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La nouvelle stratégie énergétique sous des vents contraires

Parmi les propositions du gouvernement, il y a une nouvelle taxe sur les carburants, qui provoquent environ un tiers des émissions de CO2 en Suisse. Keystone

Le gouvernement suisse veut réaliser un grand tournant énergétique et réduire d’au moins 70% les émissions de CO2 d’ici à 2050. L’objectif est certes clair, mais le chemin y conduisant reste incertain. Le projet de fiscalité écologique proposé par le Conseil fédéral pour atteindre ce but ne recueille pas le consensus des principaux partis. 

En 2011, la Suisse a été l’un des premiers pays européens à réorienter sa politique énergétique après la catastrophe nucléaire de Fukushima. En l’espace de quelques mois seulement, gouvernement et parlement ont adopté les principes de la Stratégie énergétique 2050 qui prévoit la fermeture progressive des cinq centrales atomiques, mais aussi une réduction substantielle de la consommation énergétique et des émissions de CO2, le développement des énergies renouvelables et le renouveau des réseaux électriques. Toutefois, quatre ans plus tard, la manière dont doit être réalisé ce tournant énergétique, et dans quels délais, reste encore flou.

Stratégie énergétique 2050 

Le Conseil fédéral entend réaliser la nouvelle stratégie énergétique en deux phases. 

Un premier paquet de mesures jusqu’en 2021, destinées à augmenter l’efficacité énergétique et à promouvoir les énergies renouvelables, a été approuvé en décembre dernier par une majorité de centre-gauche de la Chambre du peuple. Les partis de droite et de centre-droite entendent toutefois revenir à la charge cet automne, lors du débat à la Chambre des cantons. 

A partir de 2021, le gouvernement propose de mettre en œuvre la nouvelle stratégie énergétique au travers d’un système d’incitations se basant sur de nouvelles taxes destinées à faire renchérir le prix des combustibles, des carburants et de l’électricité. 

Les revenus de ces taxes énergétiques et climatiques seraient reversés aux entreprises et aux économies domestiques, par exemple au travers de déductions des impôts fédéraux ou des contributions aux assurances sociales. 

A noter qu’en février dernier, 92% des votants ont rejeté l’initiative populaire «Remplacer la TVA par une taxe sur l’énergie» des Verts libéraux, qui proposait d’introduire de nouvelles taxes sur les énergies non renouvelables pour accélérer le tournant énergétique.

A partir de 2021, le gouvernement propose de mettre en œuvre la nouvelle stratégie énergétique au travers d’un système d’incitations se basant sur de nouvelles taxes destinées à faire renchérir le prix des combustibles, des carburants et de l’électricité. 

En effet, le nouvel article constitutionnel présenté par le gouvernement pour appliquer la nouvelle stratégie énergétique à partir de 2021 suscite des oppositions de toutes parts. Le Conseil fédéral propose de passer d’un système de promotion, basé principalement sur les subventions, à un système d’incitations, basé sur des taxes prélevées sur la consommation énergétique et redistribuées ensuite aux économies domestiques et aux entreprises. En d’autres termes, au lieu que les énergies renouvelables soient soutenues financièrement, le prix de l’énergie ayant un impact néfaste sur l’environnement renchérirait. Seraient donc pénalisés ceux qui consomment beaucoup d’énergie, alors que les autres profiteraient des ristournes sur les taxes. 

Selon le gouvernement, ce système est le plus efficace et le plus économique pour pousser la population et les entreprises à réduire leur consommation d’énergie, en particulier de pétrole, gaz et carbone, qui couvrent aujourd’hui 66% des besoins énergétiques en Suisse. Le système d’incitations correspond à un changement de paradigme sur le plan fiscal: de nouvelles taxes seraient introduites non pas pour augmenter les recettes de l’Etat, mais pour inciter les économies domestiques et les entreprises à adopter un comportement plus favorable à l’environnement.

Une charge excessive pour l’économie

Déjà expérimenté par quelques pays européens, dont l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Hollande et les Pays-Bas, le système d’incitations devra encore passer de nombreux écueils en Suisse. Les principaux partis ont tous exprimé des critiques face au projet mis en consultation par le gouvernement jusqu’à fin juin, et qui prévoit quatre variantes de taxes sur les combustibles, les carburants et l’électricité. Les partis de droite et du centre-droite, qui s’opposent également à un abandon définitif de l’énergie nucléaire, y sont fondamentalement opposés. 

