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Faut-il obligatoirement vacciner contre les épizooties?

Les autorités sortent généralement les grands moyens pour lutter contre les épizooties. Keystone

Le peuple vote le 25 novembre sur une révision de la Loi fédérale sur les épizooties. Ses partisans la jugent indispensable pour permettre à la Confédération de mettre en œuvre une prévention efficace. Ses opposants redoutent des vaccinations obligatoires et généralisées.

L’actuelle Loi fédérale sur les épizooties date de 1996. Mais, par le biais d’une motion, les milieux agricoles ont émis le souhait de la réviser, afin de l’adapter aux nouveaux défis.

Le but est de disposer d’une prévention plus active et plus rapide face au risque accru d’épizooties (épidémies animales) et de zoonoses (maladies transmises de l’animal à l’homme). Cet accroissement des risques est lié à l’augmentation des transports et des échanges au niveau mondial, ainsi qu’au réchauffement climatique.

A cette fin, la modification de la LFE accorde davantage de pouvoirs et de moyens à la Confédération et répartit clairement les tâches entre cantons et Confédération. Le texte a été approuvé à l’unanimité à la Chambre des cantons et avec une seule opposition et trois abstentions à la Chambre du peuple.

Naturopathes et agriculteurs bio montent au front

Le Parlement et le gouvernement avaient cependant compté sans un groupe de citoyens composé principalement de naturopathes et de paysans bio issus de régions agricoles alémaniques. Leur point commun: une hostilité envers les vaccinations obligatoires.

Sans l’appui d’aucun parti ni d’aucune organisation, les opposants ont lancé avec succès le référendum. Pratiquement toutes les 51’110 signatures ont été récoltées en Suisse alémanique. On n’en dénombre même pas un millier sur l’ensemble de la Suisse romande et du Tessin.

La modification de la LFE ne mentionne pas l’obligation des vaccinations. Mais les opposants estiment qu’elle va implicitement dans cette direction. Les programmes de dépistage précoce, la prévention et la surveillance des épizooties impliquent aussi la possibilité de vaccinations obligatoires, selon eux.

Toutefois, aujourd’hui déjà, la Confédération a la possibilité de rendre les vaccinations obligatoires en cas d’épizootie. «Mais cela ne signifie pas que nous devons étendre une situation insatisfaisante et renforcer ce pouvoir de l’Etat», objecte Walter Müller, le seul député qui a voté contre la révision mais qui ne fait pas partie du comité référendaire.

Qui paye et qui décide

Selon Walter Müller, il y a dans cette révision «un véritable déficit de participation au processus de décision et de coresponsabilité. La Confédération peut obliger les propriétaires d’animaux à payer une taxe pour financer les mesures qu’elle a décidées unilatéralement; elle peut ordonner des vaccinations sans impliquer les propriétaires dans la discussion. Mais si les animaux subissent un préjudice du fait de la vaccination, ce sont les propriétaires qui doivent supporter les coûts.»

«La révision ne change rien en terme de vaccination. Il n’y a donc pas d’obligation de vacciner ou des mesures similaires. Ces peurs sont par conséquent infondées. Lors de vaccins éventuels, le procédé reste le même, c’est-à-dire que les détenteurs d’animaux seront consultés, comme jusqu’à maintenant, lors d’une prise de décisions. Au contraire, les détenteurs d’animaux ont même plus de droits parce qu’ils peuvent soulever des objections contre les décisions de la Confédération», répond Jacques Bourgeois, député et directeur de l’Union Suisse des Paysans.

L’Union Suisse des Paysans soutient la révision. «Elle estime que c’est justement en mettant l’accent sur la prévention que l’on peut éviter des vaccinations et des traitements médicamenteux trop importants, ce qui favorise le bien-être des animaux», justifie Jacques Bourgeois.

Intervention exemplaire ou faillite?

