La formule plus si « magique » de la répartition des sièges du Conseil fédéral
Depuis 1959, la "formule magique", cette règle tacite qui organise la répartition des sept sièges du Conseil fédéral, a presque toujours été religieusement respectée. Mais l'évolution récente des forces politiques du pays chamboule les anciennes évidences arithmétiques. Et le 13 décembre qui vient, le nouveau Parlement est appelé à élire nos sept Sages.
Dès 1959, la répartition des sièges du Conseil fédéral entre les quatre principales formations politiques (PLR, UDC, Le Centre, PS) du pays vise, de manière tacite, la proportionnalité des représentations politiques au plus haut sommet de l’exécutif, en rapport aux forces électorales en présence. Deux sièges sont attribués aux trois premiers partis, et un dernier au quatrième parti du pays.
Excepté le chamboulement de 2008, avec l’éviction de Christoph Blocher et l’émergence du Parti bourgeois-démocratique (PBD) à l’aile gauche de l’UDC – que rejoindront à l’époque les deux conseillers fédéraux Samuel Schmid (ex-UDC) et Eveline Widmer-Schlumpf (ex-UDC) -, la « formule magique » n’a toujours intégré que les quatre principales formations politiques du pays. Il n’y a en effet eu que deux modalités de la « formule magique » qui se sont historiquement imposées depuis 1959. Pour l’instant.
Car selon le baromètre électoral de la SSR réalisé par l’institut Sotomo en août 2023, quelques mois avant les élections fédérales, 55% des sondés souhaitent voir une nouvelle répartition des sièges au sein du collège gouvernemental, contre 41% qui ne le souhaitent pas.
Et parmi ces sondés, ce sont les sympathisants des Verts (92% de oui) et des Vert’libéraux (79% de oui) qui y sont le plus favorables. Cette évolution est aussi plébiscitée par une majorité de l’électorat du PS (71% de oui) et du Centre (52% de oui). A l’inverse, les proches de l’UDC (55% de non) et surtout du PLR (78% de non) sont opposés à un changement de système.
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Les partis écologistes dans les starting-blocks
La formule magique qui a eu cours de 1959 jusqu’en 2003 – la formule « 2-2-2-1 », avec deux sièges PS, deux sièges centristes, deux sièges PLR et un siège conservateur (UDC) – passe depuis 2003 à une formule avec deux sièges UDC et un siège centriste. Mais ce « basculement à droite » est à relativiser quand on observe la dynamique des vingt dernières années.
A partir de 1999, et plus massivement à partir de 2007, un nouvel enjeu politique, centralement thématisé par deux nouvelles formations politiques (au niveau national, le parti écologiste suisse – Les Vert.es – est créé en 1983, les Vert’libéraux en 2007), s’invite sur la scène politique suisse: l’environnement.
Autour de la question climatique, l’écologie politique atteint son sommet aux législatives de 2019, avec 21% de force électorale cumulée pour les deux formations écologistes. Mais avec plus d’un cinquième du corps électoral derrière eux, les deux partis ne transforment pas l’essai, et aucun septième Sage « vert » ne sera intégré au Conseil fédéral.
De quatre à six grands partis
En 1999, le PS, l’UDC et le PLR dépassent tous 20% de force électorale. Le seul autre parti en présence dépassant les 10% est le PDC (Le Centre depuis 2021). Il apparaît comme évident que les sept sièges du Conseil fédéral soient répartis entre ces quatre formations politiques.
Mais en 2023, le PS et surtout le PLR ont plongé sous la barre des 20%, et Les Vert.es (9,8% de force électorale) et les Vert’libéraux (7,6% de force électorale) continuent tendanciellement, sur la longue durée, à s’affirmer près de la barre symbolique des 10%, réduisant l’écart.
Prenant acte de leur nouvelle force électorale, les Vert-e-s et les Vert’libéraux ont récemment commencé à sortir les crocs, quitte à avoir les dents trop longues pour leurs détracteurs.
« Il y a de la place pour un conseiller fédéral vert et un conseiller fédéral vert libéral », disait en août 2022 le président des Vert’libéraux, Jürg Grossen, dans le cas où ces deux formations obtenaient plus de 10% des suffrages.
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Et les Vert-e-s, malgré leur passage sous la barre des 10% en octobre 2023, ont tout de même décidé de présenter le Fribourgeois Gerhard Andrey au concours des plus hautes fonctions exécutives du pays. Un geste surtout symbolique qui vise à débattre de cette question toujours plus brûlante.
Le Centre en embuscade
Les résultats définitifs des élections fédérales ont reconduit la même hiérarchie entre partis qui a cours depuis deux décennies. Le PLR et l’UDC estiment que ces élections justifieraient de maintenir la « formule magique » en application depuis 2003. Le Centre les suit, mais tout en nuances.
Le 11 novembre, le président du Centre, Gerhard Pfister, lançait un avertissement aux conseillers fédéraux PLR. Si ces derniers se présentent tous deux à une réélection, Gerhard Pfister attend d’eux qu’ils se distancient à l’avenir de la « politique de bloc » du camp de droite. Selon lui, le « pôle de droite » au Conseil fédéral est encore moins légitime à la suite des élections fédérales.
Et si le président du Centre s’autorise un tel avertissement, c’est que Le Centre, s’il n’est de justesse pas passé devant le PLR en termes de force électorale (14,3% pour le PLR, 14,1% pour Le Centre), est en revanche en avance sur le PLR en termes de sièges au Parlement, avec 15 sièges au Conseil des Etats pour Le Centre contre 11 pour le PLR, et 29 sièges centristes contre 28 sièges PLR au National. Le Centre est donc le troisième parti de Suisse du point de vue des rapports de force au Parlement, malgré un soutien moindre de la population en termes absolus par rapport au PLR.
D’ailleurs, lors du baromètre électoral réalisé du 21 au 23 octobre, à la question: « Si le PLR est dépassé par Le Centre aux élections fédérales et ne devient que le quatrième groupe parlementaire, devrait-il alors renoncer à l’un de ses deux sièges au Conseil fédéral? », une majorité de 60% des répondants semblaient ouverts à une remise en cause de la composition actuelle du sommet de l’exécutif – même si, en matière de force électorale, le PLR reste en tête devant Le Centre.
Le parti pourrait donc revendiquer un deuxième siège au Conseil fédéral, mais ces ambitions ne correspondent pas aux objectifs du parti à l’heure actuelle. A l’avenir, ils pourraient cependant changer.
C’est ce qu’a laissé entendre Maxime Moix, vice-président des Jeunes du Centre Suisse, le mardi 21 novembre dans La Matinale de la RTS. Selon lui, lors d’une prochaine vacance, de nouvelles ambitions seront sans doute plus légitimes: « Aujourd’hui, Le Centre est clairement troisième. Cela a toujours été le mot d’ordre du PLR de dire que les trois premiers au Conseil national avaient droit à deux sièges au Conseil fédéral. »
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