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Credit Suisse ouvre une banque privée au Japon

Keystone

Après 40 ans d'une histoire mouvementée au Japon, Credit Suisse ouvre une unité de banque privée dans la deuxième économie du monde. Les autorités nippones n'ont pas attendu les affaires d'UBS aux Etats-Unis pour surveiller les risques d'évasion fiscale.

Pour Walter Berchtold, responsable des activités de banque privée au Credit Suisse, le Japon dispose de l’épargne la plus abondante de la planète. Selon lui, les Japonais les plus riches sont demandeurs de services financiers toujours plus sophistiqués et globaux.

A partir de ce jeudi 14 mai, la banque suisse est prête à les leur offrir, par le biais d’un modèle intégrant ses activités de banque privée, de banque d’affaires et de gestion d’actifs. Mais pourquoi avoir attendu si longtemps avant d’ouvrir une banque privée «on shore» sur sol japonais alors que la banque suisse est installée dans la région, à Hong Kong et à Singapour en particulier, depuis longtemps?

Banquiers volants

D’une part, admet Walter Berchtold, les Japonais sont très conservateurs dans la manière dont ils gèrent leur épargne. L’essentiel des quelque 15’000 milliards de dollars qu’ils ont accumulés est parqué dans des bons du Trésor japonais. Leur rendement est faible et permet à l’Etat japonais de financer, à moindre coût, une dette publique représentant officiellement 170% du PIB, peut-être 200% et plus dans la réalité.

D’autre part, Credit Suisse, comme la plupart des autres banques privées suisses, préférait envoyer ses gestionnaires au Japon depuis Zurich ou Hong Kong pour visiter leurs clients nippons. Et ainsi les aider à transférer tout ou partie de leur épargne à l’extérieur de l’archipel, quitte à violer une réglementation japonaise très stricte en matière de transferts de capitaux à l’étranger.

Avertissements du fisc japonais

Les autorités japonaises n’ont pas attendu qu’UBS soit accusée par les Etats-Unis d’avoir facilité l’évasion fiscale de contribuables américains pour signaler aux banques suisses ayant pignon sur rue au Japon qu’elles n’appréciaient pas les voyages de leurs gestionnaires basés a Hong Kong, Singapour, Genève ou Zurich vers les grandes villes japonaises. Et d’avertir que si les mouvements des «fliers», ces gérants de fortune volants, continuaient, les banques suisses en subiraient les conséquences.

«Elles n’ont reçu le message qu’après l’arrestation aux Etats-Unis d’un banquier suisse. Les banques suisses ont alors compris qu’elles risquaient de subir le même sort au Japon. Et elles ont également interdit à leurs gestionnaires de visiter leur clientèle à Tokyo ou Osaka», déclare un banquier japonais sous le couvert de l’anonymat.

La décision de la Suisse de négocier avec les Etats-Unis et le Japon la révision des accords de double imposition et de se plier aux standards de l’OCDE en matière de coopération fiscale dissuade désormais les clients japonais des banques privées suisses de sortir leur fortune du pays.

Goût du risque?

Après UBS, Credit Suisse décide donc d’ouvrir une banque privée au Japon. Réussira-t-il à persuader les Japonais les plus fortunés de vendre leurs bons du Trésor japonais pour confier leurs liquidités à ses banquiers privés? Junya Tani, le responsable de Credit Suisse Private Banking au Japon, pense que oui.

Mais pour avoir travaillé auparavant à UBS, qui en est à sa deuxième et coûteuse tentative dans la banque privée au Japon, il ne peut pas ignorer les difficultés qui l’attendent. D’autant moins que Credit Suisse a, dans un passé récent, défrayé la chronique au Japon.

En 2001, un tribunal de Tokyo avait condamné la banque suisse à une amende pour avoir aidé des entreprises japonaises à cacher leurs mauvaises dettes à l’étranger à la suite de l’implosion de la bulle financière japonaise.

Scandales

En 2004, Crédit Suiss avait été accusé d’avoir aidé Susumu Kajiyama, un gros bonnet de la mafia japonaise, à placer des fonds en Suisse via Hong Kong.

«La réputation de notre banque privée ne souffrira pas de cette histoire ancienne», affirme à Tokyo Walter Berchtold. Le responsable mondial du private banking de Credit Suisse ne se doute peut-être pas que les Japonais les plus riches ont une peur bleue de leur fisc. Et qu’ils n’oublient pas que la banque suisse fut utilisée par les yakuza, la pègre japonaise, et son parrain condamné à une peine de prison.

Georges Baumgartner, Tokyo, swissinfo.ch

Partenaire important. Après l’Union européenne, les Etats-Unis et la Chine, le Japon est le troisième partenaire commercial de la Suisse en ordre d’importance. De son côté, la Suisse occupe la huitième position sur cette même échelle au Japon.

Exportations. En 2008, la Suisse a exporté des marchandises pour une valeur totale de 7,1 milliards de francs vers le Japon. Durant la même période, le Japon exportait de son côté des biens pour un montant égal à 4,1 milliards de francs à destination de la Confédération.

Pharma. Les produits chimiques et pharmaceutiques, les montres et les machines outils sont les principaux biens vendus par la Suisse au Japon. Selon le ministère japonais des affaires étrangères, quelque 150 entreprises suisses sont actives dans l’archipel nippon.

Importations. Voitures, métaux précieux, articles de bijouterie, machines et produits chimiques forment l’essentiel des exportations japonaises vers le marché helvétique.

Accord de libre-échange. Le 19 février dernier, la Suisse et le Japon ont signé un accord de libre-échange et de partenariat économique (ALEPE). C’est la première fois que le Japon a conclu un tel accord avec un pays européen.

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