L’absence de ce droit a été mise en évidence dans le cadre des vaccinations obligatoires contre la maladie de la langue bleue, décidées à la hâte par l’Office vétérinaire fédéral en 2008. Trois vaccins pas encore homologués en Suisse avaient alors été utilisés.

Pour fournir une base légale au programme de l’Office vétérinaire fédéral, le gouvernement avait modifié l’Ordonnance sur les épizooties. Celle-ci avait notamment supprimé le droit, contenu précédemment dans la loi fédérale, à des indemnités pour les pertes d’animaux suite à des traitements ordonnés par les autorités.

Quelques agriculteurs biologiques, partisans de méthodes d’immunisation naturelles, s’y étaient opposés. Ils avaient soustrait leurs animaux à la vaccination et avaient été mis à l’amende. De plus, plusieurs paysans qui avaient annoncé des préjudices dus à la vaccination – animaux morts, avortements, naissances prématurées, chute de la production du lait, etc. – n’avaient pas été indemnisés, sauf par quelques cantons.

Jacques Bourgeois voit l’autre face de la médaille. «L’adoption de mesures opportunes a permis d’éviter la propagation de la maladie de la langue bleue en Suisse et de préserver la santé de nos animaux, alors qu’une série impressionnante d’épidémies se déclaraient autour de nous, juge-t-il.  

La vaccination de la langue bleue a eu lieu sur la base de  la loi actuelle, une loi que les opposants, au travers de leur référendum sur la nouvelle législation, veulent maintenir.»

Méthodes naturelles pas mentionnées

Le fait est que, désormais, les agriculteurs qui estiment avoir été lésés par les vaccinations contre la maladie de la langue bleue se battent contre la révision de la LFE. «Je crois que le succès du référendum est en partie lié à cette histoire et en partie aussi  à un certain scepticisme face à la médecine classique», observe Walter Müller.

Avec la révision de la LFE, on aurait aussi dû offrir la possibilité d’utiliser des méthodes naturelles à la place des vaccins. Au lieu de cela, «on a fermé la porte à cette possibilité et ouvert toute grande la porte à l’industrie pharmaceutique», juge le député Oskar Freysinger, rapporteur de la commission préparatoire de la Chambre du peuple. Celui-ci, qui admet ne pas s’en être rendu compte pendant les travaux parlementaires, considère désormais que le vote du 25 novembre représente «une pesée d’intérêts» entre les avantages et les inconvénients de la révision.

Au peuple donc de décider de quel côté penchera la balance.

Avec la révision de la Loi fédérale sur les épizooties (LFE), approuvée par le Parlement en mars dernier, la Confédération assume la direction de la prévention et de la lutte contre les épidémies de maladies infectieuses animales.

Le gouvernement fédéral édicte des prescriptions et règle le financement des mesures de prévention. Il peut appliquer une taxe temporaire à charge des détenteurs d’animaux, fixe la part des coûts couverte par cette taxe et la quote-part des cantons. Il peut gérer des banques de vaccins, se procurer des vaccins contre les épizooties et les distribuer gratuitement ou à prix réduit. Il peut conclure des traités internationaux en matière de santé des animaux.

Les cantons sont chargés de l’application des prescriptions fédérales, de leur contrôle et des sanctions en cas d’infraction. Certaines peines ont été durcies par rapport à la loi actuellement en vigueur.

Le gouvernement et le Parlement recommandent d’accepter la révision de la Loi fédérale sur les épizooties.

Tous les partis représentés au Parlement y sont favorables. La plus grande organisation agricole du pays, l’Union suisse des paysans, la soutient également.

L’Association suisse pour la défense des petits et moyens paysans (VKMB), le syndicat agricole Uniterre, l’association Bio Suisse et une série d’autres organisations d’agriculteurs bio de Suisse alémanique refusent en revanche la révision.

Le comité référendaire réunit surtout des adeptes des médecines alternatives et des personnes critiques par rapport aux vaccins. Un seul parlementaire en fait partie: le démocrate-chrétien st-gallois Jakob Büchler.

(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)

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