Limiter l’immigration? Une fois ça suffit, disent les Suisses
Une très large majorité des Suisses ont refusé dimanche l’initiative Ecopop pour freiner la croissance démographique en limitant l’immigration. Le scénario du 9 février, où les citoyens avaient accepté l’initiative «Contre l’immigration de masse», ne s’est donc pas reproduit.
La défaite est sévère. L’initiative Ecopop a été refusée dans tous les cantons. Le verdict est également très clair au niveau du nombre des voix, puisque l’initiative a été refusée par les trois quarts (74%) des personnes ayant participé au vote.
Le taux de participation a pratiquement atteint la barre des 50%.
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Résultats des votations du 30.11.2014
Le texteLien externe de cette initiative demandait que la population résidant en Suisse «ne dépasse pas un niveau qui soit compatible avec la préservation durable des ressources naturelles.»
Concrètement, il était proposé que l’immigration nette ne dépasse pas 0,2% de la population sur une moyenne de trois ans. L’initiative réclamait aussi que 10% de l’ensemble du budget de l’aide au développement soit consacré à la promotion du planning familial dans les pays en voie de développement.
Partisans pas surpris
Les promoteurs de l’initiative ne sont guère étonnés du résultat. Vice-présidente du comité Ecopop, Cornelia Keller a indiqué que cette défaite était prévisible, étant donné que le gouvernement et pratiquement tous les parlementaires y étaient opposés. Et ce sans compter que les adversaires d’Ecopop avaient 30 fois plus de moyens financiers. «Nous sommes déçus mais pas surpris», a ajouté Andreas Thommen, président d’Ecopop.
Lui aussi partisan de l’initiative, l’ancien directeur de l’Office fédéral de l’environnement Philippe Roch reconnaît que le texte n’a pas convenu aux Suisses. Il n’en reste pas moins que les problèmes de surpopulation évoqués durant la campagne devront un jour ou l’autre être pris en main, a-t-il insisté.
Gouvernement satisfait
Le gouvernement a en revanche témoigné de sa satisfaction. Simonetta Sommaruga s’est réjouie de la netteté du rejet l’initiative. Le score sans appel en a surpris plus d’un, «dont moi», a admis la ministre de Justice et Police devant la presse.
«Une acceptation du texte d’Ecopop n’aurait résolu aucun problème écologique mais causé de grands problèmes à notre pays», selon elle. L’immigration est essentielle pour la Suisse et le restera dans le futur aussi. Mais il s’agit de trouver des réponses aux problèmes collatéraux qu’elle pose, a noté la socialiste.
Cette initiative avait certaines similitudes avec l’initiative adoptée le 9 février, a admis Simonetta Sommaruga. Mais la clarté du refus ne changera en rien la décision du gouvernement de mettre en œuvre la volonté exprimée par le peuple avec l’initiative contre l’immigration de masse.
La ministre n’a pas non plus voulu commenter les effets du résultat sur les négociations à venir. Pour l’heure, la position de l’Union européenne demeure claire: la libre circulation des personnes n’est pas négociable. Le gouvernement adoptera son mandat de négociation définitif en janvier. Il est actuellement en consultation.
Le dilemme demeure
Du côté des partis et des différentes organisations, c’est aussi généralement la satisfaction et le soulagement qui prédominent dans les réactions, à droite comme à gauche, face à une initiative jugée trop extrémiste.
«L’initiative aurait eu des conséquences extrêmement néfastes sur le bien-être de la Suisse. Elle aurait rendu plus difficile l’accès de personnel qualifié à notre économie, elle aurait inutilement limité l’aide au développement de la Suisse et aurait porté un coup fatal aux bilatérales», indique par exemple le Parti démocrate-chrétien (PDC / centre-droit).
«La décision très claire des Suisses de refuser l’initiative revêt une grande importance pour la place économique. La teneur extrême de ce projet aurait détérioré massivement les conditions-cadre de l’économie suisse ces prochaines années», relève de son côté economiesuisse, l’organe faîtier de l’économie.
«Le PS se réjouit du clair rejet de l’initiative Ecopop. La limitation drastique de l’immigration au travers de contingents particulièrement stricts est désormais évacuée, tout comme le lien entre immigration et environnement», note de son côté le Parti socialiste.
Le vote net de dimanche ne clôt pas pour autant le dossier. En effet, la Suisse se trouve dans une situation ambigüe, comme le relève le Nouveau mouvement européen suisse. «Le peuple suisse s’est positionné aujourd’hui clairement contre l’isolement. Or, le risque d’une Suisse isolée n’est pas écarté. En effet, suite à l’adoption de l’initiative ‘contre l’immigration de masse’ en février de cette année, la Suisse reste obligée de limiter l’immigration, en introduisant des contingents ainsi que la préférence nationale. Ainsi, le dilemme demeure: une majorité de la population suisse désire des quotas tandis qu’une autre majorité souhaite la poursuite de la voie bilatérale. Cependant, ces deux volontés ne sont pas compatibles. Cette question ne pourra être résolue que par un nouveau vote», juge le NOMES.
Vote électronique dans 12 cantons
Cette votation populaire fédérale du 30 novembre 2014 a permis à douze cantons de mener à nouveau des essais de vote électronique. Depuis le premier de ces essais, le 26 septembre 2004, le vote électronique a été organisé 31 fois lors de scrutins au niveau fédéral. Et plusieurs essais ont été menés au niveau cantonal et communal.
Les cantons de Genève et de Neuchâtel ont offert la possibilité de voter par voie électronique non seulement à leurs électeurs de l’étranger, mais également à des Suisses résidant dans le canton. S’agissant des dix autres cantons (Berne, Lucerne, Fribourg, Soleure, Bâle-Ville, Schaffhouse, Saint-Gall, Grisons, Argovie et Thurgovie), seuls les Suisses de l’étranger ont pu participer aux scrutins par voie électronique
Sur environ 170’000 électeurs autorisés à voter via internet (3% de l’électorat), 27’586 ont fait usage de cette possibilité. Dans les douze cantons participant aux essais, jusqu’à 67,88% des votants de l’étranger ont fait usage du nouveau canal de vote.
(Source: Chancellerie fédérale)
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