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La crise entre la Libye et la Suisse continue

Amitié retrouvée: l’Espagnol Miguel Angel Moratinos, président de l’UE, le premier ministre libyen Baghdadi Ali al Mahmudi et son homologue italien Silvio Berlusconi. Keystone

La Libye et l'UE ont annoncé samedi soir la levée des restrictions à l'octroi de visas des deux parties. Si Berne réagit en affirmant avoir appliqué correctement l'accord de Schengen, de son côté, Tripoli, affirme que a crise avec la Suisse «est un autre sujet».

Le ministre libyen des Affaires étrangères, Moussa Koussa, a affirmé dimanche que la crise avec la Suisse n’était pas terminée. Il s’exprimait au lendemain du règlement du contentieux sur les visas entre la Libye et l’Union européenne.

La crise avec la Suisse «est un autre sujet», a indiqué M. Moussa, interrogé en marge du sommet arabe à Syrte en Libye pour savoir si les levées réciproques samedi des restrictions sur les visas par Tripoli et l’UE ouvraient la voie à un règlement de la crise avec Berne.

Le ministre a indiqué ue son pays exigeait toujours un «arbitrage international» pour régler son différend avec la Suisse, né de l’arrestation à Genève en juillet 2008 d’un des fils du colonel Mouammar Kadhafi, Hannibal, sur plainte de deux domestiques pour mauvais traitements.

M. Moussa a également indiqué que les négociations avec Berne «ne se sont pas arrêtées» et qu’il pourrait y avoir «des réunions proches sous les auspices de l’Allemagne et de l’Espagne».

A noter que samedi après-midi, des sources diplomatiques avaient indiqué qu’une solution à la crise entre la Suisse et la Libye était «très proche», après un entretien entre le président du Conseil italien Silvio Berlusconi, le chef de la diplomatie espagnole Miguel Angel Moratinos et le premier ministre libyen Baghdadi Ali al Mahmudi, en marge du sommet.

L’Union européenne et la Libye

L’Espagne, qui assure la présidence de l’UE, a donc annoncé samedi la levée des restrictions de visas Schengen pour des personnalités libyennes, dont le dirigeant Mouammar Kadhafi, dans un communiqué distribué par les Affaires étrangères libyennes à Syrte, en Libye, en marge du sommet de la Ligue arabe.

«Les noms des citoyens libyens inscrits précédemment sur (la liste noire) de l’Espace Schengen ont été définitivement supprimés», a annoncé l’UE dans un communiqué. Peu après, un haut responsable libyen annonçait que son pays levait l’interdiction d’octroi de visas aux Européens de l’espace Schengen.

Après cette annonce, la Libye estimait samedi soir que la Suisse avait été «vaincue par cette mesure commune européenne», selon un communiqué du ministère libyen des Affaires étrangères. Rappelons que le gouvernement suisse avait annoncé cette semaine la levée de sa «liste noire» privant de visas Schengen entre 150 et 188 personnalités libyennes.

Réveil difficile

«Le réveil est dur pour la Suisse, parce que l’Europe a fait son choix: entre Tripoli et Berne, elle a choisi Tripoli», estime le chercheur Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève.

D’autant que rien ne semble avoir bougé pour Max Göldi, citoyen suisse retenu en prison en Libye. Ses conditions de détention se seraient même détériorées, selon les propos, dimanche, de son avocat libyen Salah Zahaf.

«S’il n’y a pas de garantie pour le retour de Max Göldi, si son cas n’a pas été évoqué de manière sérieuse, et non pas seulement orale, lors des négociations, il s’agit d’un lâchage de l’Europe», estime Hasni Abidi.

«J’ai été surpris par le communiqué de la présidence de l’UE. Ils sont allé au-delà de ce que les Libyens espéraient. Il y a des excuses, mais aussi l’engagement que cela ne se reproduira pas», s’étonne M. Abidi.

De son côté, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a souligné samedi soir que les restrictions d’octroi de visas à des personnalités libyennes avaient été décidées en conformité avec les règles de Schengen.

Cette mesure était motivée par l’enlèvement de deux Suisses à Tripoli. En effet, les autorités libyennes avaient agi en violation du droit international en enlevant les deux Suisses à l’automne 2009 à Tripoli, a indiqué le DFAE dans une prise de position écrite.

Les restrictions sur l’octroi de visa ont été décidées pour «des raisons liées à la sécurité publique et nationale» et «en accord avec l’article 96 du règlement d’application du mécanisme de Schengen», écrit le Département. La Suisse a usé des règles de Schengen conformément au droit «ce qu’a également confirmé l’Union européenne».

swissinfo.ch et les agences

15 juillet 2008: Soupçonnés d’avoir maltraité leurs deux domestiques, Hannibal Kadhafi et sa femme Aline sont arrêtés à Genève. Ils sont inculpés le 17, après deux nuits en détention préventive. Le couple est remis en liberté contre une caution de 500’000 francs.

19 juillet 2008: Deux ressortissants suisses, Max Göldi et Rachid Hamdani, sont arrêtés en Libye. Tripoli leur reproche notamment des infractions aux lois sur l’immigration et le séjour.

26 juillet 2008: La Libye exige des excuses de la Suisse. Berne rejette ces exigences.

20 août 2009: En visite à Tripoli, le président de la Confédération Hans-Rudolf Merz présente ses excuses au premier ministre libyen Al Baghdadi A. El-Mahmudi pour l’arrestation d’Hannibal Kadhafi et conclut un accord.

4 novembre 2009: Le Conseil fédéral suspend l’accord passé avec la Libye. Il entend également poursuivre jusqu’à nouvel ordre sa politique de visa restrictive vis-à-vis des ressortissants libyens.

9 novembre 2009: Berne estime que les deux Suisses ont été «kidnappés».

Décembre 2009-début février 2010: Plusieurs procès contre les deux Suisses.

15 février: Tripoli, mettant ses menaces à exécution, affirme que la Libye ne délivre plus de visas d’entrée aux Européens, à l’exception des Britanniques. L’Italie accuse la Suisse d’avoir pris les autres membres de l’espace Schengen en otages.

18 février: Médiation espagnole.

22 février: Max Göldi se rend aux autorités libyennes pour être incarcéré. Rachid Hamdani quitte le pays. Il arrive en Suisse le 23.

17 mars: L’Etat de Genève se dit d’accord de présenter des excuses à Hannibal Kadhafi et de le dédommager pour la publication en septembre 2009 de photos d’identité judiciaire dans La Tribune de Genève. La justice fixera le montant de l’indemnité.

25 mars: la Suisse supprime (ou réduit drastiquement) sa «liste noire» de ressortissants libyens.

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