Des perspectives suisses en 10 langues

De nombreux défis pour le nouvel homme fort de Pékin

Xi Jinping, un visage auquel il faudra désormais s'habituer. Keystone

La presse suisse se montre circonspecte face à la nomination de Xi Jinping à la tête du PC chinois, le jugeant encore insaisissable malgré un style plutôt détendu. Elle se demande s’il sera l’homme de la situation pour affronter les énormes défis auxquels sera confronté le pays.

De manière globale, la première impression laissée par le nouvel homme fort de Pékin est bonne. A l’instar de leurs collègues étrangers, les journalistes suisses ont été sensibles à l’attitude relativement détendue du nouveau secrétaire général du PC chinois lors de sa conférence de presse.

«La direction du Parti communiste chinois a un nouveau visage et il est plutôt sympathique», note par exemple le quotidien romand Le Temps.

Une équipe conservatrice

Mais si le style semble évoluer un peu du côté de Pékin, les observateurs ne sont pas dupes pour autant: il n’y a pas de grands changements à attendre de la nouvelle direction collective du PC chinois.

«Le courage pour rajeunir le sommet du Parti a manqué. Les impulsions en vue d’un changement doivent nécessairement venir du bas. L’euphorie n’était pas au rendez-vous», regrette la Neue Zürcher Zeitung. Et le grand quotidien zurichois de poursuivre: «Politiquement, Xi est encore difficile à cerner, alors que certains des nouveaux nominés sont connus comme étant des forces conservatrices. Beaucoup de choses dépendront de l’environnement à l’intérieur du parti.»

Pour Le Temps, «la dictature chinoise, dans une logique de survie, a assuré l’essentiel en maintenant son unité de façade après une succession de scandales qui mêlent corruption, népotisme, abus de pouvoir, et qui minent sa légitimité.»

«Les attentes étaient probablement trop élevées, note pour sa part la Basler Zeitung. Quiconque a pensé que le PC chinois aurait changé avec davantage de réformateurs à sa tête aurait tôt ou tard été déçu. Le gigantesque appareil est trop rigide pour cela, la direction du parti trop obsédée par le pouvoir. Fondamentalement, il n’y a en Chine de mutation politique qu’au terme d’une longue période ou d’une révolution.»

Le Corriere del Ticino de Lugano rappelle au passage que l’immobilisme politique reste la norme en Chine. «En prenant la présidence en 2003, Hu Jintao avait été salué comme un potentiel réformateur. Au cours des dix dernières années, la Chine a fait des pas de géant: son économie a quadruplé et sa classe moyenne compte aujourd’hui 300 millions de personnes. Mais en matière de réformes politiques, le pays est resté immobile», note le quotidien tessinois.

Enormes défis

Les commentateurs de la presse sont également unanimes pour souligner que la Chine fera face à d’énormes défis au cours des prochaines années.

«Le modèle économique chinois est arrivé à ses limites, la corruption menace d’échapper à tout contrôle et les troubles sociaux augmentent. Si la Chine veut continuer sur son succès, le pays ne peut pas continuer comme il l’a fait jusqu’à aujourd’hui et devra prendre des décisions difficiles», écrit par exemple la Südostschweiz.

L’avenir de l’Empire du milieu peut tout aussi bien être brillant que chaotique, estime quant à lui le Giornale del popolo, publié également à Lugano. «Durant la prochaine décennie, la Chine pourra – et c’est pratiquement son destin – devenir la première économie du monde en dépassant les Etats-Unis, ou pourra aussi s’effondrer dans une guerre civile», avertit le journal tessinois.

La Basler Zeitung se veut cependant optimiste. «L’avenir du pays n’apparait pas seulement sous un jour sombre: la république populaire vit une profonde mutation depuis des décennies. Le niveau de formation s’élève, les gens sont mieux reliés entre eux que jamais grâce à Internet. Ils acceptent de moins en moins l’arbitraire des autorités et la corruption.»

La bonne équipe?

Reste à voir si la nouvelle équipe au pouvoir à Pékin sera la bonne pour relever ces défis. Les pronostics sont d’autant plus difficiles à faire que les signaux en provenance de la Chine sont en effet ambivalents.

Le Temps résume bien cette ambivalence. D’un côté, le quotidien remarque qu’«il ne faut attendre aucune réforme politique de cette nouvelle ‘direction collective’ où dominent clairement les conservateurs. Le modèle de capitalisme autoritaire du pays, si efficace pour générer de la croissance durant trente ans, n’est pas adapté à l’évolution sociale.»

Mais le quotidien reconnaît aussi la grande capacité d’adaptation du PC chinois. «Les gestionnaires du Parti ont prouvé qu’ils avaient un certain talent pour s’adapter aux situations nouvelles. Ces technocrates ont démontré leur capacité à diriger l’économie tout en l’ouvrant progressivement au secteur privé. Il faut leur reconnaître jusqu’ici une grande maîtrise à gérer la dépression économique provoquée par une crise financière mondiale. On doit aussi saluer la mise en place d’une protection sociale universelle de base ces dernières années.»

Né en 1953, Xi Jinping est issu de l’aristocratie révolutionnaire. Son père fut compagnon d’armes de Mao Tsé-Toung et vice Premier ministre de la République de Chine.

L’enfance dorée de Xi Jinping prend un tournant brutal dans les années 1970, lorsque son père, accusé d’avoir soutenu un livre contre Mao, est exclu du parti. Xi Jinping passe plusieurs années dans un camp de rééducation dans la province de Shannxi. Une expérience qu’il jugera plus tard «formatrice» dans l’une de ses rares interviews accordées à la presse.

Diplômé de l’université de Tsinghua, il débute sa carrière politique dans les années 1980 avec une série de mandats au niveau provincial.

En mars 2007, il est nommé chef du Parti communiste de Shanghai, la capitale financière et la ville la plus riche de Chine.

Quelques mois plus tard, en octobre 2007, il est promu membre du Comité permanent du Bureau politique, l’organe le plus important du PC chinois.

L’année suivante, il accède à la charge de vice-président de la République.

Le 15 novembre 2012, il est élu au poste de secrétaire général du PC et de président de la République, succédant à Hu Jintao.

Personnage discret est entouré d’une aura de mystère, il est marié à Peng Liyuan, une chanteuse très populaire en Chine pour son style «kitsch révolutionnaire».

Il est le premier dirigeant chinois né après l’instauration de la République populaire de Chine (1949).

Les plus lus
Cinquième Suisse

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision