2007. Keystone

L’ex-procureure général auprès du Tribunal pénal international (TPI) est soupçonnée d’avoir fait subir des mauvais traitements à plusieurs témoins. Carla Del Ponte a qualifié ces accusations d’«absurdes». Le TPI a demandé l’ouverture d’une enquête préliminaire.

Les coulisses de la réunion des ambassadeurs de Suisse, qui s’ouvre ce lundi à Interlaken, au pied des Alpes bernoises, promettent d’être animées.

Les soupçons qui mettent en cause le travail de l’ancienne procureure des Balkans, Carla Del Ponte, ainsi que deux de ses ex-confrères, risquent d’ébranler une nouvelle fois les rapports que la bouillonnante ambassadrice de Suisse en Argentine entretient avec son employeur, le Département fédéral des Affaires étrangères.

Après les révélations il y a quelques jours du quotidien anglais The Guardian, faites en marge du procès contre l’ex-criminel de guerre d’ex-Yougoslavie, Vojislav Seselj, c’est au tour de la presse tessinoise de jeter de l’huile sur le feu. Dans sa dernière édition, le journal dominical Il Caffè publie les détails des mauvais traitements présumés que des procureurs du TPI auraient fait subir à plusieurs témoins liés et impliqués dans cette affaire.

Privations de sommeil durant des périodes d’interrogatoire, pressions psychologiques, menaces et même promesses de rémunérations juteuses; telles sont quelques-unes des accusations décrites dans un document dont le contenu a été révélé par l’hebdomadaire.

Accusations graves

Cette déposition, longue d’une douzaine de pages, portant la référence de IT-03-67-T de l’ONU et datée du 29 juin 2010, établit la liste des pressions et mauvais traitements qui auraient été exercés par des magistrats et enquêteurs pour les crimes en ex-Yougoslavie contre plusieurs personnages clés.

La gravité des actes serait telle qu’elle aurait même poussé l’un des accusés, Milan Babic, ex-leader des Serbes de Croatie, à mettre fin à ses jours en se pendant dans sa cellule.

Dans ce même document, le témoin Vojislav Dabic assure que les magistrats incriminés lui auraient promis un emploi particulièrement bien rémunéré aux Etats-Unis, en échange de son témoignage.

Carla Del Ponte directement visée

Plus loin, un autre personnage appelé par le TPIY à déposer dans cette affaire affirme avoir fait l’objet, avec sa famille, d’une «extrême pression de la part des accusateurs». L’homme affirme aussi ne pas avoir reconnu ses propres dires dans sa déposition contre Vojislav Seselj.

Toujours selon les extraits publiés par le journal tessinois, des pressions auraient aussi été exercées contre un certain Aleksandr Stefanovic, pour que ce dernier témoigne contre Vojislav Seselj, afin d’éliminer cet idéologue et défenseur de la Grande Serbie de l’échiquier politique de son pays.

Le témoin dit avoir été «encouragé» par plusieurs hauts dignitaires serbes et Carla Del Ponte elle-même pour déposer contre l’accusé. Selon Aleksandr Stefanovic, les magistrats lui auraient fait signer une déposition non traduite dans sa langue maternelle et qu’il n’aurait pu ni lire ni comprendre.

Enquête à venir

C’est précisément en marge du procès contre Vojislav Seselj, actuellement en instance de jugement devant le Tribunal de La Haye, que le journal The Guardian a eu vent des soupçons qui entachent Carla Del Ponte et ses ex-collègues. Le procès est présidé par le juge Jean-Claude Antonetti.

Ce dernier vient de demander l’ouverture d’une enquête préliminaire contre l’actuelle ambassadrice de Suisse en Argentine, ainsi que contre deux autres procureurs dénoncés dans le document, Hildegard Ürtz-Retzlaff et Daniel Saxon.

Le cas échéant, l’ex-procureure des Balkans risquerait à son tour de devoir rendre des comptes au TPIY, pour lequel elle s’était battue durant huit ans et avait fait arrêter des dizaines de criminels de guerre.

Propos «absurdes»

Interpellée durant son séjour dans son canton d’origine par le journal Il Caffè, Carla Del Ponte a qualifié les accusations dont elle fait l’objet d’«absurdes». La Tessinoise a précisé qu’elle n’avait strictement rien à se reprocher et qu’elle avait la «conscience tranquille».

De par sa fonction diplomatique, Carla Del Ponte n’est pas autorisée à s’exprimer publiquement. Mais l’ex-magistrate a affirmé son intention «de parler», annonçant qu’elle entendait demander à la patronne du DFAE, la ministre Micheline Calmy-Rey, l’autorisation de répondre dans la presse aux soupçons qui pèsent sur elle et qui ont déjà fait le tour du monde.

Nicole della Pietra, swissinfo.ch

Tessin. Carla Del Ponte est née en 1947 à Bignasco, dans le Val Maggia, au Tessin.

Droit. Elle étudie le droit, et le droit international aux universités de Berne et de Genève, puis en Grande-Bretagne.

Procureur cantonal. En 1981, elle est nommée procureure du canton du Tessin.

Musclée. Dirigeant plusieurs dossiers d’instruction brûlants, dont celui dit de la Pizza Connection et des enquêtes sur le crime organisé, la magistrate est souvent critiquée pour ses méthodes musclées qui lui ont valu le surnom de «Carla, la peste».

Ministère public. De 1994 à 1999, elle dirige le Ministère public de la Confédération, où son style de «shérif» est aussi dénoncé par ses détracteurs.

TPIY. Elle est nommée procureure générale du TPIY (Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie) en 1999 par le secrétaire général de l’ONU de l’époque, Kofi Annan.

Goût d’inachevé. Après huit ans d’exercice, Carla de Ponte quitte la Haye en décembre 2007, sans avoir jugé Mladic et Karazic, à son grand regret.

Buenos Aires. Le Département fédéral des Affaires (DFAE) étrangères la nomme ambassadrice et lui remet les clés de l’Ambassade de Suisse à Buenos Aires, en Argentine.

2011. Ce mandat devrait arriver à échéance en février 2011. Carla Del Ponte a d’ores et déjà fait savoir qu’elle n’entendait pas poursuivre sa carrière diplomatique.

Livre. En juin 2008, elle signe un ouvrage intitulé: «La Traque : les criminels de guerre et moi». Certains passages de ce livre sur les années de Carla del Ponte à la tête du TPIY créent la polémique.

Rapports tendus. Le DFAE interdit les présentations prévues en Italie et en Suisse. Ce qui a pour effet d’envenimer les rapports de la Tessinoise avec son employeur.

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