Le référendum contre la norme anti-homophobie dans la tourmente
Des citoyens auraient été induits en erreur pour qu’ils signent le référendum de l'Union démocratique fédérale contre la norme qui pénalise l’homophobie. Certains demandent le retrait de leur signature mais ils auront du mal à obtenir gain de cause, selon le professeur de droit constitutionnel Etienne Grisel.
Mathias Reynard a dénoncé sur sa page Facebook la manière dont sont récoltées les signatures pour le référendum de l’Union démocratique fédérale (UDF) contre la révision de la norme pénale antiraciste qui sanctionne l’homophobie. Cette proposition, partie d’une initiative parlementaire de l’élu valaisan, vise à étendre cette norme à la discrimination basée sur l’orientation et l’identité sexuelle. Elle rendrait punissable les comportements homophobes.
Le député a filmé les pratiques des personnes qui récoltent les signatures et dénonce des «méthodes indignes qui détruisent la confiance dans notre démocratie directe». Le socialiste raconte avoir lui-même été interpellé dans la rue pour signer le référendum, qui lui a été présenté comme «une récolte de signatures pour lutter contre l’homophobie dans l’armée», ainsi que le montre la vidéo qu’il a publiée sur Twitter.
.Voilà les méthodes utilisées. Dans de nombreuses villes suisses. Quand on n’a pas d’arguments, on utilise le mensonge pour duper les citoyens. Faire signer un texte homophobe en prétendant lutter contre l’homophobie. Quelle honte et quel tort pour la démocratie directe! pic.twitter.com/emO6iK9iKnLien externe
— Mathias Reynard (@MathiasReynard) 29 mars 2019Lien externe
«Consignes données pour mentir»
Au micro de l’émission Forum de la Radio Télévision Suisse (RTS), Mathias Reynard a déclaré ne pas croire à un accident isolé: «Nous avons des dizaines de témoignages qui nous viennent de toutes les grandes villes de Suisse romande, avec de nombreux récolteurs de signatures différents», dénonce l’élu, qui évoque des «consignes données à ces gens pour mentir».
«Il y a des gens dégoûtés, qui ont donné leur signature pour un texte contraire à leurs valeurs», poursuit le député, qui réclame que les référendaires «aillent dans la rue et défendent leur texte pour ce qu’il est vraiment».
Des formulaires clairs
Le président de l’UDF Hans Moser a rejeté ces accusations. Selon lui, son parti avait informé correctement les récolteurs de signatures et les formulaires ont été clairement formulés. Il souligne toutefois que le petit parti chrétien ultraconservateur ne peut pas contrôler qui convainc les gens et avec quels arguments.
L’UDF a déjà réuni plus de 44’000 signatures et 18’000 supplémentaires sont en cours de vérification dans les communes, a précisé samedi Hans Moser. Il s’est donc dit certain d’obtenir les 50’000 signatures nécessaires pour déposer le référendum contre la modification du Code pénal, qui prévoit d’interdire l’homophobie au même titre que le racisme ou l’antisémitisme.
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Invalidation difficile
Une lettre type est proposée aux citoyens qui auraient signé par erreur le référendum de l’Union démocratique fédérale (UDF). Par erreur, parce qu’ils auraient été mal orientés. «Ma signature m’a été volée par tromperie: je souhaite la retirer.» La missive demande un retrait pur et simple des signatures à la Chancellerie fédérale, une situation inédite.
«Je n’ai jamais vu ça», confirme Etienne Grisel, professeur de droit constitutionnel à l’Université de Lausanne. «Il est ici question de demander le retrait d’un référendum, ce qui me semble exclu.»
Selon le spécialiste, demander l’invalidation reste possible, mais il faut pour cela de bonnes raisons. Invoquer l’erreur est concevable, mais va s’avérer très difficile à établir, parce qu’il faut réussir à prouver l’erreur. Et parce que le citoyen est responsable de ce qu’il signe. «A mon avis, les signataires auront de la peine à convaincre la Chancellerie que leur signature n’est pas valable», estime Etienne Grisel.
«On doit se battre contre ce genre de propos»
Réagissant à son tour mardi dans le 19h30, le conseiller national PLR valaisan Philippe Nantermod souligne qu’on «ne combat pas l’homophobie, on combat l’appel à la haine. On doit se battre contre ce genre de propos.»
Le vice-président du parti rappelle qu’il a soutenu la nouvelle norme au Parlement et au sein de son groupe. «Je pense qu’on est dans une société aujourd’hui où il se justifie de combattre l’appel à la haine des homosexuels», poursuit-il. «Cela fait d’énormes dégâts chez les gens qui sont concernés et je pense qu’on peut très bien vivre dans une société sans soutenir l’homophobie très ouvertement.»
>> L’interview de Philippe Nantermod, vice-président du PLR, dans le 19h30 de la RTS:
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