«Nous rejetons ces nouvelles taxes sur l’énergie car elles représenteraient une charge excessive pour les petites et moyennes entreprises et pour de nombreuses économies domestiques. Ainsi, le projet du gouvernement ferait doubler le prix de l’huile de chauffage. Dans le contexte économique actuel, marqué par les difficultés liées au fort renchérissement du franc suisse par rapport à l’euro, il ne nous semble pas opportun d’accabler davantage nos entreprises», soutient Albert Rösti, député de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice). 

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Même son de cloche du côté du Parti libéral-radical (PLR / droite): «Nous sommes opposés à l’introduction d’une taxe globale sur l’énergie. Un renchérissement artificiel du prix de l’essence et du diesel aurait seulement des effets négatifs», affirme le député libéral-radical Christian Wasserfallen. Mais alors que l’UDC rejette en bloc la nouvelle stratégie énergétique, le PLR voudrait introduire un système d’incitations basé uniquement sur des prélèvements appliqués aux combustibles. 

Trop de questions ouvertes 

Les partis du centre et de gauche, qui soutiennent pourtant la Stratégie énergétique 2050, sont également sceptiques. «Le gouvernement entend ancrer dans la Constitution fédérale un système d’incitations, mais sans définir concrètement la manière dont il sera appliqué. Pour passer à ce système, il n’est pas besoin d’un nouvel article constitutionnel, il suffirait de renforcer les instruments actuels au travers de nouvelles lois», déclare Martin Bäumle, président des Verts libéraux (VL). 

Une vision partagée par Roger Nordmann, député du Parti socialiste (PS). «Il s’agit fondamentalement d’une proposition valable. Toutefois, le gouvernement veut supprimer les instruments actuels de promotion des énergies renouvelables sans proposer de mesures contraignantes d’incitation. Ces mesures devraient être définies avant une votation sur l’article constitutionnel, de façon à permettre au peuple de savoir exactement ce sur quoi il sera appelé à voter». 

Le Parti écologiste suisse (PES / gauche) exige lui aussi davantage de clarté avant d’accorder son soutien à un système d’incitations. «De nombreuses questions restent encore ouvertes. Par exemple, il n’apparaît pas clairement de quelle manière et dans quelle mesure ce système pourra contribuer au développement des énergies renouvelables. Si l’on supprime les instruments actuels de promotion sans introduire de nouvelles stimulations, il existe le risque que la Suisse soit contrainte d’acheter des énergies renouvelables à l’étranger», estime Bastien Girod, député du PES. 

Divergences sur les coûts également 

Parmi les incertitudes restant à éclaircir figure aussi celle des coûts de ce tournant énergétique. Trop élevés, selon les opposants à la Stratégie énergétique 2050. «Sur la base d’une étude de l’Université de Bâle, plus de 100 milliards de francs seront nécessaires d’ici à 2025. Un chiffre qui nous semble réaliste, si l’on considère les mesures approuvées jusqu’ici par le parlement. Pour nous, il s’agit de dépenses insupportables pour l’économie et les caisses de l’Etat», relève Albert Rösti. 

Objectifs climatiques 

En vue de la Conférence sur le climat de Paris, en décembre, le gouvernement suisse a annoncé il y a quelques mois ses objectifs pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. 

La Suisse veut s’engager à diminuer les émissions de 50% d’ici à 2030, par rapport à 1990. Ces réductions devront être réalisées pour au moins 30% en Suisse et pour le reste au travers de projets à l’étranger. D’ici à 2050, le gouvernement veut réduire les émissions de gaz à effet de serre de 70-85%.

Une évaluation contestée par les défenseurs de la nouvelle stratégie énergétique. «Ces calculs sont absurdes, en ce sens qu’ils ne tiennent pas compte du fait que nous serons de toute manière contraints de fermer les vieilles centrales atomiques et à renouveler les réseaux électriques. Nous devrions plutôt nous demander ce qu’il nous coûterait de renoncer au tournant énergétique, si l’on pense par exemple aux risques d’un accident nucléaire ou à la dépendance énergétique de l’étranger», rétorque Bastien Girod.

«Nous sommes convaincus que le tournant énergétique ne coûtera rien. Au contraire, les investissements dans les énergies renouvelables porteront à une croissance économique et nous permettront de réduire progressivement les importations d’énergies fossiles, qui s’élèvent à des dizaines de milliards de francs par année», estime également Martin Bäumle. Mais cela ne sera possible que si nous renonçons à des subventions coûteuses et introduisons, ces prochaines années, un système d’incitations».

(Traduction de l’italien: Barbara Knopf)

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